Imprimer de façon plus intelligente

11 septembre 2015

Le consumérisme, la croissance des populations mondiales, les effets d’Internet et le succès des commandes en ligne: tous ces développements ont des répercussions sur notre monde. Ils bouleversent les perspectives d’avenir et influencent fortement l’évolution, voire la survie, de l’imprimé.

  • L’IT est le moteur de l’imprimé pertinent, comme pour l’impression d’information variable à haute vitesse.

  • Les possibilités pour rendre l’imprimé plus intéressant occupent une place centrale. L’imprimé qui est combiné à l’impression de circuits électroniques ouvre de nouvelles voies.

  • L’imprimé a encore le pouvoir de libérer des émotions.

  • L’impression sur emballage est un important instrument marketing.

Les consommateurs se ruent sur les dernières nouveautés, qu’il s’agisse de biens de consommation, de produits pharmaceutiques ou d’articles de décoration. La quête de produits désirables, de qualité et bénéficiant d’une bonne image de marque a un impact considérable sur l’industrie de la production, mais aussi sur le secteur de l’impression, d’emballages et d’étiquettes.

L’intérêt croissant pour l’impression 3D, l’impression électronique, la RFID, le codage et les applications mobiles fait entrer le concept de communication dans une nouvelle dimension. Gareth Ward nous livre sa vision de l’avenir de l’imprimé. Selon lui, nous devons prendre à bras le corps les tendances et tous les développements qui influent sur notre monde. À nous de regarder les défis en face et de convoquer notre créativité. L’avenir de l’imprimé est là aujourd’hui. La drupa 2016 va permettre de toucher et de saisir à pleines mains ce futur.

L’imprimeur florissant de l’avenir devra fournir à ses clients une offre de services complète, allant bien au-delà de la simple impression et de la finition. La bonne combinaison de communications numériques, d’imprimé à valeur ajoutée, d’exploitation des données et de logistique dépendra de la base de consommateurs, de la manière dont l’imprimeur se positionne lui-même et de comment il saura élargir ses compétences. Compétences qui passent notamment par la constitution de partenariats. Il faut reconnaître aujourd’hui que les imprimés doivent être produits sur mesure et constituer des solutions intelligentes pour que l’impression reste un moyen de communication intéressant à l’avenir.

Ces aspects étaient négligeables à l’époque où l’imprimé était le canal de prédilection de la publicité, de l’information, de la communication dans son intégralité. Une bonne partie de ce volume d’impression sans grand intérêt a été transféré au numérique, et il ne reviendra plus, mais l’imprimé ne se contracte pas. Il se multiplie et se diversifie selon le champ d’application.

L’imprimeur qui ne s’inscrit pas dans ce développement aura pour seule option de monnayer ses services le moins cher possible, ce qui n’est pas l’idéal pour construire l’avenir ni pour créer des partenariats durables avec les clients. Beaucoup d’imprimeurs malheureusement font du prix leur argument de vente, mais ils sont voués au destin inéluctable du mammouth laineux : l’extinction.

L’imprimé plus pertinent grâce aux TIC

L’imprimeur de demain devra être aussi à l’aise avec les technologies de l’information qu’il l’est avec l’offset. Et les tâches ne manquent pas : pilotage d’un siteWeb, collecte des travaux, mise en place de flux automatisés, utilisation de systèmes d’information de gestion (MIS). Ou encore, l’exploitation des données dans le but de créer les communications personnalisées ou le versionnement des produits d’impression. L’utilisation de canaux de communications transversales fait partie des compétences obligatoires des imprimeurs qui veulent réussir à l’avenir.

Le problème, à cet égard, est que les imprimeurs préfèrent investir dans une nouvelle presse plutôt que dans l’outil informatique. Comme si une presse était plus tangible et compréhensible. Si elle roule à 18 000 feuilles à l’heure (et certaines machines à la drupa 2016 atteindront probablement les 20 000), elle est de 20 à 30 % plus rapide que leur machine existante. Ce qui participe d’une certaine logique. Mais peu réfléchissent aux travaux préliminaires, au traitement des données et le suivi. Partout dans le monde, les tirages raccourcissent et les délais alloués se réduisent. Une presse rapide ne fait qu’exacerber le problème : comment gérer davantage de travaux sans y introduire d’erreurs ? Il s’y ajoute que rares sont ceux qui envisagent la formation de leur personnel comme un investissement plutôt que comme une contrainte.

L’automatisation des processus occupe une place centrale. Les éditeurs de logiciels qui fournissent le secteur partent du postulat que la conformité au JDF est essentielle. Les flux doivent encore gagner en sophistication. Produire un cahier de huit pages sur papier standard n’a rien de compliqué, mais les clients souhaiteront aller beaucoup plus loin. Ils voudront que leurs produits imprimés sortent du lot, qu’ils soient suffisamment percutants pour se démarquer des milliers de messages marketing reçus chaque jour.

Claus Bolza-Schünemann, président de drupa et CEO de KBA le prédit : “ D’ici quelques années, les imprimeries seront moins nombreuses, mais elles seront plus grandes et plus industrialisées, et offriront une palette de services plus étendue. Dans le secteur de l’impression commerciale, les imprimeurs se mueront en prestataires, spécialistes à la fois de l’imprimé et des services en ligne.”

“ La connexion entre l’imprimé et les activités en ligne et mobiles va se renforcer. ” Claus Bolza-Schünemann.

Nous n’en sommes qu’au tout début de la transition. Comme le faisait remarquer l’an dernier un commentateur bien connu du monde de la publicité et de l’Internet, les consommateurs passent énormément de temps avec leurs smartphones, mais ceux-ci ne drainent qu’une faible proportion des dépenses de marketing globales. En revanche, le secteur du journal, pourtant en pleine contraction, continue de recevoir une part disproportionnée des budgets publicitaires. Si l’un a plus, il faut bien que l’autre ait moins – à moins que le journal ne devienne plus pertinent pour son lecteur. Ce qui implique des contenus hyper locaux, imprimés numériquement avec de la publicité ciblée.

L’imprimé s’impose dans le monde numérique

La même tendance se remarque dans les magazines. Même si les titres à diffusion de masse, imprimés auparavant en héliogravure, voient leur lectorat s’effriter, ceux qui se focalisent sur des centres d’intérêt spécifiques du public continuent de bien se porter. Les magazines de mode en constituent un bon exemple. Voici une dizaine d’années que l’on annonçait la disparition inévitable des magazines de mode, balayés par la croissance d’Internet, de la vidéo à la demande et des moyens de communication interactifs. Or aujourd’hui ils sont plus forts que jamais. En lisant Vogue, la lectrice s’exprime sur soi-même et se donne un certain air. Ce même phénomène a incité des sites de mode en ligne, comme ASOS ou Prêtà-porter, à lancer leur propre magazine papier.

Les Cassandre qui avaient prédit le même funeste destin aux catalogues ont aussi été contredites par la nature humaine. Parce que nous trouvons plaisir à feuilleter un catalogue ou une brochure de vacances. Ils titillent notre imagination plus qu’un numérique ne pourra jamais le faire. Et les enseignes qui, soit n’existent qu’en ligne, soit avaient abandonné leur catalogue imprimé, reviennent au papier pour rappeler aux consommateurs de visiter leur siteWeb afin de finaliser un achat. Si le shopping en ligne doit se développer, qui ne représente qu’une part relativement faible des dépenses de consommation même dans les pays développés, il faudra de plus en plus d’imprimés.

Mais l’imprimé ne sera plus l’imprimé dans sa conception traditionnelle. Si quelqu’un rêve de vacances au Mexique, pourquoi lui envoyer des informations sur des séjours au Canada ? Au lieu de cela, le voyagiste, avec l’aide de l’imprimeur, peut réaliser une plaquette sur mesure vantant les meilleurs hôtels et lieux de villégiature mexicains. La publication sera plus petite et tirée à moins d’exemplaires, mais les standards de production peuvent être supérieurs en termes de qualité d’impression, de choix de papier et de personnalisation.

L’imprimeur doit être disposé à fournir ce type de services à ses clients. Ce qui suppose d’investir dans une technologie capable de gérer efficacement les courts tirages. Et aussi de pouvoir imprimer sur des papiers non couchés, appréciés pour leurs qualités tactiles, ce que permettent les nouvelles technologiesUV occupées à se répandre dans l’industrie. Et enfin de pouvoir embellir le produit imprimé, avec des vernis, des feuilles métallisées, des effets de relief, des découpes et d’autres procédés destinés à renforcer sa valeur ajoutée, et à le rendre plus séduisant et engageant pour le consommateur.

On peut également imaginer l’inclusion d’un circuit électronique imprimé. De quoi transformer la page dans un livre ou un magazine en un haut-parleur qui raconte une histoire ou donner vie à la photo d’un tableau de bord de voiture par l’activation de différents boutons et commutateurs. Ou pourquoi pas, une étiquette qui s’allume lorsque son capteur détecte du mouvement.

Des codes incorporés à la page imprimée peuvent être lus avec un smartphone, ce qui débloque des informations numériques pour le consommateur, peutêtre pour lui proposer une promotion à faire valoir dans telle boutique ou un tel restaurant. Dans l’autre sens, l’entreprise à l’origine de l’offre reçoit des informations sur qui a scanné le code, où et à quel moment. La publicité imprimée devient quantifiable, livre des taux de réponse et constitue ainsi une véritable plus-value.

Innovation marketing

Les types d’effets spéciaux et de finition de haute qualité pour mieux vendre par exemple des spiritueux de prestige commencent à se retrouver sur les autres formes d’emballages, en particulier avec le succès du retour aux produits artisanaux tendance de qualité supérieure distribués en petite quantité. Ces produits de qualité nécessitent des emballages et une commercialisation innovants. Ce qui constitue un potentiel important pour les imprimeurs. Ils peuvent se positionner à travers la qualité. Un effet secondaire non négligeable est que l’imprimeur peut avoir beaucoup plus d’influence sur ce qui est produit par un entrepreneur avec une activité petite et nationale que par les marques mondiales qui les forcent à respecter le cahier des charges au pied de la lettre.

Même les acteurs mondiaux doivent cependant devenir plus flexibles pour étancher la soif d’innovation et de nouveauté de la société. Ce qui signifie que l’emballage imprimé devient un outil de marketing majeur, ainsi que l’a montré l’impact de la campagne Share a Coke, par exemple. L’imprimeur doit aussi aider à accélérer l’accès au marché des nouveaux produits, soit via des flux automatisés, ou peut-être en assurant lui-même la création des prototypes avec l’impression3D.

Des possibilités existent de mettre à profit les nouvelles technologies jet d’encre qui permettent d’imprimer directement sur la bouteille ou le contenant. Ce que l’on appelle l’impression “ direct-to-shape ”. Le système d’impression devient partie intégrante de la ligne d’embouteillage ou d’ensachage, et au lieu d’imprimer et de fournir des étiquettes, l’imprimeur devient le gestionnaire de cette nouvelle technologie et d’un flux de travail entièrement nouveau.

Les imprimeurs doivent faire face à un nouveau défi. Ils doivent définir leurs secteurs d’activité et la stratégie de marketing à mettre en œuvre. Ce territoire est actuellement largement inconnu de la plupart des prestataires de services d’impression. Les imprimeurs en ligne font exception, eux qui, dans leur croissance rapide de ces dernières années, ont balayé sur leur passage des cohortes entières de petits ateliers. Mais même eux s’efforcent rarement d’être les moins chers à tout prix : ils se démarquent par le confort et la facilité d’accès, ainsi que souvent par des produits et des idées nouveaux et attrayants.

L’imprimé apporte de la valeur ajoutée

Les imprimeurs dans les pays industrialisés doivent fournir des services allant au-delà des compétences traditionnelles. Contact personnalisé, le design et mise en page, moyens de communication transversaux, services informatiques, diversification, impression en un jour ainsi que routage, autant d’offres qui demandent elles aussi des compétences marketing à développer.

La réponse sera différente en fonction de l’entreprise, dit Claus Bolza-Schünemann : “ Chaque imprimerie est la mieux placée pour connaître ses clients et juger de ses propres points forts. Il serait vain dès lors de simplement copier la recette de succès des autres. Si tout le monde proposait la même chose, on aurait automatiquement une surabondance de l’offre sur le marché, avec les conséquences que l’on sait.” “Les grands salons sectoriels, tels que la drupa, offrent de bonnes occasions d’en apprendre davantage sur les nouvelles technologies et les modèles économiques d’avenir, et sur la voie à suivre pour les entreprises”, dit Claus Bolza-Schünemann.

Alon Bar-Shany, vice-président et directeur général de HP Indigo, est du même avis : “ Il existe une pression pour faire de l’imprimé une simple marchandise, de qualité inférieure et disponible à moindre prix, mais ce serait désastreux pour le secteur. La chance à saisir est de produire moins de pages, mais de plus grande valeur.”

“ Les imprimeurs doivent d’abord prendre acte du changement, puis l’étreindre à bras le corps. Au secteur de se faire le héraut de la beauté inhérente et l’efficacité de l’imprimé dans un monde numérique ”, dit Alon Bar-Shany.

L’imprimerie est toujours au cœur de leur métier, mais les imprimeurs doivent agir davantage comme des gestionnaires de projets et superviser la chaîne de communication dans son intégralité pour répondre aux attentes des clients aussi bien en termes de retour sur investissement mesurable ou de réduction des coûts globaux. L’accent mis sur la réduction des frais généraux à la fin de la chaîne d’approvisionnement a déjà transformé de manière conséquente la production des livres ainsi que leur distribution. Dans le domaine de l’emballage, nous sommes confrontés à une évolution similaire provoquée par l’impression numérique. Ce n’est pas le coût d’un carton ou d’une étiquette individuels qui compte, mais le prix global de la chaîne d’approvisionnement et des matériaux gâchés. Les imprimeurs doivent étendre leur réflexion et sortir des sentiers battus.

Ceux qui y parviendront, qui s’engageront avec leurs clients et travailleront main dans la main avec eux à élaborer des solutions qui impliquent l’imprimé à l’un ou l’autre niveau, sont promis à un avenir radieux.

“L’imprimé peut encore créer de l’émotion et il perdure, préservant les moments vécus et les souvenirs ”, dit Alon Bar-Shany. L’imprimé n’est plus la banale feuille de papier, recyclée de temps à autre. Les imprimeurs avisés en deviennent de plus en plus conscients.

Résumé analytique

La drupa 2016, comme toutes les éditions antérieures du salon, sera un jalon important pour l’industrie de l’imprimerie. Les grands événements sectoriels, tels que la drupa, offrent les meilleures occasions d’en apprendre davantage sur les nouvelles technologies et les modèles économiques d’avenir. Jamais l’enjeu n’a été aussi crucial. Les changements radicaux induits par Internet, l’évolution de la démographie mondiale et la conjoncture macroéconomique poussent les imprimeurs à réévaluer les performances de leur entreprise et à envisager des modèles fondés sur le marketing, la gestion de bases de données, les systèmes MIS, les communications en ligne, et par-dessus tout, l’éducation aux technologies de l’information.

Le nombre d’imprimeries diminue ; beaucoup ont été balayées par les imprimeurs en ligne, qui offrent confort de commande, facilité d’accès et de nouveaux secteurs d’activités. Celles qui survivent doivent prendre acte du changement et l’étreindre à bras le corps. Les imprimeurs prospères de la prochaine décennie devront opérer davantage comme des gestionnaires de projets et apporter des avantages supplémentaires à un mix de services. Afin de préserver l’imprimé comme un médium de communication recherché à l’avenir, les produits d’impression doivent être réalisés sur mesure et constituer des solutions intelligentes.

Les journaux papier vont subsister et deviendront plus pertinents pour le lecteur, à travers des contenus hyper locaux et de la publicité ciblée. Les brochures de vacances et les catalogues de haute qualité en courts tirages perdureront par la personnalisation, le versionnement et grâce aux effets tactiles. Les éditeurs de magazines de mode ont décidé d’en revenir à l’imprimé pour répondre à la tendance des consommateurs, qui souhaitent disposer d’une copie papier comme affirmation de leur identité. L’électronique imprimée et des codes incorporés sont de plus en plus répandus parce qu’ils ouvrent tout un monde de possibilités pour la commercialisation, les imprimeurs d’emballages et d’étiquettes, ainsi que pour les marques.

La connexion entre l’imprimé et les activités en ligne et mobiles va continuer à se renforcer. En même temps, le secteur doit se faire le héraut de la durabilité de l’imprimé dans un monde numérique et fournir une offre de services plus globale, allant audelà de l’impression et de la finition. Comme le dit Alon Bar- Shany, vice-président d’HP Indigo, “ L’imprimé peut encore créer de l’émotion et il perdure, préservant les moments vécus et les souvenirs.”

Auteur: Gareth Ward

Auteur: Gareth Ward

Gareth Ward a participé pour la première fois à la drupa en 1986, et il n’a cessé depuis d’écrire sur l’imprimé. Pendant tout ce temps, il a visité des imprimeries et interviewé des dirigeants de la plupart des fournisseurs du secteur en sa qualité de journaliste au magazine Printing World. Aujourd’hui, il est le rédacteur-éditeur de Print Business, aussi bien sous sa forme de périodique que de siteWeb. Ses contributions aident les imprimeurs à chercher leur voie dans le paysage en mutation de la communication, en décrivant les technologies et en évoquant des entreprises florissantes qui ont su s’adapter aux nouvelles façons de travailler. Gareth est également un orateur recherché et un modérateur apprécié lors d’événements sectoriels tenus dans le monde entier. Il collabore par ses chroniques à différents magazines et blogs.

“ Global Insights ”

Le premier rapport “ Global Insights ” de la drupa publié en octobre2014 pointait le fait suivant: “23% seulement des membres du panel d’experts drupa rapportent une augmentation de leurs dépenses informatiques au cours des cinq dernières années, et pratiquement tous les décideurs déclarent manquer de spécialistes des TIC. Il s’agit d’un défi majeur pour les imprimeurs ”, dit Sabine Geldermann, directrice de drupa 2016.