Fake News graphiques

25 janvier 2018

Le monde graphique n’en a pas trop souffert. Mais beaucoup d’autres secteurs ont eu l’an dernier à souffrir de leur lot de fausses nouvelles. Nouvelles Graphiques met un point d’honneur à toujours fournir des informations exactes. Mais pour une fois, nous anticipons les développements et événements à attendre en 2018 à travers le prisme d’authentiques fake news. Et nous allons même jusqu’à parier sur leur degré de plausibilité.

Avertissement : le présent article est truffé de fausses informations, entrecoupées de quelques vœux pieux. Nous aurons retenu une leçon de 2017 : vouloir anticiper en spéculant sur l’avenir a autant de sens que de lancer une boulette de papier dans une plieuse dans l’espoir qu’il en ressorte un livre relié. Il nous a dès lors semblé plus opportun d’imaginer une série de communiqués de toutes pièces pour voir ce qu’il en adviendrait. Il sera naturellement toujours intéressant de vérifier a posteriori s’ils collent à la réalité de cette année à venir. Nous y avons bien réfléchi : le résultat de nos supputations est indiqué sur le FakeOmètre - mais vous pouvez tenter votre propre pronostic.

La Belgique en noir-jaune-rouge

Jamais notre Onze national ne s’est envolé pour une Coupe du Monde de football avec un tel capital de confiance. Non seulement les assists de Kevin de Bruyne semblent venus d’une autre planète, mais les autres joueurs aussi paraissent solides comme le roc. Et entre-temps nos voisins du Nord ont dû renoncer sans gloire. Pendant la Coupe du monde en Russie, aucune trace d’orange n’est perceptible dans les rues aux Pays-bas. C’est qu’à défaut d’être bons footballeurs, les Néerlandais s’y entendent généralement pour décorer l’espace public. Mais cette fois le cœur n’y est pas.

Nous, les Belges, étions jusque-là plus discrets. Lors des grands tournois, les Diables Rouges devaient surtout se contenter de nos meilleurs vœux de réussite. Il en va autrement cette année. Parce que l’équipe nationale semble inébranlable et qu’elle a toutes ses chances. Les villes et les villages se parent de noir, de jaune et surtout de rouge. Cette fois, c’est la bonne. Pendant que les Diables sont occupés à se frayer un chemin jusqu’en finale, nous achetons des imprimés en masse. Fanions, tee-shirts, affichettes et numéros spéciaux de magazines, il faut bien les fabriquer - faites tourner les presses !

La sécurité informatique, priorité des entreprises graphiques

Les dépêches sur les cyberattaques l’an dernier ont eu de quoi inquiéter. Nous savions déjà que des élections, des administrations et des banques pouvaient être piratées. Voilà que désormais les petites et moyennes entreprises deviennent aussi la proie des criminels d’Internet. La menace se rapproche. Si l’on n’y prend garde, on risque de retrouver son réseau informatique verrouillé par des malandrins, et seul le versement d’une rançon en Bitcoins permettra de libérer l’accès aux données.

Et ce n’est qu’un début, car l’essor de l’Industrie 4.0 (Internet des objets) rend les entreprises beaucoup plus vulnérables encore. En plus d’être couplés les uns aux autres, les machines hypermodernes et les systèmes d’information de gestion sont également connectés à Internet. Prions pour que les détrousseurs ne trouvent pas la faille. Car une fois un accès électronique ouvert à la presse, les carottes sont cuites.

Les entrepreneurs belges prennent heureusement cette actualité très au sérieux, et ils ont commencé à se protéger. « Je comprends que je dois mettre mes données à l’abri et aussi celles de mes clients. Celles-ci ne peuvent jamais être dévoilées au grand jour. Je n’ose imaginer les conséquences si ces fripouilles parvenaient à prendre le contrôle de ma presse pour l’immobiliser à distance », disait un patron désireux de conserver l’anonymat.

Poussées par les derniers développements, les entreprises cherchent des alternatives dans les systèmes (open source) permettant de garantir un trafic Internet et e-mail plus sûr - et moins cher. L’entrepreneur anonyme : « Quelle inconscience de nous être cantonnés à un seul système d’exploitation pendant toutes ces années. »

La Belgique, nouveau jardin expérimental dans le domaine graphique

Eût-il pu en être autrement ? Le pays qui a vu naître le Ghent Workgroup, le VIGC, Xeikon, Esko, Enfocus, Agfa, Chili Publish et bien d’autres entreprises novatrices, apparaît aux yeux du monde comme un lieu idéal d’expérimentation en matière d’innovation graphique. Une évolution qui s’explique par les développements du marché.

Pour toucher un consommateur saturé par les canaux numériques, on redécouvre les bienfaits d’une communication sur papier. Les entreprises misent de plus en plus sur l’imprimé pour gagner la confiance des gens. Dans leur quête de produits qui collent au ressenti du consommateur, les professionnels du marketing et de la communication des pays étrangers sont toutefois de plus en plus souvent déçus par leurs fournisseurs.

Ils sont demandeurs de petits tirages d’imprimés variables de qualité prévisible. Ce qui suppose un flux de production à la fois intelligent et flexible. Les Belges ont la réponse : le print on demand, en bon français. Nous avons le logiciel, le savoir-faire et la flexibilité nécessaires pour trouver une solution à tous les besoins. D’où l’intérêt croissant des investisseurs étrangers pour notre secteur graphique. La Belgique devient un pays d’expérimentation graphique et de concepts marketing innovants.

L’inkjet, c’était du toc

On nous mène tous en bateau ! Grâce aux Inkjetpapers, une collection de documents publiés dernièrement sur Wikileaks, le soufflé du jet d’encre a fini par retomber. « Nous avons pu mettre la main sur une colossale base de données d’échanges confidentiels », fait savoir le site Web qui avait en son temps défrayé la chronique par ses révélations sur les paradis fiscaux et les services secrets.

La technique tellement encensée du jet d’encre ne mène à rien. Le seuil de rentabilité a été manipulé sur la base d’informations tronquées distillées par des hackers russes. Les rapports des centres d’études n’étaient qu’une couverture destinée à masquer l’échec des départements R&D des fournisseurs graphiques.

Cette gigantesque opération d’enfumage a été mise au point jusque dans ses moindres détails par les constructeurs coalisés. Les presses jet d’encre en démonstration dans les salons crachaient en fait des feuilles préimprimées en offset. Cette découverte explique notamment la raison de leur étrange ressemblance. Ces machines ne sont à peu de choses près rien de plus que de grosses armoires cachant une bande transporteuse. Il apparaît d’ailleurs a posteriori que beaucoup d’entre elles n’étaient en fait que des hologrammes en 3D. Lors de sa présentation à la Drupa, tout le monde aura pu voir à quel point Benny Landa était un maître de la vidéo. Et les directions des prétendus sites bêta sont toutes mouillées dans la combine.

Toutes les pièces du puzzle se mettent en place. Nous aurions naturellement dû nous en douter. Si les promesses du jet d’encre étaient réellement crédibles, voilà belle lurette que le marché aurait massivement opéré la transition. Tout le monde souhaite en effet pouvoir produire des imprimés variables ou au minimum de courts tirages. La demande d’imprimés personnalisés existe depuis des lustres. Et pourtant les cas pratiques se comptent sur le bout des doigts. L’industrie graphique n’en est toutefois pas au bout du scandale. Wikileaks annonce le chapitre suivant de cette dramatique saga. Des documents seront bientôt mis en ligne, qui prouvent que les presses offset aussi sont une pure invention des fabricants. Tous nos imprimés n’ont en fait jamais cessé d’être produits en typo. On connaît maintenant le pourquoi de la présence de presses à platine dans tant d’imprimeries.

Explosion de la demande d’infographistes

Le département prépresse reste le secret le mieux gardé de l’entreprise graphique. La direction considérait jusqu’il y a peu l’homme ou la femme devant son Mac comme un personnage falot juste bon à générer des PDF, replacer une photo sur une page, voire pour les rares exceptions, concevoir un logo. La réalité est naturellement tout autre. Tout qui a un peu suivi les développements des dernières années dans le domaine des logiciels créatifs, sait que dans chaque infographiste se cache un énorme potentiel en termes de fabrication de médias et de fidélisation de la clientèle.

Petite explication pour ceux qui évitent l’écran autant que possible. Ces dix dernières années, il est sorti tellement de logiciels créatifs abordables (parfois gratuits) et conviviaux, que l’infographiste lambda est aujourd’hui en principe capable de piloter une imprimante 3D, monter un film hollywoodien, développer des applis et des sites Web, produire des images pour le multimédia et les réseaux sociaux, et bien d’autres choses encore. On comprendrait mal que toutes ces possibilités ne soient pas exploitées, non ?

De plus en plus d’entreprises graphiques découvrent depuis quelques années que leurs clients, en plus des imprimés, ont un grand besoin de moyens de communiquer toujours plus nombreux. Et ils n’ont aucune envie de devoir entretenir des contacts avec plusieurs fournisseurs pour composer leur mix de communication. Ils préfèrent un guichet unique : vous. Mais qui, chez vous, va savoir créer un GIF animé respectant l’identité graphique du commanditaire ? Qui va veiller à ce que chaque photo soit livrée automatiquement en plusieurs versions, compatibles respectivement avec une impression papier ou un affichage sur Facebook, Twitter et LinkedIn ? Qui va monter les extraits vidéo fournis pour en faire une flamboyante présentation d’entreprise à diffuser sur la chaîne Youtube du client ? L’infographiste entre en scène…

Laissez lui quelques minutes pour comprendre comment ça marche. Avec toutes les vidéos d’instructions et les manuels disponibles gratuitement en ligne, il ou elle y arrivera généralement sans problème. Rien n’arrête ces nouveaux héros de l’entreprise. Sauf qu’ils n’ont plus le temps de faire le café, bien trop occupés qu’ils sont à livrer leur valeur ajoutée.

Finis les prix cassés

Le marché a enfin trouvé son équilibre. À présent que les coups les plus rudes sont derrière elle, le temps est venu pour l’industrie de retrouver une nouvelle sobriété. Désormais, le facteur déterminant pour le prix demandé n’est plus le tarif du voisin, mais la valeur ajoutée. En 2018, les entreprises vont (de nouveau) se concerter avec leurs clients pour créer des produits uniques - et ce qui est unique ne se concurrence pas.

Cette évolution est perceptible partout dans l’industrie manufacturière occidentale. Les tirages diminuent, les délais de mise sur le marché raccourcissent et la demande de produits distinctifs monte en flèche. Commander de tels produits sur une boutique en ligne n’a rien d’évident, et donc les entreprises vont parler avec leurs clients pour que chacun puisse y trouver son compte. Le client peut indiquer précisément comment il souhaite se démarquer, et le professionnel sait exactement comment concrétiser sa vision. Ce qui implique davantage de fidélisation du client et d’innovation commune, et allège la pression sur le prix.

Grâce aux progrès techniques des dernières décennies dans le domaine graphique, il n’est plus tellement difficile de réaliser des imprimés sur mesure. Une fois lui-même mis au fait de tout ce qui est possible, le client se laisse lui-même gagner par l’enthousiasme.

Le marketing de l’expérience, qui met l’accent sur le vécu du produit, est une tendance à l’œuvre depuis des années. Les produits graphiques sont un formidable complément et parfois même une alternative à la froideur des développements numériques qui donnent le ton depuis tout un temps.

Alex Kunst