Les données à la base du direct mail 2.0
29 mai 2015
Le “direct mail” a connu, ces dernières années, un fort développement, dû surtout aux possibilités offertes par le numérique. La segmentation s’est faite plus pointue et la communication plus pertinente. Les direct marketeers les plus avisés mettent l’impression numérique à profit pour se rapprocher des clients. Bienvenue dans le monde du direct mail 2.0.
Comment se porte le mailing en cette année 2015 ? À l’aune de sa propre boîte aux lettres, l’on pourrait dire que l’on reçoit moins de réclames qu’auparavant. Quand le facteur dépose un mailing, il s’agit, dans la majorité des cas, d’une action promotionnelle du secteur de la distribution. Lisez : surtout les supermarchés, et dans une moindre mesure, les VADistes, ou entreprises de Vente à Distance (le secteur de la vente par correspondance classique). Colruyt et Delhaize sont les champions du publipostage. Carrefour est un peu moins actif sur ce front. Par ailleurs, beaucoup de chaînes de confection et de grands magasins, genre Galeria Inno, manient également l’arme du direct mail.
Les chiffres de Mediaxim - Nielsen confirment la tendance déjà perceptible dans nos boîtes aux lettres. Mediaxim - Nielsen mesure les dépenses consenties par les annonceurs dans les médias classiques et en direct mail. L’an dernier, ils ont consacré 4,1 millions d’euros à la publicité via les médias, mais la part du direct mail (calculée d’après les tarifs appliqué par bpost aux sociétés de mailings) est en baisse. En 2012, 326 millions d’euros allaient encore au direct mail. Un an plus tard, on n’en était déjà plus qu’à 311,5 millions. Et l’année dernière, les dépenses de direct mail sont, pour la première fois, passées sous la barre des 300 millions d’euros, à 299,3 millions. L’ordre de grandeur du recul annuel serait de 4 %, et ce alors que le total des dépenses publicitaires reste stable, voire croît légèrement. La part du direct mail dans les investissements publicitaires est à présent retombée à 7,29%. Elle était encore de 10 % il y a quelques années.
Les chiffres révèlent la surreprésentation du secteur de la distribution, responsable d’au moins 60 % des dépenses annuelles. Mais il reste de la croissance, même minime : 1 %. Par le passé, on faisait encore la différence entre le brick & mortar, c’est-à-dire les commerces en dur, et les opérateurs actifs dans la VAD. Cette distinction a toutefois été abandonnée. Quoi qu’il en soit, on voit que la part des détaillants classiques dans ces dépenses reste très élevée. Le secteur de la vente à distance s’est considérablement contracté (beaucoup d’acteurs ne sont plus sur le marché) et ceux qui restent ont mis l’accent sur le online (site Web et marketing par e-mail). Les VADistes tranchent également fortement dans les budgets consacrés aux médias imprimés. 3Suisses, par exemple, a remplacé son épais catalogue (dont le format n’avait d’ailleurs cessé de se réduire au fil des années) par des “ magalogues ” plus minces, sur papier glacé en grand format.
La prédominance du secteur de la distribution n’est par ailleurs pas saine. Si ces entreprises devaient décider en masse de ne plus envoyer de mailings, le médium se retrouverait sous forte pression. Mediaxim a subdivisé le marché en seize secteurs. Le Top-trois (distribution, services, culture-tourisme-loisirs-sports) prend à son compte 85 % des dépenses de direct mail, et les efforts de publipostage des services et de la branche culture-tourisme-loisirs-sports ont plutôt tendance à diminuer que l’inverse. Les treize secteurs restants ne réalisent ensemble qu’un bon 15 % des affectations dans le médium direct. Et dans ces treize, aucun n’est en croissance, à part celui des “ animaux ”. Libéralisation du marché aidant, des secteurs comme les télécoms et l’énergie ont, par le passé, consenti de gros investissements pour attirer les clients des anciens monopoles. La poussière est un peu retombée depuis et des nouveaux rapports de marché se sont installés. Les efforts ont été réduits et ils visent à présent plus à retenir les clients qu’à en recruter. Beaucoup d’entreprises laissent aussi le choix à leur clientèle de recevoir les promotions, non plus sur papier dans la boîte aux lettres, mais par e-mail ou, de plus en plus, via une appli sur le smartphone.
Data
Ces “nouveaux” médias numériques offrent de belles opportunités pour les annonceurs. Non seulement pour ce qui est d’envoyer des messages, mais aussi pour en apprendre davantage sur leurs clients et prospects. L’internaute en surfant, laisse une trace dans le monde numérique. Idem quand il télécharge une application. Et les entreprises qui parviennent à corréler ces données anonymes (car couplées à une adresseIP) à un nom, une adresse, un domicile et comportement d’achat (la carte de fidélité des commerçants,...) accèdent au nirvana du direct marketing : le monde des “ big data ”. L’ambition première du marketing direct est en effet d’envoyer le bon message à la bonne personne au bon moment. Plus les données sont disponibles, plus le ciblage peut être précis, permettant même de travailler de manière prédictive.
Claudine Knop est la CEO de DBM, entreprise spécialisée dans les données et le marketing de base de données. “ Les données sont partout ”, dit-elle. “Mais beaucoup sont de type non structuré: où une personne se trouve, ce qu’elle fait en ligne ou avec son smartphone. Ces données offrent beaucoup de possibilités. Mais ce qui importe, c’est moins les données que ce que l’on peut en faire. Chez DBM, nous visons la “golden experience ”, en exploitant ces données de manière correcte, transparente et respectueuse de la vie privée.”
Outre les big data, le monde du marketing d’aujourd’hui s’intéresse au “ customer journey ”, à la “ customer experience ”, aux “ customer touchpoints ”,... Hans Brabant, marketing manager chez DBM : “On parle d’une approche omnicanal, où le client est central. Ce client va en ligne, est actif sur son mobile, regarde YouTube. Le consommateur laisse des données partout et il attend aussi qu’il en soit fait quelque chose, afin qu’il puisse revenir directement à ce qui l’intéresse.”
Jusqu’il y a quelques années, les annonceurs devaient surtout se débrouiller avec des données sociodémographiques et de géomarketing: nom, adresse, domicile (NAD), caractéristiques du voisinage. Claudine Knop : “Ce dont des ‘small data’, mais on en a besoin parce qu’elles constituent le lien avec les annonceurs. Elles sont nécessaires à la prise de contact.” Elles sont toutefois de plus en plus complétées de big data. Prenez une carte de fidélité. À la base, il y a les données NAD, car le client doit pouvoir être identifié quelque part. Et s’il sème les données de sa carte en ligne, des perspectives s’ouvrent. “ Avec les big data, il devient possible d’atterrir au bon moment dans la boîte aux lettres”, dit Claudine Knop. Hans Brabant : “Outre les données transactionnelles du point de vente, il y a aussi les données du client sur Internet. L’endroit où il les laisse derrière lui est également important. Son comportement peut même être différent sur son mobile, sur Internet ou face au courrier reçu dans la boîte aux lettres. Il faut aussi être ouvert vis-à-vis du client quant aux données que l’on récolte sur lui et sur la raison pour laquelle on les collecte. Il s’agit de capter ses données en fonction des contacts et des domaines d’intérêts, et de le recontacter ensuite via Internet, sur mobile, par email ou dans la boîte aux lettres. Ce qui implique aussi de bien réfléchir : Qui est cette Claudine ? Qui est Hans ? Qu’est-ce qui la motive? Qu’estce qu’ils ‘aiment’?”
À côté des big et small data, voici désormais aussi les broad data. Avec elles, il devient en principe possible de brosser le portrait complet du consommateur ou du prospect. Claudine Knop: “ Les big data restent en quelque sorte ‘dans l’entonnoir’. ” Les big data, ce sont les données qu’une entreprise possède sur ses relations avec son client. Cela peut aller très loin. Il y a toute une histoire derrière. Mais le consommateur n’est pas client d’une seule entreprise. Il ou elle a aussi des relations avec plusieurs sociétés, qui possèdent de ce fait chacune un petit bout de l’histoire : “ leur ” histoire de ce client. “ Le consommateur s’élargit, d’où le besoin de ‘broad data’. Ce qui signifie qu’une collaboration est nécessaire là où elle est possible - dans le respect d’un cadre légal”, souligne Knop.
Georges Van Nevel, CEO de l’agence de communication DVN et également un “vieux de la vieille ” dans le domaine du direct marketing, reconnaît que les données ont pris beaucoup d’importance. “On a enfin découvert à quel point les données recèlent de la richesse, mais il faut s’y prendre intelligemment, les soumettre à des analyses intelligentes”, dit-il. Van Nevel indique également que les coûts de la collecte des données sont en diminution constante. “ Les consommateurs en livrent de plus en plus par eux-mêmes, avec leur smartphone ou leur tablette. Plus besoin d’intermédiaires ”, dit Van Nevel.
Classique
La classique analyse RFM reste toutefois cruciale pour les (direct) marketeers. L’abréviation RFM (Récence, Fréquence, Montant) recouvre un concept issu du monde classique de la vente par correspondance. La personne a-t-elle acheté quelque chose récemment ? Achète-t-elle souvent ? Combien dépense-telle ? Le direct marketeer peut ainsi lui donner un poids : qui est le client le plus intéressant ? Qui peut recevoir plus d’offres de promotion? Et inversement : quel client est moins intéressant? Dans le monde du marketing, on a coutume de dire que 20 % des clients assurent 80% du chiffre d’affaires. La difficulté était de savoir quels 20 % de ces clients représentaient la part du lion des rentrées. Avec les grandes quantités de données désormais disponibles, ces 20% peuvent être identifiés concrètement, dit Georges Van Nevel. “ Les petites niches deviennent aussi très rentables. Il existe à présent un aliment pour les chiens qui souffrent de diabète...”
Avec ces grandes quantités de données, il est également possible de procéder à des analyses prédictives. Quelle est la probabilité que quelqu’un rachète ? que quelqu’un n’achète que sur les trois mois à venir ? que quelqu’un décroche ? Les opérateurs télécom, les fournisseurs d’énergie et les assureurs directs passent les données au peigne fin, y détectent des modèles et les appliquent aux modèles des autres. Un client qui résilie son contrat est perdu pour l’entreprise auprès de laquelle il avait souscrit, du moins pendant la durée de la période pour laquelle il s’est lié à une autre entreprise. Mais par la suite, cet ex-client peut éventuellement être incité à revenir. Mieux vaut toutefois prendre les choses en main avant qu’il ne décide d’aller voir ailleurs, si ses données laissent apparaître un comportement semblable à celui de clients déjà passés à la concurrence. Une autre loi du marketing dit d’ailleurs qu’il revient beaucoup moins cher de conserver des clients existants que d’en recruter de nouveaux - pour autant, bien sûr, que ces clients existants soient aussi des clients intéressants. Les données peuvent de même montrer qu’un client est “ sur la bascule ”, mais aussi que sa valeur ajoutée pour l’entreprise est moins intéressante. Inutile dans ce cas de consentir trop d’efforts pour essayer de le garder.
Un grand danger pour les marketeers est qu’ils risquent de se noyer dans les quantités de données. Quelque part, ils doivent établir leurs priorités en fonction du retour sur investissement. C’est ce qui amène David Tornel, directeur du marketing chez Ethias-Assurance, à considérer que des entreprises comme Ethias, qui possèdent une très nombreuse clientèle, ne peuvent pas vraiment travailler en “ one-to-one”, mais plutôt en “one-to-few ”. Il convient de rechercher les clusters intéressants. Les coûts d’analyse d’une véritable approche 1: 1 sont trop élevés pour espérer récupérer sa mise sur un nombre limité de clients: il n’est pas responsable de consacrer des semaines et des semaines de travail sur les données pour parvenir à un groupe de 150personnes représentant chacune un chiffre d’affaires de 500 euros. La marge est en effet trop faible.
Une autre approche
Le développement des big data débouche aussi sur une autre approche de la communication vis-à-vis des clients et des prospects. L’époque du publipostage de masse, des mailings envoyés à un million d’exemplaires avec le même message pour tout le monde, est révolue depuis en certain temps. Direct Social Communications (DSC), agence de marketing direct spécialisée dans la récolte de fonds pour des organisations de bienfaisance, était il y a 20 ans, une championne des mailings de masse. Mais l’analyse des données permet de viser avec une plus grande précision, d’approcher les clients les plus intéressants à un coût justifié. Mesurer, c’est savoir, dit l’adage. Ludo Longin, CEO de Direct Social Communications, dit que l’agence emploie désormais aussi des data-analysts, qui scrutent les donateurs avec un regard “ RFM ”. “ Si l’on voit que quelqu’un ne fait un don qu’une fois par an, au mois de décembre, rien ne sert de le bombarder de lettres tout au long de l’année. Un mailing en septembre suffit.” Il se poste peut-être encore un million de mailings, mais ceuxci ne sont plus tous identiques. Ce qui demande bien sûr plus de travail : dans la préparation, pour déterminer et élaborer les différentes variantes, ET dans l’analyse a posteriori, devenue plus complexe.
La tendance dans le monde du marketing direct est d’opérer en multimédia et d’envoyer malin. Malin signifie ici plus rentable : en nombres réduits, mais avec une probabilité plus élevée de réponses, et donc de chiffre d’affaires. Exemple : le cas de Pabo, qui fait partie du groupe de charme Beate Usche. Cette société de vente par correspondance classique est à présent une entreprise omnicanal. Alors que le mailing (lettres et catalogues) était auparavant le médium principal, il n’est maintenant plus que l’un des médias disponibles. Pabo a surtout opéré une conversion vers la vente en ligne. Peter Vermeulen, directeur du marketing de Pabo : “ Il y a quinze ans, nous faisions exclusivement du print. C’était une époque de planning et de production, et nous envoyions entre 600 000 et 700 000 catalogues par la poste. Avec les nouvelles techniques comme l’e-mail, tout va beaucoup plus vite : une idée, on la teste et on l’exécute. Nous avons les statistiques des clients Pabo, pas celles d’un “ client DM” ou d’un “client en ligne”. Ces clients, nous les regroupons en modèles, de manière à composer un bon mix : quand un mailing ? et quand un e-mail ? Les deux sont importants pour notre programme marketing. Nous cherchons les meilleures combinaisons permettant d’optimiser la rentabilité. C’est tout un art. Nous travaillons sur de longues périodes, et dans le cadre de celles-ci, nous envoyons quotidiennement, ou un certain nombre de fois par semaine, un message qui colle à la campagne.”
À présent, quand un gros mailing sort de chez Pabo, il représente au maximum 150 000 catalogues postés. Et là aussi, il y a segmentation. “ Le catalogue actuel comporte moins de pages. Avant, il en comptait plus de 90, mais à présent, un même envoi peut contenir deux éditions minces. Nous réalisons ces catalogues segmentés sur la base du comportement d’achat. Un catalogue coûte cher ; aussi doit-il être efficace. L’analyse des données est très importante”, pense Vermeulen. Et aussi : on fonctionne beaucoup plus à plus court terme, avec des tirages encore plus petits. “Nous travaillons en impression numérique et nous tirons à 4 000 ou 5 000 exemplaires. Nous groupons les sélections, que nous approchons de manière flexible avec des assortiments séparés. La combinaison du recrutement par Internet et via l’imprimé est très importante pour garder les clients actifs. C’est devenu un processus de direct-marketing continu, 7 jours/7, 24heures/24. Les chiffres sur base annuelles sont ainsi malgré tout élevés.”
Volte-face
Pour les annonceurs, le phénomène Big Data peut aussi signifier une totale volte-face dans l’approche marketing, sur la base du “customer journey”, ou parcours client, évoqué plus haut. En marketing, il a toujours été dit que le consommateur était au centre des préoccupations. Ça, c’était la théorie. Dans la pratique en fait, l’entreprise a toujours été et reste centrale, et l’on cherche à toucher le consommateur à partir de là. C’est la manière de procéder d’enseignes comme Colruyt et Delhaize lorsqu’elles envoient des offres et des bons de réduction personnalisés. La personnalisation est en fait “poussée” par le service achats : on s’accorde avec les fournisseurs sur un certain nombre de promotions dans le magasin et on regarde, d’après les données des cartes de fidélité, quels clients correspondent le mieux à ces promotions. L’approche reste encore et toujours orientée produit. Chez le tour operator Thomas Cook, on a adopté depuis quelques années un autre angle d’attaque, et le client y a une place plus centrale. “ Avant, nous étions orientés produit : le vol pour la Turquie devait être rempli, et donc tout le monde recevait une publicité pour la Turquie. “ À présent, nous sommes beaucoup plus orientés consommateur ”, dit Benny Noé, Head of Direct Marketing & CRM chez Thomas Cook Belgique. Plutôt que d’envoyer un mailing promouvant la Turquie à 100000exemplaires comme jadis, nous en adressons à présent 7 000 à des prospects susceptibles d’être intéressés par ce pays et 93 000 vantant d’autres destinations en fonction du comportement de réservation antérieur du destinataire.
Le comportement de réservation n’est toutefois pas le seul paramètre régissant l’envoi de mailings spécifiques. Thomas Cook fait de plus en plus la liaison avec les différents médias qu’utilisent les consommateurs pour s’orienter vers un séjour de vacances. Noe: “Nous impliquons aussi le online et les médias sociaux. Que cherchent les gens en ces endroits ? Et ensuite, nous assurons un suivi hebdomadaire avec un mailing. Pas de grands tirages, plutôt 4 000, 5 000. Si nous voulions auparavant réagir au plus vite, nous le faisions en ligne, mais à présent, nous le faisons aussi avec un envoi direct mail. Nous avons créé des modèles pour l’imprimeur. Le lundi, nous déterminons ce qui marche et ce qui fonctionne moins bien. Dans ce cas, nous opérons avec un mailing. Le mercredi avant 12 heures, l’imprimeur reçoit tout. Le vendredi, une carte A5 est mise à la poste, et le lundi, elle est chez les gens.” Autrement dit, il s’envoie davantage de mailings mais en moins d’exemplaires. Quatre fois par an, Thomas Cook fait encore diffuser un grand publipostage de 300 000 à 500 000 exemplaires, deux fois pour un early-booking (hiver et été), et deux fois pour un lastminute. Benny Noé : “ Le reste part en plus petites quantités. Et s’il en sort 10000, ce n’est pas en une seule version, mais dans le cadre d’un mailing pour sept segments, avec d’autres promotions en fonction des données. On convainc aussi les gens en leur montrant que ce qu’ils reçoivent n’est pas un document de masse. Ils ont le sentiment d’avoir affaire à un interlocuteur qui connaît leurs besoins.”
Numérique
Grâce aux big data, le direct mail-2.0 a vu le jour. Les développements dans le domaine de l’impression numérique y ont contribué. L’impression numérique (feuille à feuille ou rotative) a rendue possible la production de mailings hyperpersonnalisés, où les images font également partie du contenu variable. L’impression numérique ne date pas d’hier. Les premières presses numériques (Xeikon) ont été installées en phase expérimentale auprès de différentes sociétés de routage à la fin du siècle dernier. La personnalisation par l’image devenait alors possible, mais elle coûtait encore fort cher pour l’époque. Les prix de l’offset et de l’impression numérique ont fini par converger et, pour certaines applications, le numérique est même meilleur marché. Avant d’entrer chez DSC il y a sept ans, Ludo Longin travaillait chez le routeur Manufast. “ Je sais qu’à l’époque, nous racontions l’histoire de la Xerox iGen3, mais la sauce n’a pas pris. On manquait de données exploitables et les coûts de l’impression numérique étaient élevés. Dix ans plus tard, ceux-ci ont fortement baissé et le numérique est devenu concurrentiel par rapport à l’offset.”
Le problème du manque de données a entre-temps été résolu. DSC aussi a recours aux techniques d’impression numérique pour approcher davantage la sphère d’intérêts des donateurs (potentiels). Ces intérêts sont également sondés par télémarketing et via des enquêtes. Le pionnier dans le domaine de l’impression numérique a été DVN, avec des actions pour Vlaanderen Vakantieland. Il y a dix ans, les intéressés qui réagissaient à des publicités-réponses recevaient des mailings réalisés sur mesure. Dans le monde du marketing actuel, l’impression numérique et l’hyperpersonnalisation sont devenues monnaie courante. Benny Noé : “D’énormes progrès ont été faits. Le différentiel de prix entre l’imprimé numérique et l’offset diminue (l’écart il y a cinq ans était encore important), donc pourquoi s’en priver ? Celui qui n’imprime pas en numérique maintenant, c’est parce que ses données ne sont pas en ordre.”
Noé est analyste de données à l’origine, et il a travaillé auparavant pour des agences de communication comme Proximity et Duval-Guillaume. Chez Duval-Guillaume, il avait la charge de la base de données CRM. “Mon apport consistait à opérer la sélection pour le client. C’est alors que j’ai eu le déclic : c’est très bien ce que vous faites, vous les créatifs, mais pourquoi ne pas partir des données pour faire des propositions aux clients ”, dit Noé. “Après, je me suis mis à mon compte, et j’ai ainsi atterri chez Thomas Cook. Nous examinons le parcours de cliquage, les activités Facebook, le comportement de navigation. Si l’on peut bien capter ces renseignements, on peut les exploiter pour le direct marketing. Dans beaucoup d’entreprises, les données relatives au parcours de cliquage se trouvent dans une autre base de données que celle qui rend compte de ce que les clients ont acheté. Alors, cela devient plus difficile.”
Là est en effet le talon d’Achille. On le sait, tout n’est pas toujours parfait à ce niveau. Georges Van Nevel : “ Le gros problème, et il le restera, c’est que différents mondes doivent collaborer: collecte des données (lesquelles sont utiles et lesquelles non), analyse et utilisation pour la communication. Ces mondes ne s’harmonisent pas toujours. Nous le constatons au quotidien. Les données, il faut pouvoir les interpréter: les lire, comme je dis. Certaines personnes, et certainement les professionnels de la communication, ont des difficultés avec cela.”
Frein
Van Nevel voit un frein dans le fait que, surtout dans les agences, trop peu de personnel maîtrise l’aspect technique de l’impression numérique. “ Ils disent aussi que ce n’est ‘pas créatif ’. Mais cela n’a rien à voir. En fait, ils ne savent pas. Il faut une certaine expérience pour vérifier les épreuves. La moindre erreur s’y trouve en effet démultipliée. Ce qui explique que les agences ont peur de proposer de telles campagnes au client ”, pose Van Nevel. Et encore, tous les clients ne souscrivent pas à ce schéma.
Benny Noé, de Thomas Cook, fait exception depuis quelques années déjà. Il dit que l’imprimeur ‘prémâche tout’ et veille à ce qu’il y ait des procédures. “Quand vous avez été éduqué avec les données, vous aimez que tout soit en ordre. Nous fournissons tout, et si un lien est mauvais, cela pose problème. Plus les liens sont nombreux, plus il faut garder les yeux ouverts. Un mailing tiré à 300000 peut peut-être comporter 5 millions de combinaisons. Le stress n’est pas uniquement de notre côté, mais aussi sur les imprimeurs. De plus en plus d’imprimeurs - je le sens bien - sont bien avancés dans le trajet numérique et je peux faire mon choix en fonction du projet: pour un mailing à 400000 exemplaires, je vais chez l’un, pour 10000 cartes postales, ce sera un autre. L’offre en Belgique est bonne, mais j’en suis arrivé à un stade où je vais aussi voir à l’étranger. Non pas pour compresser les coûts, mais peutêtre y a-t-il là-bas un crack qui peut encore nous apprendre quelque chose...”
Ad van Poppel
Chère Madame, Cher Monsieur
Malgré toutes les données en principe présentes, tous les mailings sont loin de présenter le même degré de qualité quant à l’usage qui en fait. Claudine Knop (DBM): “Combien n’en voit-on pas qui commencent par Chère Madame, Cher Monsieur?” Hans Brabant embraie: “Comment, en tant qu’annonceur, espérer alors nouer une relation avec le consommateur ? Il reste du pain sur la planche. Certains tiennent à s’en démarquer. Mais les temps ont changé. Les possibilités technologiques sont là pour tout le monde. À nous, en tant que spécialiste data, de l’expliquer, aux grandes entreprises comme aux PME.”
Dilemme de la confidentialité
Claudine Knop et Hans Brabant, de DBM, insistent sur l’importance de la transparence, envers le consommateur, quant à l’utilisation qui est faite de ses données. En principe, l’annonceur doit lui faire savoir s’il figure, ou est susceptible de figurer, dans un fichier-clients. Le consommateur a légalement le droit de consulter les données et de les corriger. Il peut en outre demander à ne plus recevoir de mailings. Mais pour concrétiser la “golden customer experience” dans la pratique, l’annonceur a besoin de données, qui soient de préférence les plus pertinentes possibles. De ce point de vue, on peut parler d’un dilemme de confidentialité: impossible d’envoyer des messages pertinents sans disposer d’informations précises. Ce qui permet aussi d’être plus rentable, car l’on génère moins de “déchet”. Mais si le consommateur, soucieux du respect de sa vie privée, ne souhaite pas les fournir, l’annonceur doit bien ratisser large, au risque de toucher des destinataires non intéressés. Et ceux-ci peuvent s’irriter de recevoir des messages commerciaux non pertinents. Cela étant, une base de données n’est jamais finie. Hans Brabant: “Le cycle se répète sans fin: collecte des données, utilisation, action, adaptation.”
Fin du mailing à clé
Au fil des années, le consommateur a changé de comportement, ce qui s’est répercuté sur les mailings de masse. Le moteur de ce changement de comportement est le “online”. Dans le secteur automobile, Renault envoyait chaque année un mailing contenant une clé de voiture, dans le cadre de ses journées portes ouvertes du mois de septembre. En se rendant au showroom, le destinataire pouvait essayer si celle-ci allait sur un modèle exposé. Ce “truc” ne fonctionne plus. Xavier Laporta, directeur de la communication chez Renault Belgique: “Ce qui avait du succès hier, n’en a plus aujourd’hui. Un mailing visant à attirer les gens chez le concessionnaire pour leur montrer le produit, devient moins nécessaire. Ils ont déjà récolté toute l’information sur Internet, avec un configurateur. Ils viennent pour commander, plus pour regarder. Nos mailings à clé ne sont dès lors plus à l’ordre du jour.” Renault a envoyé le dernier l’an passé.