L’impression 3D flirte avec l’art et la communication visuelle

25 mai 2017

Les entreprises graphiques semblent rester frileuses à l’égard de l’impression 3D, estimant que la fabrication additive est un tout autre métier. Il existe néanmoins des débouchés pour les imprimeurs qui s’y intéressent.

  • Affichages promotionnels en 3D fabriqués avec la technologie de Massivit 3D pour l’habillage de véhicules aux États-Unis.

  • Affichages promotionnels en 3D fabriqués avec la technologie de Massivit 3D pour l’habillage de véhicules aux États-Unis.

  • Exposition à la Fespa de cette brique de lait réalisée en fabrication additive avec la Massivit 1800. Celle-ci montre aux fournisseurs d’impression la grande liberté qu’offre la technologie pour créer des applications de pointe et sur mesure.

  • L’œuvre Agrieborz de Nick Ervinck réalisée par fabrication additive via Materialise.

«L’impression 3D, ce n’est pas pour les entreprises graphiques », entendons-nous souvent quand le thème est abordé avec des entreprises d’impression. La technologie a pourtant été l’un des six grands piliers thématiques à la dernière Drupa… Au même titre que l’impression graphique, l’impression écologique, l’impression fonctionnelle, la production d’emballages et le multicanal. Originellement destinée au prototypage rapide de pièces industrielles ou à la fabrication d’objet complexe impossible à réaliser autrement, l’impression 3D s’immisce aujourd’hui dans quasiment tous les secteurs industriels et la production. Y compris dans le domaine de l’art où de nombreux artistes et designers s’approprient la technologie. Mais l’industrie graphique semble plus réticente à embrasser cette technologie, estimant sans doute que le mariage n’en vaut pas la chandelle. Pourtant, quelques tentatives existent et prouvent qu’il est possible de trouver dans la technologie d’impression 3D des affinités pour les imprimeurs 2D.

Massivit3D vise les fournisseurs d’impression

Le constructeur israélien Massivit 3D a particulièrement fait mouche à la Drupa et ne cesse de faire parler de lui ces derniers temps. Massivit 3D est le premier constructeur à se profiler directement sur le secteur graphique en tant que fournisseur de solutions d’impression 3D. En témoigne son site internet qui cible cinq marchés : Impression grand format, Divertissement, Prototypage, Point de vente et Expositions. Le PDG de Massivit 3D, Avner Israeli, est un ancien de l’entreprise Scitex Vision, le fabricant d’imprimantes grand format qui a été racheté par HP en 2005 (HP Scitex). Il possède donc une bonne compréhension du monde graphique. Par ailleurs, Avner Israeli a également passé du temps chez l’Américain Stratasys, un des leaders mondiaux de l’impression 3D. C’est d’ailleurs Stratasys qui a investi dans Massivit 3D en février 2016 dans le but de développer et commercialiser les imprimantes 3D à grande échelle de Massivit. La grande particularité de la technologie Massivit réside dans sa capacité à produire des objets de très grand format. Cette entreprise israélienne a mis au point sa propre technologie d’impression 3D baptisée « Gel Dispensing Printing » (GDP). Pour le moment, un seul modèle d’imprimante 3D existe : la Massivit 1800. Équipée de deux têtes d’impression projetant un gel photosensible, la Massivit 1800 est capable de produire simultanément deux objets 3D. La matière utilisée est instantanément durcie à l’aide d’une lumière UV à chaque application de couche. De ce fait, la plupart des objets n’ont pas besoin d’être nettoyés à la fin du processus de fabrication. La base de l’objet imprimé en 3D étant blanche, l’objet peut ensuite être peint. Avec sa technologie, Massivit 3D vise principalement le secteur de la communication visuelle en offrant des systèmes de production d’objets de grand format pour les lieux de vente, la communication, l’événementiel, les parcs à thème, la signalétique, la décoration, etc.

L’entreprise américaine Carisma Large Format Printing située à New York est une des premières entreprises à avoir intégré la technologie de Massivit 3D. Spécialisée dans l’habillage de bus et de camion, Carisma souhaitait intégrer une dimension tridimensionnelle dans ses activités. Tout a commencé avec un projet de promotion du film Angry Birds pour Sony. Les projets se sont ensuite enchaînés, mêlant à la fois éléments 2D et 3D rétroéclairés. À la question de savoir s’il est difficile pour un imprimeur d’embarquer dans la 3D, Avner Israeli répond : « Cela nécessite un certain mental, quelques compétences supplémentaires et une formation que nous mettons à disposition. » L’investissement dans une Massivit 1800 est estimé à moins d’un demi-million de dollars.

Le luxe et l’art s’emparent de l’impression 3D

Plus récemment, en Australie cette fois, c’est la marque de luxe Louis Vuitton qui a fait concevoir un pop-up store dans un centre commercial de Sydney grâce à la fabrication additive. Pour ce faire, Louis Vuitton a aussi fait appel à Massivit 3D et l’entreprise australienne Omus, spécialisée dans la fabrication additive grand format. La boutique éphémère a été construite en un temps record de deux semaines grâce à deux imprimantes Massivit 1800 et 900 kg de matière pour un volume de fabrication de 180 x 150 x 120 cm. La structure, composée de 48 sections formées par fabrication additive, a été créée en forme de dôme de 9 mètres de large, 10 mètres de long et 2,7 mètres de haut. Trois jours ont été nécessaires pour assembler la structure qui a ensuite été recouverte d’un film argenté du fabricant Avery Dennison. Sur le dôme apparaît le logo de Louis Vuitton en vinyle noir et un éléphant noir imprimé numériquement. Autre exemple qui allie luxe et création artistique : la collaboration entre le producteur de champagne Perrier-Jouët et le designer américain Andrew Kudless afin de promouvoir une collection spéciale appelée Strand Garden. La collection, inspirée de la nature dans l’esprit Art Nouveau, présente une série d’installations imprimées en 3D, dont un seau à champagne. Cet objet a le même aspect qu’un panier tressé et a été réalisé à partir d’un matériau constitué de pépins de raisins secs broyés et d’un liant. En novembre dernier, Perrier-Jouët a réalisé une exposition spéciale au salon DesignMiami 2016. En plus du seau à champagne, l’espace très design présentait également des tables en plastique illuminées réalisées en impression 3D.

Du côté purement culturel, des artistes jouent avec la technologie 3D pour créer des sculptures, des vêtements hors du commun, des objets de décoration ou encore des bijoux originaux. Chez nous, Nick Ervinck en fait partie. Ce jeune artiste originaire de Roulers crée des sculptures en polyester, plâtre, bois et utilise entre autres la technologie d’impression 3D. Il s’exprime également par des dessins, des impressions numériques et des animations vidéo. À côté des créations traditionnelles, Nick Ervinck exploite les possibilités artistiques qu’engendre l’évolution numérique pour explorer le potentiel esthétique de la sculpture. Une de ses pièces emblématiques est l’Agrieborz, une sculpture réalisée en impression 3D avec la technologie SLS (frittage sélectif par laser). Faisant le lien entre l’art et la science, Nick Ervinck s’est inspiré de l’imagerie d’organes humains. Plus particulièrement des recherches du professeur Pierre Delaere de l’Université catholique de Louvain sur la greffe de trachée. Pour matérialiser ses œuvres aux formes complexes, Nick Ervinck collabore depuis 2008 avec l’entreprise Materialise, basée à Louvain.

Les quelques récentes créations exposées ci-dessus montrent que la technologie n’est pas uniquement un phénomène de mode. Pas à pas, elle s’immisce dans les processus de production et dans tous types de domaines. Pour preuve que la technologie se répand, le cabinet américain Gartner, spécialisé dans les études de marché, a livré une première analyse du secteur de l’impression 3D en 2016. Selon Gartner, les ventes d’imprimantes 3D ont été deux fois plus importantes en 2016 par rapport à 2015. Le cabinet voit la croissance du marché particulièrement dans le domaine des imprimantes 3D professionnelles. Il localise cette croissance en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, mais voit aussi la Chine et l’Asie/Pacifique avancer sur ce marché. Pour l’Institut français Xerfi, qui a publié une étude sur l’impression 3D en France et dans le monde en juillet 2016, le marché devrait croître de 25 % par an jusqu’en 2020 et être de plus en plus concurrentiel.

Aurelia Ricciardi

«Imprimer le monde », l’impression 3D s’expose au Centre Pompidou

La Collection « BC-AD » des designers Dov Ganchrow et Ami Drach représente des outils préhistoriques revisités. Les poignées ont été réalisées grâce à l’impression 3D.

Jusqu’au 19 juin 2017 au Centre Pompidou à Paris se déroule l’exposition Imprimer le monde qui propose un regard singulier sur les dernières mutations artistiques. L’exposition se focalise sur l’impression 3D et l’influence qu’elle a dans différents domaines. Le Centre Pompidou propose ainsi une prospective et montre l’interaction des technologies numériques avec la création, notamment dans le domaine de l’architecture et du design. Plus de 30 artistes, designers et architectes y exposent leurs créations imprimées en 3D comme outil critique d’expérimentation. Une approche qui laisse entrevoir comment l’impression 3D influence la production et comment elle a été intégrée au design. Parmi les artistes, on retrouve le designer hollandais Joris Laarman qui a conçu un pont d’acier imprimé en 3D à Amsterdam ; Mathis Bengtsson qui a fabriqué la première table en titane grâce à la fabrication additive ou encore l’artiste Dirk Vander Kooij qui fabrique des objets avec du plastique recyclé.