De l’offline à l’online avec la réalité augmentée

20 novembre 2015

Depuis quelques années, la réalité augmentée a connu des avancées technologiques la rendant facilement accessible dans le quotidien de tous. Effet de mode ou nouvelles règles de jeu pour le print? Tour d’horizon des technologies et des applications de RA les plus en vue.

  • L’application Clickable Paper de Ricoh, personnalisable, renvoie à une diversité de contenus en ligne par simple scan de la zone d’impression cliquable.

  • Grâce à la RA à destination des enfants, les marques des briques ont bénéficié d’un temps d’exposition de 12 minutes.

  • La composition du kit “Les Aventures du petit train postal”.

  • Le livre de coloriage augmenté Color Alive.

  • Effet 3D de la BD Thorgal.

  • Exemple de contenu enrichi issu de la BD Frères de Terroir.

Avant, il y avait le code QR. Un petit carré souvent décrié pour être faiblement esthétique et visuellement encombrant. Depuis, des alternatives technologiques ont vu le jour pour rendre des imprimés interactifs et enrichis. On parlera de réalité augmentée (RA) au sens large.

Les applications mobiles de RA reconnaissent à l’aide de l’appareil photo d’un smartphone ou d’une tablette une image qui permet de créer un contenu en 3D manipulable à l’écran. La RA permet par exemple de faire apparaître des animations, des personnages ou encore des objets à travers un périphérique mobile pointé sur une zone d’impression particulière du support. L’utilisateur peut alors observer ces éléments sous tous les angles, voire interagir avec ceux-ci comme s’ils étaient réellement devant lui. La même image peut aussi faire basculer un lecteur vers d’autres informations numériques (images, vidéos, site internet…). De cette façon, on peut imaginer des imprimés augmentés.

L’adoption généralisée des smartphones a grandement contribué à faciliter l’utilisation de la RA par le grand public, permettant aussi le développement rapide de la technologie. Rentrant dans la panoplie d’outils marketing des publicitaires, les promoteurs du papier ont aussi vu dans la RA une nouvelle vie pour le papier. La RA ne manque en effet pas d’attrait. Les domaines d’application sont variés : campagnes publicitaires, service de géolocalisation, expériences éducatives enrichies, divertissement… La RA trouve naturellement sa place dans un marketing cross-média en convertissant les médias offline traditionnels en médias interactifs. Cependant, sa complexité de mise en œuvre est encore souvent pointée du doigt. L’application doit pouvoir détecter efficacement l’imprimé et la conception du logiciel utilise ses propres codes (ou marqueurs). Des solutions arrivent sur le marché pour rendre la création et l’usage de contenus enrichis de plus en plus facile, sans devoir recourir à de grandes connaissances techniques.

Ricoh, par exemple, a rendu son application Clickable Paper (CP) plus “friendly user”. Lancée il y a quelques années, l’application a été récemment adaptée pour que l’utilisateur puisse créer lui-même des pages cliquables dans le cadre de ses campagnes sans devoir passer par un spécialiste du fournisseur. Une entreprise peut désormais aussi personnaliser l’application CP sous un autre nom de marque. Tout comme le code QR, le Clickable Paper est une technologie de contenu enrichi, mais sans marqueur. Pour faire fonctionner l’application, il suffit de scanner l’image de la page cliquable avec un périphérique iOS ou Android doté de l’application. Adriaan Dries de Ricoh explique : “Cet outil cross-média est pertinent pour les imprimeurs qui évoluent en tant que Marketing Service Provider comme Symeta, par exemple. Le papier a de nombreux atouts en marketing : elle permet une visibilité durable et favorise la mémorisation. Cependant, il n’est pas possible d’obtenir un retour sur le taux d’audience ni de savoir quelle population a été touchée avec le papier.” Les applications de contenu enrichi permettent donc de pallier ce problème. “C’est une manière de rentabiliser encore plus les espaces publicitaires ou de rendre le contenu des manuels scolaires plus attrayants. Le seul frein est qu’il faut convaincre l’utilisateur de télécharger l’application”, pointe Adriaan Dries.

L’électronique imprimée sur papier est une autre possibilité technologique en matière de papier connecté. Le papetier Arjowiggins a développé sa propre technologie sous le nom “Powercoat Alive”. Lancé en 2012 et d’abord introduit en France, il vise le marché publicitaire. Depuis le début de l’été 2015, Arjowiggins bénéficie du soutien de la régie publicitaire française ADSP pour les services de tracking et reporting dans le cadre des campagnes publicitaires. Une solution qui permet de rassembler des informations sur les utilisateurs et de mesurer l’efficacité des campagnes. Doté d’une puce NFC, le papier connecté d’Arjowiggins permet de récolter des informations via smartphone sans devoir télécharger une application au préalable. “Le papier connecté interagit avec votre smartphone par la technologie RFID NFC, de la même façon que des badges d’accès. Cependant, la majeure partie de l’électronique est ici imprimée directement sur le papier et l’épaisseur de l’ensemble reste celle d’un papier, qui reste recyclable. Les applications vont des cartes de visite, brochures, packaging, étiquettes à la publicité dans les magazines, tickets et autres invitations”, explique Gaël Depres, un porte-parole d’Arjowiggins Creative Papers. Les circuits électroniques sont ainsi préimprimés et le papier prélaminé, ce qui permet aux imprimeurs et aux utilisateurs finaux d’intégrer facilement l’interactivité dans les applications de papier traditionnel. Lorsque le portable est posé à un endroit précis sur la page, le lecteur accède automatiquement à des contenus additionnels.

Le packaging

Quand une marque souhaite susciter l’étonnement ou favoriser l’implication du consommateur, la réalité augmentée prend tout son sens. L’emballage est pour cela un des meilleurs supports. L’an dernier, le fabricant de carton d’emballage Tetra Pak a lancé en France l’application “Tetra Pak Cartoons” avec la marque Pressade (jus d’orange) et les briques de lait d’Orlait. L’agence française Péoléo a conçu et produit pour eux une expérience où se mêlait réel et virtuel à destination des enfants de 6 à 11 ans. En visant une face de la brique avec un périphérique mobile équipé de l’application, des personnages en 3D s’animent autour de l’emballage. À la fois divertissant et pédagogique, le dispositif a proposé des quiz et des vidéos sur des thématiques telles que le recyclage, le tri, la gestion des forêts. L’opération, étalée sur plusieurs mois dans toute la France, a aussi été soutenue par une campagne télé et relayée sur les médias sociaux. En plus de véhiculer certaines valeurs écoresponsables, l’action a surtout permis à Tetra Pak de bénéficier d’un temps d’exposition considérable de 12 minutes. Une prouesse soulignée par Jérôme Kaczmarek, directeur artistique exécutif de Péoléo : “Tetra Pak vend du carton à des marques de boisson, il n’a donc pas le droit de communiquer sur son packaging ou du moins sur une toute petite face. Pour une fois, Tetra Pak a pu bénéficier de l’interaction avec l’emballage. L’idée a été de créer une face en réalité augmentée pour informer sur l’environnement et offrir un temps d’exposition à la marque. Douze minutes c’est presque du jamais vu en matière de téléchargements. De plus, les utilisateurs sont revenus plusieurs fois sur l’application”. Sur les 83 millions d’emballages qui ont été mis en vente durant la période de campagne, plusieurs centaines de milliers de personnes ont consulté l’application. “Les enfants sont plus faciles à atteindre avec la réalité augmentée que des adultes, moins sensibles”, dit Jérôme Kaczmarek.

Le merchandising

On n’y pense pas forcément, mais la réalité augmentée peut aussi être envisagée comme outil d’aide à la vente pour les commerciaux. C’est ce que propose par exemple Augment, le spécialiste français en RA. Plusieurs marques comme L’Oréal, Siemens, Coca-Cola ont déjà fait appel à ce type de service. L’application de réalité augmentée comme outil de merchandising permet de simuler des modèles d’emballages, de présentoirs et de PLV en 3D dans un monde réel, en taille réelle et en temps réel. Le fabricant de PLV américain Dusobox montre l’exemple. Pour les clients de ce fabricant, l’application leur permet de manipuler un modèle qui n’existe pas encore et de le placer dans différents endroits pour avoir un aperçu de ce qu’un présentoir peut donner dans son environnement. L’outil rendrait la prise de décision plus facile et rapide. La simulation en 3D via l’application de RA est rendue possible grâce à un support où sont imprimés des tags et qui sert de cible au périphérique.

Les cartes postales

Des cartes postales interactives, ce n’est pas quelque chose que l’on peut trouver de prime abord dans les rayons spécialisés. Mais l’idée est venue à Julie Stephen Chteng qui a brillamment concrétisé ce concept. Diplômée des Arts décoratifs de Paris en section Image imprimée, Julie aime raconter des histoires et en a fait son métier en travaillant texte et illustration. Son projet “Les Aventures du petit train postal” mêle carte postale, créativité et réalité augmentée. Il s’agit d’un kit qui rassemble 25 éléments de paysages découpés en papier, cinq attaches parisiennes et cinq enveloppes. Avec ces éléments, la personne peut composer un paysage, écrire un message au dos, glisser la carte dans l’enveloppe où figure un code QR et, enfin, la poster. Le destinataire n’a plus qu’à télécharger l’application gratuite ‘Le Train postal’, passer son smartphone devant la carte et voir le paysage s’animer. Pour concrétiser son projet à plus grande échelle, Julie l’a présenté sur la plateforme de financement participatif ‘KisskissBanKBanK’. La collecte s’est terminée avec grand succès le 1er juillet 2015 avec 9047 euros, contre les 5000 attendus. L’été dernier fut donc propice à la préparation des quelque 400 commandes pour la France et l’étranger. En septembre, la production d’impression a pu être lancée. Les cartes animées peuvent être personnalisées pour divers événements. Des cartes de remerciements pour les invités d’un mariage et des faire-part pour deux nouveau-nés ont d’ailleurs déjà vu le jour. Julie Stephen Chteng confie : “L’idée est de proposer le concept en magasin avec mon éditeur les éditions volumiques. Mon rêve est de proposer la carte2.0, la carte du futur qui garde tout le côté précieux et la valeur affective de la carte postale en papier tout en se modernisant à travers l’animation et le son. Et plus tard, des cartes de vœux pour les sociétés !” Suite au succès du projet sur KissKiss- BankBank, la collaboration avec un imprimeur s’est imposée d’elle-même. Julie a aussi opté pour le service de découpe au laser de l’imprimeur, laissant de côté sa machine à découpe manuelle. “Au départ, je prévoyais de réaliser beaucoup moins de cartes. J’ai aussi dû réadapter le papier que je voulais utiliser par rapport à l’imprimeur, le packaging et le graphisme.”

Les jeux récréatifs

Pour les enfants de plus de 6 ans, Crayola réinvente la façon de colorier en alliant nouvelle technologie et coloriage traditionnel. Depuis avril dernier, Crayola lance un cahier de coloriage en papier – ‘Color Alive’ – qui permet de donner numériquement vie aux dessins grâce à une application de RA. Le cahier existe en quatre versions différentes et inclut 16 pages à colorier, sept feutres (dont une couleur qui débloque des effets spéciaux) et une application (iOS et Android). Une fois que l’enfant a bien colorié son dessin, il a la possibilité d’interagir avec celui-ci en scannant le dessin à l’aide de son périphérique et même de prendre des ‘selfies’. Les personnages s’animent et virevoltent dans la pièce sur un fond sonore. D’abord paru aux États-Unis, le produit existe aussi dans certains pays européens, dont la France et l’Italie, mais pas encore en Belgique. “Nous sommes en phase test et nous apprenons de nos erreurs. Les failles que nous recueillons sont analysées en vue d’améliorer le produit pour le lancer à terme à plus grande échelle. Nous observons pour l’instant que les principaux problèmes sont liés à la technique, l’application qui n’est pas disponible dans tous les app stores et à la puissance de certains périphériques d’utilisateurs. En effet, certains sont parfois trop anciens”, confie une porte-parole responsable du marché Benelux chez Crayola. “Le produit pourrait être lancé au Benelux en hiver 2016”, précise-t-elle.

Dans le domaine des jeux de carte à collectionner, la RA est aussi présente. L’entreprise américaine de développement et d’édition de jeux vidéo Activision prévoit en 2016 le lancement d’un jeu de cartes aux formats physique et virtuel appelé Skylanders Battlecast. Les cartes pourront être scannées via l’appareil photo du périphérique pour donner vie aux personnages qu’elles représentent à l’écran.

La Publicité

Dans le monde de la publicité, chaque canal jour un rôle différent dans le processus d’influence du consommateur. Ainsi, le print et le digital peuvent se renforcer mutuellement. Une publicité imprimée dans un magazine peut titiller la curiosité d’un prospect et l’inciter à en savoir plus sur un produit pour déboucher sur une expérience en réalité augmentée. Dans une campagne marketing à 360°, la publicité dans les médias imprimés combinée à la réalité augmentée peut être un moyen de donner une expérience unique au consommateur. L’industriel allemand Siemens en a fait l’expérience dans une brochure présentant un nouveau produit technologique à destination des potentiels clients professionnels. Lors d’un salon, la brochure augmentée a permis d’offrir aux visiteurs une démonstration virtuelle en 3D du produit en scannant la brochure, faute de moyens physiques. Pour un large public, les quotidiens et magazines sont de plus en plus nombreux à intégrer des technologies de contenu enrichi (souvent à partir d’images reconnaissables, mais aussi des codes QR) pour les annonceurs.

Les étiquettes

Un code QR sur une étiquette est la base de ce que l’on peut voir. Il n’est pas rare d’en voir sur l’étiquette arrière d’une bouteille de vin, par exemple. Dernièrement, c’est la brasserie belge Martens qui a été remarquée pour son étiquette interactive. Martens s’est alliée à la série télé populaire flamande F.C. De Kampioenen pour promouvoir une nouvelle variété de bière dans une campagne en RA. Grâce à la technologie, le personnage représenté sur l’étiquette s’anime et interagit avec le client via smartphone. Les personnages ont été imprimés directement sur des bouteilles en PET 100% recyclables avec des encres UV à faible migration d’Agfa Graphics.

Dans un registre un peu différent, l’application danoise Vivino est un outil populaire auprès des amateurs de vin qui repose sur la technologie OCR (Optical Character Recognition). Pas de code QR ou de réalité augmentée donc, mais un scanneur de vin. L’appli a au moins le mérite d’enrichir numériquement le contenu d’une étiquette et de la rendre interactive. Sa première utilité réside dans sa capacité à fournir rapidement une mine d’informations pratiques d’un vin grâce à une base de données très riche. Il suffit de prendre en photo l’étiquette et l’application affiche toutes les informations sur le vin à l’écran. Vivino permet ainsi de constituer sa bibliothèque de vins, lire les commentaires de la communauté, estimer du prix de la bouteille, ou encore d’obtenir des informations sur le cépage, la production, etc.

L’édition

La technologie RA se faufile aussi à travers différents segments du marché de l’édition. Livres, magazines, journaux, produits éducatifs… La BD augmentée en est un exemple. Les éditions Le Lombard en ont fait l’expérience avec leur célèbre saga Thorgal fin 2013. Comment ? Avec l’application iOS “Thorgal: le compagnon officiel”, la RA enrichit la lecture des BD en distillant sur certaines pages des interviews exclusives, des esquisses ou encore d’autres crayonnés révélant les coulisses des dessinateurs. Grâce à la reconnaissance d’image, il suffit de viser n’importe quelle couverture pour accéder à la réalité augmentée de l’album concerné. Et même en l’absence de marqueur sur les pages, d’anciens albums déjà vendus peuvent être augmentés a posteriori. Rue de Sèvres, un éditeur français de bandes dessinées, a quant à lui conçu une bande dessinée (Frères de Terroirs) spécialement basée sur la réalité augmentée. L’application permet de découvrir des histoires qui se cachent entre les cases et les pages, complétant ainsi l’album papier. Des portraits vidéo, des bonus dessinés et un outil de géolocalisation immergent complètement le lecteur au cœur de l’histoire de la BD avec leurs auteurs.

La presse aussi s’y met avec des éditions imprimées enrichies par la réalité augmentée. C’est ce qu’a notamment expérimenté le journal gratuit Direct Matin en France lors d’une édition parue en juin 2015. Grâce à une application gratuite, les lecteurs ont pu avoir accès à différents contenus en ligne en scannant les articles marqués par une icône spéciale.

Aurelia Ricciardi

Quelques applis de RA pour le print

Augment

Le Français Augment a fait du merchandising son terrain de jeu en matière de réalité augmentée. L’application permet aux spécialistes du marketing et du ecommerce d’optimiser leurs ventes en offrant à leurs clients une visualisation de leurs modèles 3D en RA. Augment décline aussi son application pour les supports imprimés comme les brochures d’entreprises à destination du personnel ou des prospects afin de promouvoir la culture d’entreprise, un produit ou un service.

Clickable Paper

Le Clickable Paper est une technologie de Ricoh qui permet de relier des documents imprimés à des contenus en lignes associés. La technologie vise principalement les imprimeurs qui intègrent des services marketing, les éditeurs et toute entreprise intéressée.

Layar

D’origine hollandaise, Layar donne vie aux magazines et affiches publicitaires grâce à l’ajout de modèle 3D et de petites vidéos visibles sur smartphone.

Wikitude

Wikitude est une application qui permet de voir en RA tous types de contenu imprimé. Pour cela, il suffit de choisir le document en question et de la scanner. L’application fonctionne avec des journaux, magazines, emballages, mais aussi avec des campagnes publicitaires.

Scanlink

Les magazines de Roularta fonctionnent avec la solution de Vidinotti pour le contenu enrichi avec la réalité augmentée. Dans le Nouvelles Graphiques n°8, vous pouviez accéder à du contenu visuel avec l’appli Scanlink à partir des pages imprimées marquées.

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