Les applis graphiques promises à un bel avenir

22 décembre 2016

Voici une dizaine d’année, la cause était entendue: les smartphones et les tablettes étaient en passe de réaliser le mariage parfait avec l’imprimé. Le scan devenait le nouveau mode de lecture. Ce qui a pris un peu de temps, mais a débouché aujourd’hui sur quelques beaux exemples pratiques. Et entretemps, de nouvelles raisons sont apparues d’associer l’imprimé et le digital. Le moment est venu de dresser le bilan.

  • La brochure immobilière 2.0 : l’utilisateur scanne le plan au sol d’une habitation et voit apparaître un rendu 3D virtuel ou un panoramique à 360° de l’intérieur.

  • La chaîne de supermarchés Albert Heijn a combiné l’indémodable album à collectionner et des cartes à réalités augmentée et virtuelle pour les besoins d’une action épargne.

  • Le set de table McTrax: un circuit électronique, puce et pile comprises, est imprimé à l’encre conductrice sur la couche inférieure. Une couche autocollante sur lesquelles on a imprimé les touches de clavier et les boutons est ensuite appliquée par-dessus.

  • Lorsque l’on scanne le calendrier A Year of Tempting Plates d’Agfa, on voit apparaître des vidéos de recettes à l’écran du smartphone.

  • La réalité augmentée est régulièrement mise à contribution pour ajouter des animations et des informations à des articles de magazines ou à des publicités, via l’écran du smartphone ou de la tablette.

Ces derniers mois, les visiteurs de quelques McDonald’s aux Pays-Bas se sont vu remettre une belle surprise avec leur commande. À savoir, une application d’électronique imprimée sous la forme d’un set de table musical polyvalent, avec boîte à rythmes, échantillonnages et effets sonores, le smartphone servant de haut-parleur.

Les créateurs du projet n’ont fait que combiner plusieurs technologies largement répandues. Et en tout premier lieu: une appli pour smartphone, à télécharger par le réseau wifi. Le set de table est constitué de deux feuilles de papier. Un circuit électronique, puce et pile comprises, a été imprimé à l’encre conductrice sur la couche inférieure. Les touches de clavier et les boutons ont ensuite été reproduits sur une couche autoadhésive, rapportée à son tour sur ledit circuit.

L’appli sur le smartphone établit le contact par bluetooth. Les touches et les boutons invitent l’utilisateur à créer ses propres compositions musicales. Un contact avec une touche active le circuit électronique, qui fait en sorte que le set de table envoie un signal au smartphone, lequel émet la note de musique correspondante.

Un set de table électronique revient évidemment plus cher à produire qu’un napperon ordinaire, mais en plus de procurer beaucoup d’amusement aux clients de McDonald’s, l’idée a généré énormément de publicité. Le set a remporté le Lion de Bronze au festival international de la créativité Lions Cannes. Il est en outre apparu dans un nombre incalculable de blogs et a été partagé à l’infini sur les réseaux sociaux. Ce dernier canal prend de plus en plus d’importance pour les concepteurs de campagnes. Le groupe-cible dans la tranche d’âge jusqu’à 25ans ne regarde ni n’écoute plus qu’à peine les émissions télé et radio ordinaires. Les ventes de journaux et de magazines restent peut-être encore appréciables, sauf que les plus jeunes ne les lisent plus. En particulier, les entreprises qui vendent des produits spécifiquement ciblés sur ce groupe d’âge doivent se montrer créatives dans la mise en œuvre de leurs moyens disponibles pour atteindre leur public.

Avec les médias sociaux, elles peuvent arriver à les toucher. Si ce n’est qu’en plus d’être chère, une campagne dans les “social media” est aussi compliquée à agencer. Le succès n’est au rendez-vous qu’à partir du moment où le message est propagé par l’utilisateur lui-même – ce qui était précisément le but visé par McDonald’s avec son set de table.

Brochure à 360 degrés

L’imprimé constitue un bon complément à une application et vice versa. Et ce pour bien d’autres raisons encore. L’utilisateur du smartphone ou de la tablette peut faire son choix parmi les centaines de milliers d’applis de l’Appstore d’Apple ou de la Google Play Store, selon son système d’exploitation. Tant mieux pour lui, mais le développeur, de son côté, est empêtré dans une singulière lutte concurrentielle. Certaines applis sont employées par quasi tout le monde (on pense à WhatsApp), mais la plupart doivent composer avec des chiffres d’utilisation bien plus modestes. Une très grande partie des applis disponibles n’est même jamais téléchargée. Une belle destruction de capital, car leur élaboration requiert souvent un investissement considérable. La probabilité que le consommateur les découvre par lui-même et les utilise spontanément est toutefois extrêmement faible.

Quiconque commercialise une appli fera donc bien de prévoir un plan de lancement bien charpenté. L’imprimé peut constituer un excellent tremplin à l’utilisation d’une application. Scoox Makelaars Media, qui fait partie de l’entreprise graphique néerlandaise Nederlof, a imaginé une manière de rendre les dépliants des agences immobilières plus attrayants. Une combinaison de techniques existantes déjà mises en œuvre pour les besoins des courtiers, mais séparément jusqu’ici. Par exemple, le courtier a la possibilité de composer luimême sa brochure à l’aide d’un système de mise en page en ligne. Des textes, des photos et d’autres images sont disponibles via la base de données. Avec les techniques d’impression numérique, créer une brochure séparée pour chaque bien mis en vente n’est plus en problème.

En même temps, rien de plus facile que de mettre chaque habitation en image avec une photographie à 360 degrés. L’habitant ou l’agent peut prendre celle-ci avec son smartphone ou une caméra spéciale commercialisée à un prix avantageux. Avec cette appli bien commode, le candidat acquéreur peut découvrir l’intérieur du salon en faisant bouger son smartphone. Il voit la maison sur l’image comme s’il la regardait directement à travers son écran.

Scoox fait la synthèse de ces techniques. L’utilisateur reçoit la brochure du bien convoité et scanne une partie du plan de sol avec son smartphone. L’intérieur apparaît alors à l’écran. L’utilisateur peut en outre choisir d’y afficher une reproduction visuelle des espaces en 3D.

En théorie, l’appli peut renvoyer des informations au courtier. Celui-ci peut ainsi se faire une idée des préférences et des centres d’intérêts du ou des acquéreurs potentiels. Une information qui peut aussi être mise à profit pour faire encore mieux coller le contenu des brochures aux attentes des utilisateurs.

Information pertinente

Tout a commencé avec l’introduction du code QR en 1994. Celui-ci a été développé par la suite pour transmettre un nom de domaine Internet à un téléphone mobile. Une simple lecture du code par balayage nous donnait ainsi accès à un site Web. Si le code QR n’a jamais véritablement percé pour certains, il n’en est pas moins indissociable de la vie de tous les jours. Grâce à lui, il est devenu possible d’imprimer chez soi des billets d’avion et des tickets d’entrée pour une pièce de théâtre ou un autre événement. Le code QR est également omniprésent sur les produits les plus divers, où il renvoie à des informations en ligne. Dans le monde de la logistique, il joue un rôle de premier plan pour le stockage des données et la traçabilité.

Certains s’attendaient à ce qu’il révolutionne également le monde du marketing. Les affiches, les dépliants, les brochures et les cartes de visite allaient ainsi devenir des portails analogiques truffés d’informations en ligne. Il nous aurait suffi de brandir notre smartphone pour être servi au doigt et à l’œil.

Il n’en fut pas tout à fait ainsi. Les codes QR ont de nos jours une fonction surtout instrumentale, et ce pour diverses raisons. Les graphistes et les pros du marketing ne raffolent pas de ce carré en damier qui vient dénaturer leur expression si finement ciselée. La technologie de balayage d’images a résolu ce problème, mais encore faut-il qu’une icône indique clairement à l’utilisateur ce que l’on attend de lui.

Et puis, il y a encore le problème de l’information en ligne vers laquelle le code renvoie. En plus de devoir être créée, celle-ci doit aussi être pertinente. Des études ont démontré que le public était bien enclin à scanner les codes QR et les illustrations. Mais dans la pratique toutefois, l’information sous-jacente a souvent été jugée décevante. Ce qui décourage l’utilisateur de répéter l’expérience. Après avoir sorti une énième fois son smartphone pour se voir présenter un formulaire à remplir ou un spot publicitaire sans relief, il a tôt fait de laisser les codes à scanner pour ce qu’ils sont.

Mais cela peut fonctionner, la preuve par le marché japonais. Les codes QR y sont mis à contribution partout, et également pour les expressions marketing. Les Japonais voient le print-to-web d’un bon œil. On considère, par exemple, comme tout à fait normal de scanner le code QR du badge du personnel de salle pour donner une appréciation sur le service d’un restaurant. Différentes théories circulent pour expliquer le succès de la technologie dans l’archipel. La principale est probablement que l’on a veillé dès le début à la pertinence des applications et du contenu. Partout où il peut être utile ou amusant de scanner un code, cela se fait.

Action épargne à réalité augmentée

Le développement de la réalité augmentée a ouvert un nouvel avenir prometteur aux balises Layar, au Clickable Paper et à d’autres applications demandant que l’on scanne une image. Ce geste fait apparaître une animation ou une autre forme d’information dans le film de la réalité vraie affiché sur l’écran du smartphone.

Grâce notamment à l’énorme popularité du jeu Pokémon Go, lequel est entièrement basé sur la réalité augmentée, le potentiel de cette technologie est à présent connu. L’appli Snapchat, que l’on ne présente plus, fait elle aussi appel à la réalité augmentée.

Mais pour épatante que soit cette technique, l’expérience vécue par l’utilisateur se limite à la taille de son petit écran. Ce qui a fait cogiter la chaîne de supermarchés Albert Heijn, aux Pays-Bas. L’enseigne a mobilisé à la fois la réalité augmentée et la réalité virtuelle pour une action épargne. Pour une tranche d’achats déterminée, le client recevait un paquet de cartes de dinosaures à collectionner, pour ses enfants. Ceux-ci pouvaient les coller dans un album. En scannant les images avec un smartphone ou une tablette, ils pouvaient ramener les êtres préhistoriques à la vie. Une combinaison donc de réalités augmentée et virtuelle. Pour bien tirer parti des caractéristiques de l’écran, le supermarché fournissait aussi des lunettes en carton, qui transformaient le smartphone en interface de réalité virtuelle. L’utilisateur pouvait, par exemple, choisir entre faire courir un T-Rex dans la cuisine, ou tourner lui-même autour de l’animal dans un monde préhistorique. L’album, les cartes à collectionner et les lunettes en carton mettaient ainsi en place un environnement propice à une expérience numérique. En même temps, le monde digital conférait une dimension supplémentaire à l’album à collectionner traditionnel – un concept qui ravit les enfants depuis des décennies.

L’action épargne a généré de bons chiffres de vente et beaucoup de publicité positive. La campagne a dernièrement été élue “Action premium 2016” par le magazine Promz et elle a par ailleurs contribué à promouvoir l’image d’Albert Heijn en tant qu’organisation innovante – l’un des fers de lance de l’entreprise. Grâce à la multitude d’informations et de détails fournis dans le livre et les vidéos, l’action poursuivait également un objectif clairement éducatif en plus de son aspect divertissement.

Appli-calendrier de recettes

Les actions de McDonald’s et Albert Heijn évoquées ci-avant montrent comment la combinaison d’applications mobiles et de l’imprimé offre une excellente manière de s’adresser à des groupes-cibles plus jeunes. À ses débuts toutefois, la nouvelle technologie avait été mise en œuvre pour tenter d’intéresser des tranches d’âge supérieures. Diverses publicités innovantes pour des marques de voitures, de vêtements ou de produits de maquillage en ont livré de formidables exemples. Agfa Graphics a ainsi créé, au titre de cadeau d’affaires VIP, un calendrier intitulé “A Year of Tempting Plates”. Le titre faisait à la fois référence aux plats illustrés dans ce calendrier et aux plaques d’impression offset, qui restent un produit important de ce fournisseur.

Les douze plats ont été préparés par un grand chef, ce qui a été filmé et photographié. Différentes techniques spéciales ont été appliquées pour l’impression du calendrier, dont l’utilisation d’encres métalliques ou fluorescentes et la sérigraphie. En scannant l’image avec le smartphone ou la tablette, on fait apparaître une vidéo à l’écran, qui détaille le mode de préparation de la recette.

Tandem idéal

S’il est bien un élément commun entre les exemples évoqués dans cet article et d’autres “applis graphiques” publiées avec une grande régularité, c’est le plaisir et la créativité qui ont présidé au développement de ces projets. La combinaison de techniques graphiques et numériques a engendré diverses applications irrésistibles. Les applications numériques sont désormais incontournables pour les professionnels du marketing. Les entreprises ont une soif inaltérable d’informations clients et la route la plus courte vers les données passe désormais par le smartphone et la tablette.

Là où l’appli se heurte à des obstacles qui tiennent à sa nature-même, le papier et le carton peuvent constituer le point d’ancrage d’une campagne marketing réussie. Ils constituent la partie tangible de l’action et contribuent à un ressenti que l’écran ne peut offrir. Papier et carton sont des matières relativement bon marché, produites par une industrie qui – cela vaut la peine d’être rappelé de temps à autres – est droit dans ses bottes du point de vue environnemental.

Si ce sont surtout les applications numériques qui font le buzz, c’est aussi parce que les gens sont tellement habitués à l’imprimé. Mais cela n’enlève rien à l’impact et au rôle inhérents au produit graphique. Le monde tangible et le numérique forment un tandem idéal pour toucher une population cible plus jeune, qui menace de disparaître du champ de vision de beaucoup d’entreprises B2C. Et qui a la jeunesse avec lui, détient les clés de l’avenir.

Alex Kunst

Boîte à pizza musicale

La combinaison des applications numériques et imprimées est une véritable porte ouverte pour le secteur de l’emballage. La connexion avec le smartphone engendre des arguments de vente supplémentaires. La filiale britannique de la chaîne de restauration rapide Pizza Hut a pensé que le consommateur, après avoir dégusté sa pizza, pourrait éprouver le besoin de jouer les DJ. La boîte à pizza une fois vidée de son contenu se transforme une table de mixage, qui établit le contact par bluetooth avec un portable, un smartphone ou une tablette. L’application offre ainsi une deuxième vie à la boîte à pizza, qui est à normalement parler un déchet.