L’industrie papetière poursuit sa reconversion dans l’emballage

23 février 2017

Les derniers rapports annuels des fabricants de papier et carton révèlent les grands axes stratégiques de ces entreprises. Pour viser la croissance et continuer à évoluer durablement, les fabricants de papier délaissent certains segments au profit d’autres segments plus générateurs de croissance. État des lieux des opérations stratégiques de six grands groupes de papier et carton en Europe.

  • UPM Raflatac introduit sur le marché européen le nouvel adhésif RP38TXL sans résidus qui est destiné à l’étiquetage des vêtements et des textiles dans la vente au détail.

  • Le chocolatier belge Delafaille a été le premier utilisateur du papier Algro Guard OHG lancé en avril 2016 par Sappi. Alternative aux films et plastiques, cet emballage souple à action barrière élevée fait obstacle à la graisse et aux huiles minérales.

  • En rachetant l’entreprise turque Kalenobel, spécialisée dans l’emballage souple pour les crèmes glacées, l’alimentaire et l’hygiène, Mondi se renforce en Turquie. Kalenobel exporte environ la moitié de sa production vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Fin janvier 2017, le groupe papetier italien Burgo a annoncé son intention de convertir son usine d’Avezzano (Italie) qui produit du papier graphique et de spécialité en usine pour carton ondulé recyclé. À l’instar de beaucoup d’autres avant lui, Burgo tente de relancer son activité impactée en partie par le déclin de la consommation de papier graphique au niveau européen. Un cas qui illustre la situation de beaucoup d’autres groupes papetiers en Europe et ailleurs.

Chacun avec leurs spécificités, les fabricants de papier européens adoptent globalement les mêmes directions stratégiques : commercialiser des produits en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs tout en limitant l’impact environnemental. Les papetiers ne font pas l’impasse sur les préoccupations environnementales et font état des efforts fournis pour développer de nouveaux produits et services basés sur les matériaux renouvelables. La seconde préoccupation commune porte sans grande surprise sur la réduction des coûts fixes et variables dans les différents secteurs d’activité et l’optimisation des processus. Ce qui a pour effet d’orienter les décisions stratégiques à travers des plans de restructuration, fermetures d’usines en surcapacité et désinvestissements dans certains secteurs d’activité. Mais les décisions stratégiques sont aussi assorties d’investissements et d’acquisitions afin de conquérir de nouveaux marchés ou d’augmenter les capacités déjà existantes.

Afin d’identifier vers quels marchés ces entreprises focalisent leur attention, nous avons passé au peigne fin les bilans annuels 2015 ou les pré-rapports 2016 disponibles de six grands groupes papetiers. À savoir Stora Enso, UPM, Smurfit Kappa, Sappi, Mondi et Metsä Board.

STORA ENSO

Le groupe papetier finlandais Stora Enso offre des solutions renouvelables autour de cinq principaux segments sur le marché mondial: carton pour produits de grande consommation, emballage, biomatériaux, produits en bois (construction et logement) et papier. L’entreprise emploie quelque 26.000 personnes dans plus de 35 pays et a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros. Hormis le segment du papier, Stora Enso pointe des marchés rentables dans tous les autres segments.

En 2016, Stora Enso a annoncé un investissement de 70 millions d’euros dans la production d’emballages en carton de produits alimentaires de grande consommation et de boissons. Selon Stora Enso, ce marché, où la demande y est croissante, est amené à croître plus fortement que les autres secteurs de l’emballage. L’investissement vise donc à augmenter la capacité de production qui a lieu dans l’usine à papier et carton Imatra en Finlande. Les 70 millions d’euros servent à installer du matériel de revêtement par extrusion à base d’un nouveau polyéthylène et à mettre en place un entrepôt pour bobines automatisé. Le couchage par extrusion est un procédé utilisé pour améliorer la fonctionnalité des emballages en carton en créant des propriétés de barrière pour des applications telles que l’emballage de nourriture et de liquide. L’enduction par extrusion permettra également de poursuivre le développement de produits de nouvelle génération, notamment des biobarrières innovantes. Les travaux qui sont en cours dans l’usine finlandaise devraient s’achever en octobre 2017.

Tout récemment, Stora Enso a fait marche arrière dans ses plans de construction d’une usine de pâte à papier chimique à Beihai en Chine. Stora Enso avait pourtant annoncé dans son rapport annuel 2015 qu’il envisageait de construire une usine de pâte chimique sur son site chinois qui produit déjà 450.000 tonnes de carton depuis mai 2016. La nouvelle construction devait permettre de produire 900.000 tonnes de papier à base d’eucalyptus. Karl-Henrik Sundström, le PDG de Stora Enso explique ce revirement de situation : «La demande du marché pour les emballages alimentaires de haute qualité va continuer à croître en Chine et sur les marchés asiatiques voisins. L’usine de carton à Beihai est idéalement placée pour desservir ce marché. Dans le même temps, l’offre et la demande du marché mondial de la pâte ont été impactées négativement par de nouveaux investissements de production de pâte de résineux. Parallèlement, nous considérons les coûts du bois pour alimenter la papeterie trop élevés, ce qui réduit la compétitivité d’une telle usine.»

En ce début d’année, Stora Enso a également annoncé la cession intégrale de sa filiale finlandaise Formeca, spécialisée dans la fabrication de lignes automatiques de conditionnement, à Amirec, une entreprise finlandaise de construction de machines d’emballages en carton ondulé. Tandis qu’en septembre 2016, Stora Enso a revendu l’usine Kabel, en Allemagne, qui produisait du papier couché à base de pâte mécanique pour la production de magazine.

Il en va autrement pour le secteur de la construction. Stora Enso a en effet décidé d’augmenter la production d’éléments préfabriqués pour les besoins de la construction urbaine. En 2015, Stora Enso a lancé en Finlande la production de bois lamifié LVL (Laminated Veneer Lumber). La construction d’une nouvelle ligne de production d’éléments préfabriqués en bois se poursuit cette année et remplace une ancienne machine à papier de l’usine de Varkaus. L’objectif de cette société est de compléter sa gamme actuelle de produits affectée au bois scié et au bois lamellé-croisé par la fabrication d’un produit de bois reconstitué connu et utilisé à l’échelle mondiale. La production à plein régime est prévue pour 2018.

UPM

UPM base son avenir sur le renouvellement des industries bio et forestière. Le Groupe couvre six domaines d’activité : UPM Biorefining (pâte et biocarburant), UPM Raflatac (étiquettes autoadhésives), UPM Paper Asia, UPM Paper Europe et North America (ENA) et UPM Plywood (contreplaqué). Le groupe emploie environ 21.000 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 10 milliards d’euros. UPM mène des projets de croissance dans le biocarburant, les étiquettes et les papiers de spécialité.

Chez UPM, les deux dernières années ont été marquées par des fermetures définitives d’une série de machines à papier ou de cession d’usines au sein d’UPM Paper ENA. En se séparant des unités les moins rentables, UPM veut assurer une rentabilité rapide et forte. Ces mesures ont ainsi significativement réduit la capacité de papier graphique en Europe. En 2015, les machines de journal à Chapelle Darblay (France), à Shottom (Royaume-Uni), la machine à papier d’UPM Jämsânkoski et la machine à papier de couché mécanique d’UPM Kaukas en Finlande ont été stoppées, réduisant la capacité papier de 800.000 tonnes. Tandis qu’en 2016, UPM a vendu l’usine de papier journal de Schwedt (Allemagne). Selon UPM, ces mesures ont permis d’augmenter l’efficacité opérationnelle et de réduire les coûts fixes en 2016. «Nous prévoyons que la baisse structurelle de la demande en papiers graphiques continuera à des niveaux similaires à ceux des dernières années.» Par la suite, d’autres machines à papier ont encore été arrêtées en Allemagne et en Autriche, réduisant la capacité de 305.000 tonnes supplémentaires.

Du côté des investissements, UPM a entrepris différents projets de croissance, parmi lesquels: augmentation de la capacité de l’usine de pâte d’UPM Kymi (Grèce) à 870.000 tonnes, nouveau rouleau en Pologne pour répondre à la demande croissante en complexes autoadhésifs en Europe, démarrage d’une bioraffinerie en Finlande et extension de l’usine de contre-plaqué UPM Otepää.

SMURFIT KAPPA

Le groupe irlandais Smurfit Kappa, spécialiste de l’emballage papier, est implanté en Europe, Amérique latine, USA et au Canada. Il emploie 45.000 personnes sur 370 usines à travers 34 pays. En 2015, le chiffre d’affaires du groupe s’élevait à 8,1 milliards d’euros. Cette année-là, les dépenses en investissement ont représenté 380 millions d’euros visant à renforcer et diversifier la couverture géographique ainsi que générer du profit. Les principales acquisitions de ces dernières années comprennent l’achat de Grupo CYBSA, un fabricant d’emballages flexibles et de cartons plats et ondulés ayant des usines au Costa Rica et Salvador. Cette transaction accroît ainsi la présence commerciale de Smurfit Kappa sur le marché croissant d’Amérique centrale. En 2016, le groupe irlandais a encore acquis deux autres entreprises d’emballage à base de papier basées au Brésil, INPA et Paema. L’ensemble est constitué de trois usines de papiers recyclés pour ondulés et quatre usines de carton ondulé pour approvisionner le nordest du Brésil et le sud du pays.

En novembre dernier, Smurfit Kappa UK a fait l’acquisition du fabricant anglais Saxon Packaging. Basé à Lowestoft, Saxon Packaging est un producteur de boîtes en carton ondulé et carton plat avec un studio de conception intégré. À travers cette acquisition, Smurfit Kappa UK entend diversifier son offre sur le marché de l’emballage avec des moyens uniques.

SAPPI

Tout comme UPM, Sappi poursuit une stratégie de croissance en réorientant les activités papier graphique vers des secteurs d’activités plus rentables. En 2017, Sappi poursuit les mêmes objectifs qu’en 2016: réduire les coûts (fixes, variables, énergétiques) et rationaliser les activités en décroissance en les réorientant vers des secteurs d’activités plus rentables. Par exemple, transformer les capacités de papier graphique pour créer des produits d’emballage de spécialité. Sappi voit en effet sa croissance dans l’élargissement des papiers de spécialité et d’emballages en Europe et en Amérique du Nord à travers des conversions. Sappi propose ainsi aux transformateurs et clients finaux des papiers de spécialité couchés et non couchés pour l’emballage flexible des denrées alimentaires, l’emballage de luxe ou encore des emballages pour protéger des produits. «La marché de l’emballage de spécialité reflète les besoins croissants de l’industrie de l’emballage alimentaire face à des clients de plus en plus exigeants en matière d’emballage durable et respectueux de l’environnement», indique Sappi. Dans ce domaine, le fabricant estime une croissance annuelle de 3 %. La division Dissolving Wood Pulp (DWP) pour la pâte de bois à dissoudre, basée en Afrique du Sud et en Amérique du Nord, est aussi un marché en croissance. Le DWP est notamment utilisé dans le secteur vestimentaire, alimentaire, pharmaceutique et les produits d’hygiène et de soin. «Sur base du taux de croissance du marché textile global, poussé en partie par la population croissante et la tendance des fibres naturelles et écologiques, nous visons à long terme une croissance annuelle de 4 à 5% de la division DWP», explique Sappi. Pour ce faire, Sappi prévoit d’investir dans plusieurs projets afin d’augmenter la capacité de DWP.

Un autre pilier de la stratégie de croissance de Sappi réside dans la constitution d’unité d’activités adjacente basée sur les matières premières renouvelables, les biomatériaux et la bioénergie. En juillet 2016, Sappi a créé la nouvelle unité Sappi Biotech pour la commercialisation de nouveaux produits. Pour ce faire, Sappi compte utiliser le sucre, mais aussi la lignine et les acides organiques, extraits du bois. En 2017, une usine de démonstration d’extraction de sucre sera en cours de construction à Ngodwana en Afrique du Sud. Ce site doit servir à explorer et optimiser l’extraction de produits chimiques biorenouvelables.

MONDI

Le groupe Mondi, spécialisé dans la fabrication de papier et d’emballage, possède une centaine de sites dans plus de 30 pays en Amérique du Nord, Europe centrale, Russie et Afrique du Sud. Mondi emploie environ 25.000 personnes et a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de 6,8 milliards d’euros. Dans le rapport intérimaire du premier semestre 2016, Mondi pointe des performances en termes de résultat d’exploitation provenant des divisions européennes et internationales Consumer Packaging (+31 %, €64 millions) et Uncoated Fine Paper (+18 %, €133M). En 2016, la division Consumer Packaging a fait l’acquisition d’un certain nombre d’entreprises afin d’augmenter l’offre de produits et étendre la couverture géographique dans les segments en croissance de l’emballage flexible des produits de consommation. À savoir : Uralplastic en Russie et Kalenobel en Turquie. Par ailleurs Mondi fait état de performances négatives par la division Fibre Packaging (emballage en carton ondulé, sacs industriels, couchage par extrusion) et Packaging Paper (carton, sac en papier kraft et papier kraft de spécialité). Avec un résultat d’exploitation de 192 millions d’euros, la division Fibre Packaging enregistre une baisse de 13% en raison de la baisse des ventes de sacs industriels et du couchage par extrusion. La Belgique en fait directement les frais avec l’usine Mondi Brussels South à Ghislenghien. En fin d’année 2016, le groupe papetier a annoncé son intention de fermer cette usine qui fabrique des sacs industriels principalement pour les matériaux de construction. Du côté de l’emballage ondulé, Mondi a fait l’acquisition de deux entreprises au cours de l’année 2016 : SIMET en Pologne et Beepack en Russie. Quant à la division Packaging Paper, le groupe a enregistré une baisse de 9 %. Si la demande baisse en Europe, elle est au contraire en augmentation en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient.

METSA BOARD

L’entreprise finlandaise Metsä Board, filiale du groupe Metsä, est spécialisée dans la production de carton pour boîte pliante et de liner blanc pour carton à base de fibres vierges. Dans ce domaine, Metsä Board table sur une croissance de 13 % entre 2015 et 2018. En 2015, le groupe Metsä Board, qui emploie environ 9.600 personnes dans une trentaine de pays, a réalisé un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros, dont 2 milliards pour Metsä Board. L’année 2016 a marqué pour la filiale du carton la fin du plan de conversion qui avait débuté en 2006. Ce plan devait transformer le fabricant de papier en fabricant de carton, segment plus rentable. Ainsi le produit phare de Metsä Board concerne la nouvelle machine de fabrication de carton pour boîte pliante qui a été construite à l’usine de Husum en Suède. Entrée en production fin avril 2016, la nouvelle machine atteint à présent sa pleine capacité (400.000 tonnes par an). Parallèlement, Metsä Board a arrêté de produire du papier non couché supérieur et du papier peint, tous deux devenus des activités non rentables pour l’entreprise. Les dernières machines de production de papier ont été arrêtées en juillet et septembre 2016. L’une était à l’usine suédoise de Husum, l’autre (papier peint) à l’usine de Kyro en Finlande qui ne produit désormais plus que du carton plat. «À l’avenir, nous allons nous concentrer sur la production de cartons supérieurs fabriqués à partir de fibres vierges destinés aux biens de consommation et aux solutions d’emballage pour la vente au détail», déclare Mika Joukio, directeur général de Metsä Board. En 2017, Mestä Board prévoit d’avoir sa propre ligne de couchage par extrusion. Celle-ci doit permettre d’étendre la gamme de carton pour les emballages alimentaires.

Aurelia Ricciardi