Le courrier augmenté à la conquête du client

25 mai 2017

Afin d’engager les clients et prospects, les annonceurs et professionnels du marketing doivent faire preuve de créativité pour renouveler l’expérience client. Dans cette optique, le papier et le digital forment une synergie heureuse pour la conquête du client. Exemples.

  • De gauche à droite : Philippe Legendre (IREP), Corinne Boisseau et Frédéric Galant (La Poste), Marie-Eve Saint-Cierge (APICIL).

  • La campagne de DM augmenté « Back to school » de la marque de vêtements Burton of London.

  • Conçue pour enrichir le Marketing Direct, l’app de réalité augmentée « Courrier plus » de La Poste rend les visuels papier de ses clients scannables. L’utilisateur accède ainsi à des vidéos, animations 3D, des sites d’e-commerce, etc.

  • Plaquette imprimée multimédia réalisée dans le cadre d’une campagne de prospection auprès de DRH de grandes entreprises. Accrocheur : la vidéo s’enclenche dès l’ouverture.

  • Afin d’obtenir un rendez-vous avec les prospects, les conseillers commerciaux ont infiltré virtuellement le bureau des DRH grâce à un courrier augmenté.

Le smartphone est devenu la troisième main de l’être humain. De plus en plus performant, il entraîne avec lui une multitude de nouvelles technologies comme la réalité augmentée, la reconnaissance d’images, les puces NFC, etc. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication se développent autour des médias imprimés et créent de nouveaux usages au profit du marketing relationnel. La France est un laboratoire fertile pour l’expérimentation de supports connectés et enrichis dans le cadre de campagnes marketing. Et au salon professionnel Creativ’Cross-média, qui a eu lieu fin mars à Paris, l’effervescence autour de cette thématique était bien palpable. Il était aussi évident que les choses commencent à se bousculer dans ce domaine. Un message était clair : le print revit. « Après une dizaine d’années en berne, le marché de la communication se redresse. Le marché de la presse et du marketing direct montre que si le digital progresse à très grande vitesse, le papier conserve sa raison d’être. Mais les changements de comportement des consommateurs induisent de nouveaux usages », dit Philippe Legendre, directeur délégué à l’IREP (Institut de Recherches et d’Études Publicitaires). Selon les résultats annuels du marché publicitaire français en 2016, les recettes nettes du courrier publicitaire ont diminué de 4 % en 2016, contre -7 % en 2015. Soit une légère amélioration d’un point de vue optimiste. Cela dit, les annonceurs ont investi davantage en communication : +1,5 % vs +0,7 % en 2015, soit près de 32 milliards d’euros. « La situation plus favorable en 2016 s’explique principalement par la croissance toujours importante d’Internet (+7 % par rapport à 2015). Celle-ci est notamment tirée par le display, en forte progression sur les formats vidéo, sur le mobile et sur les réseaux sociaux. Mais certains médias historiques se tiennent aussi bien comme la télévision, la publicité extérieure et les imprimés sans adresses qui se redressent », expose Philippe Legendre.

Dans le domaine du Marketing Direct, deux entreprises prestataires de services ont fait état de leurs succès et innovations en combinant le papier et le numérique pour la conquête du client. Il s’agit de La Poste, qui offre des solutions B2B en marketing direct, et APICIL, un groupe de protection sociale qui accompagne les entreprises et particuliers en santé, épargne, prévoyance et retraite. Les intervenants issus de ces deux entreprises sont convaincus que le courrier et l’imprimé gardent de nombreuses vertus pour conquérir des prospects ou fidéliser des clients : « Le média courrier et papier respecte l’intimité des personnes et n’est pas intrusif. Il favorise l’attention, la mémorisation et fait preuve de modernité en combinaison avec le numérique ». Voici des exemples concrets et nouveaux qui montrent comment il est encore possible de réaliser des choses innovantes et efficaces pour conquérir de nouveaux clients avec le média papier.

Le courrier augmenté avec La Poste

La Poste propose depuis peu un service clé en main de réalité augmentée – basée sur la reconnaissance d’images – à ses clients professionnels. Pour ce faire, La Poste dispose d’une application mobile, baptisée Courrier Plus, qui est basée sur la solution de réalité augmentée du prestataire Bear2be. Avec cette application, La Poste vise les annonceurs dans l’élaboration de leurs campagnes de publipostage crossmédia qui peuvent ajouter un volet numérique pour augmenter l’impact des messages auprès des consommateurs. Corinne Boisseau, Directrice de Marché Communication Commerciale à La Poste, explique : « J’aime l’expression ‘réenchanter l’expérience client’. Au-delà de la communication, nous sommes dans une recherche d’expérience du client à travers l’association du courrier et du digital. Favorisant la mémorisation, le courrier peut de plus contenir beaucoup d’information sur la marque et les produits.» Frédéric Galant, Directeur de projet digital à La Poste, complète : « La réalité augmentée va renforcer encore plus la mémorisation du courrier grâce à une expérience nouvelle. Il se crée un acte d’adhésion à la marque ».

En septembre 2016, La Poste a mis au point une campagne de marketing direct en réalité augmentée pour la marque de prêtà-porter Burton of London, baptisée « Back to work ». La campagne de publipostage adressée et basée sur la réalité augmentée consistait à envoyer aux clients le nouveau catalogue Automne-Hiver 2016 et une carte publicitaire présentant trois façons de porter le tailleur et le costume à la rentrée. En flashant la photo de son choix avec un smartphone (ou une tablette) via l’application ‘Courrier plus’ de La Poste, le client pouvait alors voir les mannequins de la carte s’animer. Via les images animées, l’utilisateur a eu la possibilité d’accéder à des pages de présentation des articles sur le site web de Burton of London et, éventuellement, d’effectuer un achat. Cette opération de courrier adressé reste relativement simple dans son contenu puisque la version print et numérique reste similaire. Cependant, l’aspect ludique de la réalité augmentée a permis de réinventer et d’enrichir l’expérience du client grâce à une visualisation dynamique du courrier. L’expérience a également permis de favoriser le trafic dans les boutiques et sur le site web. Cette campagne de courrier augmenté a permis d’atteindre 430.000 personnes.

Le courrier augmenté offre une multitude d’usages : personnalisation en ligne d’un produit comme cela se fait avec une voiture, découverte d’une destination touristique à travers une visite virtuelle à 360 °, visualisation d’un produit en trois dimensions, explication d’un service complexe sous forme de vidéo, etc. « La réalité augmentée associée au print permet de faire du reciblage vers d’autres canaux. Par exemple, un site web, un e-mail, un jeu-concours pour alimenter une base de données ou carrément emmener le destinataire vers un point de vente grâce à la géolocalisation », dit Frédéric Gallant.

La force commerciale augmentée avec APICIL

Du côté du groupe APICIL, cet acteur indépendant de l’analyse de produits et services a mis en place une campagne de prospection particulièrement créative et innovante qui a porté ses fruits. Intégrant aussi la réalité augmentée, la technologie a ici servi à faire la promotion d’un service et non plus d’un produit. La campagne de marketing direct avait pour but premier d’aider les commerciaux d’APICIL à décrocher des rendez-vous en attirant l’attention des décideurs. Marie-Eve Saint-Cierge, Directrice Marketing d’APICIL, explique le contexte dans lequel a été élaborée la campagne de marketing relationnel : « Notre cible principale est le marché des entreprises, dont les DRH des grandes entreprises qui sont une cible particulièrement compliquée à atteindre. En effet, les DRH sont très sollicités et exigeants. Il fallait donc trouver un moyen de faciliter le contact pour apporter des leads qualifiés à nos commerciaux. Pour cela, nos courriers sont le seul moyen d’arriver jusqu’au bureau du DRH. » Le groupe de protection sociale a cherché à se différencier sur la qualité de la relation commerciale avec ses clients plutôt que sur les produits d’assurances qui ne présentent pas d’avantage concurrentiel. «Notre or noir ce n’est pas le produit, mais les commerciaux. Après un brainstorming, l’idée a été d’infiltrer virtuellement des conseillers dans les bureaux des DRH en utilisant le multimédia pour être sûr d’être vu et entendu», explique Marie-Eve Saint-Cierge. Pour ce faire, une quinzaine de commerciaux ont été filmés pour proposer une rencontre réelle à leurs prospects. Chaque vidéo a été intégrée dans une plaquette multimédia. « La plaquette arrive sur le bureau du DRH et quand il l’ouvre, une vidéo de présentation s’enclenche. L’effet de surprise est assuré. Cette première opération a permis de renforcer la mémorisation et l’adhésion à la marque, facilitant ainsi la prise de contact de nos commerciaux », dit Marie-Eve Saint-Cierge. La cible des grandes entreprises comptait 487 entreprises. Sur cette cible, 22 rendez-vous ont été obtenus.

Un an plus tard, en 2016, l’action a été réitérée, mais cette fois sur plusieurs cibles : les grandes entreprises (les VIP), les PME et les TPE. À chaque cible, un support de promotion dédié a été conçu, soit : un coffret contenant un carnet de type moleskine décliné en versions premium (cible VIP) et basique (PME) et un dépliant pour les TPE. L’ensemble de ces supports ont été associés à la réalité augmentée. Pour cela, une application mobile a été développée et déposée sur les stores Google play et Appelstore. Afin de visionner les films en réalité augmentée, chaque support proposait le téléchargement de l’application et la lecture numérique du support. Si le DRH jouait le jeu jusqu’au bout en passant son smartphone sur une photo, il pouvait alors voir un commercial sortir du carnet « pour faire connaissance ». Marie-Eve Saint-Cierge d’APICIL affirme que cette campagne de Marketing Direct a permis d’augmenter le taux de rendez-vous de 3 à 5 %. La réalité augmentée a ici été une alternative plus économique à l’écran audiovisuel afin de mutualiser significativement les coûts et d’optimiser le déploiement. « Le coût unitaire du support multimédia intégrant la vidéo est assez conséquent. Nous avons mutualisé le coût des vidéos et de l’application. Ensuite, il n’y avait plus qu’à décliner les supports papier par cible et en fonction du coût unitaire que nous étions prêts à mettre par cible », précise Marie-Eve Saint-Cierge.

Bémol

Dans le cadre d’une opération marketing où le support papier et le média numérique convergent, comment faire pour que le client télécharge l’application mobile spontanément ? Tout l’enjeu est là, car le destinataire doit faire preuve de bonne volonté et passer à l’acte. « En toute honnêteté, toutes les cibles ne sont pas prêtes à s’aligner », avoue Marie-Eve Saint-Cierge. « Mais c’est surtout l’accroche qui va jouer. Au moment de prendre contact avec un prospect, la relation avec le commercial était plus facile même si la cible n’avait pas téléchargé l’application », poursuit-elle. Pour contourner le problème de téléchargement lié à l’appli, il existe une autre technologie alternative : la NFC (Communication en champ proche). Un tag NFC peut être relié à des informations en ligne et être intégré dans un support imprimé. En approchant un smartphone ou une tablette du support connecté, la liaison se fait automatiquement, sans devoir utiliser une application. À ce sujet, le groupe français Koryo, une plateforme de production graphique, fait part de son expérience. Pour la campagne nationale d’une agence immobilière en France, Koryo a réalisé 150.000 flyers connectés via la technologie NFC qui ont été distribués en rue. « Le taux de retour a été de 20 % et il y a eu environ 3.700 connexions spontanées sans téléchargement d’application », dit Jacques Taquoi, directeur associé de Koryo. Si la NFC présente l’avantage d’être automatique, il subsiste néanmoins encore un barrage non négligeable : Apple bloque l’accès à la technologie NFC de ses smartphones, qui est uniquement réservée au paiement sans contact Apple Pay. Pour y remédier, la solution par défaut est d’imprimer un code QR qui doit être flashé par les détenteurs d’un iPhone. Pour ceux qui détiennent un smartphone Android, la NFC est totalement opérationnelle. En raison de la limite liée aux iPhone, il semblerait que les annonceurs préfèrent encore recourir aux applications à télécharger. Corinne Boisseau de La Poste : « Nous avons commencé à travailler avec des acteurs du marché qui intègrent des puces NFC dans le papier. Mais nous éprouvons des difficultés à trouver des annonceurs qui sont prêts à tester cette technologie à grande échelle, même si le taux de retour est bien meilleur. Pour cause, si la cible est majoritairement équipée d’un iPhone, l’annonceur est coincé. » En conclusion : « Nous sommes dans un contexte de démarrage. Il faut créer l’usage. Plus il y aura de produits imprimés connectés, que ce soit à flasher via une application ou avec la puce NFC, plus les usages se créeront et plus les utilisateurs s’habitueront. Car aujourd’hui, quand nous lisons un courrier ou un catalogue, le smartphone n’est jamais bien loin », dixit Corinne Boisseau.

Aurelia Ricciardi

À propos de Créativ’Cross-Média

Créativ’Cross-Média est un salon professionnel dédié aux nouvelles publications multicanal et aux solutions marketing qui allient le Print et le Digital (print, web, smartphone, tablettes, objets connectés, etc.). Le salon est organisé autour de trois axes : la Publication, l’Édition et le Packaging. La 4e édition du salon annuel Créativ’Cross-Média a eu lieu cette année les 29 et 30 mars à Paris. Ce jeune salon professionnel rassemble tous les acteurs de la communication print et digital. Il a rassemblé cette année quelque 70 exposants et 1600 visiteurs issus du secteur de l’imprimerie, du papier, de la publication et du marketing afin d’échanger autour de la communication cross-média.

Quelques prestataires et plateformes dédiés à la communication cross-média

Catalogue augmenté : la réalité augmentée rend ici cliquable les pages du catalogue de cuisine de Darty afin de favoriser le canal d’achat. Les produits sont en effet consultables en ligne.

Onprint

Onprint est une technologie de reconnaissance d’images dont la plateforme d’édition est basée en ligne en mode SaaS. L’application mobile qui peut être personnalisée selon les couleurs de la marque permet de révéler le contenu digital d’un document imprimé en flashant une image avec un smartphone. La société a été fondée en 2013 et est basée à Paris. Elle a d’abord vu le jour dans le monde de l’édition presse et scolaire, mais trouve aussi des applications dans l’e-commerce, le packaging, etc.

SnapPress

SnapPress est une autre application mobile de réalité augmentée qui fonctionne en mode SaaS. Elle permet de révéler le contenu numérique des supports imprimés. L’utilisateur a de plus le loisir de déposer du contenu via ‘le Drop’ qui est accessible à tous les utilisateurs de l’application SnapPress. Le Drop est un commentaire virtuel déposé sur un support visuel (magazine, livres, affiches, emballages, etc.). Les imprimeurs et autres acteurs de la chaîne graphique peuvent insérer de la réalité augmentée dans les supports imprimés avec le Plug-In Adobe InDesign SnapPress Publisher.

Selectionnist

Selectionnist est une application mobile et un site consacrés aux lectrices de presse magazine. Selectionnist permet de retrouver en ligne tous les produits présentés dans les magazines féminins qui ont été pris en photo avec un smartphone. Le but est de créer un pont entre le magazine et les boutiques en ligne afin de transformer les lectrices en acheteuses. Marie Claire, Madame Figaro, Elle, Femme actuelle sont quelques magazines qui ont déjà adopté la technologie.

Paddix

Paddix est une solution de publication cross-média de l’agence Idix. Elle permet de gérer du contenu en version PDF, web, newsletter, print, applicative… en back-office. Il est ainsi possible de convertir du contenu de sites web en contenu « print » avec une mise en page professionnelle automatique en colonne de type magazine. Le logiciel permet également de générer des versions iPad/iPhone. Le plug-in InDesign Paddix offre plus de souplesse dans la mise en forme.