« La formation, c’est le début de tout »

29 juin 2017

À l’événement Get Smart in printmedia business qui a eu lieu ce 8 juin, les Get Smart Formation Awards 2017 de Nouvelles Graphiques ont récompensé les entreprises du secteur graphique qui ont le plus investi dans la formation de leur personnel. Entretien avec Pascal Genot, secrétaire de Febelgra, qui nous parle du fonds sectoriel CEFOGRAF, de l’importance de la formation pour le secteur et des projets en cours.

  • Pascal Genot, Secrétaire de Febelgra.

CEFOGRAF est le fonds sectoriel des arts graphiques et de l’imprimerie consacré à la Wallonie et Bruxelles. Tout comme son homologue GRAFOC pour la Flandre, le fonds sectoriel apporte un soutien financier lors de l’élaboration d’une politique qualitative et durable en matière de formation et RH.

Parlez-nous du rôle de CEFOGRAF.

PASCAL GENOT : Le fonds sectoriel CEFOGRAF concentre ses moyens financiers sur deux pôles de formation en collaboration avec les entreprises. Il s’agit du Cepegra (Centre de perfectionnement des Arts et industries graphiques) de Bruxelles Formation et du Cepegra de Gosselies. Comme nous sommes en contact direct avec les entreprises et leurs demandes, nous avons la capacité de revaloriser les programmes pédagogiques et d’investir dans les outils d’apprentissage pour que ces centres restent à jour par rapport aux techniques actuelles. Par exemple, une imprimante 3D professionnelle et une HP Latex 360 ont été installées sur le site de Gosselies l’année dernière. Nous offrons également des moyens financiers aux entreprises qui font appel à nous pour les aider à organiser des formations techniques en dehors de ces centres. Par exemple, cela a déjà pu se faire dans le domaine de la prévention et de la sécurité.

Dites-nous plus sur les projets de formation qui ont été soutenus par CEFOGRAF dernièrement. Quelles sont les formations qui préparent aux métiers d’avenir selon vous ?

PASCAL GENOT : En 2016, nous avons poursuivi le virage technologique vers les nouvelles technologies numériques, notamment au niveau de l’impression latex et du car wrapping. Nous avons conclu un accord de collaboration entre le Cepegra Gosselies et le Centre de formation de Houdeng en carrosserie. À présent, le Cepegra Grosselies offre également une formation supplémentaire en car wrapping, qui consiste à appliquer du vinyle adhésif sur des véhicules. Quant aux formations qui préparent aux métiers d’avenir, ce sont celles qui préparent aux métiers tournés vers les nouvelles technologies qui sont soit en essor ou en maturation. Par exemple, je pense que la 3D doit être une technique revenant au secteur. À l’heure actuelle, la conception 3D constitue un atout supplémentaire pour les entreprises graphiques, notamment dans le domaine du marketing où il est possible de proposer des produits intéressants aux clients B2B et aux clients finaux. La technique est porteuse d’avenir pour le secteur graphique aussi bien en prépresse, avec l’évolution des logiciels de visualisation virtuelle en 3D, qu’en impression 3D.

Pourtant les imprimeries se montrent assez réfractaires…

PASCAL GENOT : Je sais, je prêche un peu dans le désert. Mais je sais aussi que c’est typique à notre secteur qui est assez conservateur. Il faut souvent beaucoup de temps avant que les choses ne bougent.

Que deviennent les formations liées aux métiers traditionnels des arts graphiques ?

PASCAL GENOT : Malheureusement, nous constatons une forte chute des candidats dans les formations de conducteurs offset. Les formations existent toujours, mais le taux de fréquentation a diminué. Par contre, le taux d’insertion reste à 75 %, ce qui est énorme quand on sait que le marché économique n’est pas favorable. Cependant, il n’y a pas de création de postes en offset. Les entreprises qui engagent des conducteurs offset cherchent à remplacer une personne qui part à la retraite. Rappelons que nous sommes dans une pyramide des âges inversée.

À l’inverse, il y a beaucoup plus d’afflux dans les formations en prépresse en matière d’imagerie virtuelle en trois dimensions ainsi qu’en impression et finition digitales comme la découpe. Tous les produits de niche comme le packaging, l’ennoblissement, la décoration d’intérieur prennent vraiment le dessus sur le papier traditionnel. On constate de plus en plus un glissement vers toutes ces technologies digitales.

Et qu’en est-il des formations dans le domaine de la finition d’impression postpresse ? Il devient difficile pour les imprimeries de trouver des candidats formés au métier…

PASCAL GENOT : C’est vrai qu’il y a une carence certaine en formation dans le domaine de la finition. Mais cela pourrait changer grâce à un projet qui est en cours d’accord de collaboration. Helio Charleroi a récemment proposé de mettre à disposition du centre de formation Cepegra Gosselies ses chaînes de finition. Les équipements sont relativement récents et il s’agit principalement de plieuses et de machines de reliure qui ne sont plus utilisées. Helio Charleroi aimerait donc les mettre à disposition du centre de formation. Cela nous amènerait finalement à un système à l’allemande de formation interne en entreprise qui est selon moi le meilleur système.

Qu’entendez-vous par là ?

PASCAL GENOT : Quand les travailleurs arrivent en fin de carrière, les employeurs allemands cherchent à sauvegarder les compétences que les travailleurs ont acquises en 40 ans. Ils proposent donc un aménagement de fin de carrière qui permet de transmettre les compétences soit au successeur soit à un groupe de stagiaires ou d’apprentis.

Pensez-vous que les entreprises du secteur graphique investissent suffisamment dans les formations ?

PASCAL GENOT : Non, mais cela tient aussi du fait que la situation économique est morose. Immobiliser quelqu’un pour des heures de formation, même gratuite, qui pourrait être utile sur une machine de production est encore considéré comme une perte. Or, c’est une plus-value pour l’avenir. La formation ne paraît pas prioritaire, car le raisonnement financier se fait à très court terme. Pourtant, le début de tout c’est la formation professionnelle. C’est elle qui apporte des compétences. Et la vraie valeur d’une entreprise se définit par son savoir-faire. Je trouve que l’on ne mise pas assez sur le savoir-faire, mais je peux comprendre que la formation du personnel n’apparaisse pas comme une priorité dans un marché aussi tendu qu’il l’est actuellement. Cela reste néanmoins une erreur. La formation doit être une priorité.

La formation professionnelle semble vraiment primordiale à vos yeux.

PASCAL GENOT : C’est le début de tout. Pour faire du bon travail, il faut des personnes compétentes et si on veut des personnes compétentes, il faut les former. Il est difficile de faire autrement si on veut qu’un savoir-faire soit reconnu sur le marché.

Aurelia Ricciardi