Chances de succès

25 janvier 2018

S’engager dans de nouvelles voies ou poursuivre en terrain connu ? Créer des ouvertures ou consolider ses positions ? Les chefs d’entreprises graphiques sont constamment en quête de possibilités de croissance et débouchés d’avenir. Suggestions de Nouvelles Graphiques : restez ouverts aux opportunités et ne dites jamais « non » a priori aux marchés de niche.

Joost de Haas, CEO de l’imprimeur Roto Smeets, intégré depuis un an au groupe européen CirclePrinters, a accordé un entretien au Financieel Dagblad, fin de l’année dernière. Il y partageait sa vision sous un titre éloquent : « Roto Smeets ne peut survivre qu’en créant la pénurie ». Morceaux choisis : « Nous sommes dans un marché de surcapacité. Les prix sont en permanence sous pression. La solution : faire en sorte que la capacité soit rare. » Ce pour quoi il y a lieu d’évacuer des capacités d’impression du marché à travers des acquisitions et ne plus investir dans des machines neuves, toujours plus grandes. De Haas avait déjà confié voici quelques années vouloir être « le dernier des Mohicans » dans cette « industrie en déclin ».

À côté de ce sombre scénario à la Roto Smeets, il existe heureusement d’autres manières aux perspectives quelque peu plus riantes. Par exemple : continuer de desservir votre marché actuel (fût-il en contraction), tout en cherchant des possibilités d’exploiter votre capacité au profit d’un autre public. Ou surprendre votre clientèle existante avec des services et produits innovants.

Une chose à avoir toujours à l’esprit : ce n’est pas qu’une question de volumes ; le mot « tirage » n’est pas nécessairement et loin s’en faut, synonyme de « lucratif ». Une autre réalité est à tenir à l’œil : « l’impression numérique » (toner et inkjet) a pris à son compte 2,9 % du volume d’imprimés total dans le monde en 2017. Ce qui en même temps, a représenté 16,2 % de la valeur totale de ce volume. En d’autres termes : ce n’est pas le nombre de feuilles sorties de votre presse qui fait votre chiffre d’affaires, mais la valeur de chacune d’entre elles. Exercice qui apparemment convient mieux aux presses numériques qu’aux conventionnelles – non par pénurie de capacité, mais plutôt probablement parce que les possibilités sont infinies.

Retour du vinyle

En fin connaisseur du secteur, le Dr Joe Web a probablement raison de mettre les entreprises graphiques en garde contre les chiffres un peu trop ronflants qui circulent autour du « retour du vinyle ». Et de brandir un graphique montrant la croissance explosive des ventes de 33 tours, passées de 900 000 en 2006 à 17,2 millions en 2016. Mais, fait-il remarquer, le comparatif ne montre que les millésimes les plus récents. Il fait ainsi l’impasse sur 1977, année record où pas moins de 344 millions de LP se sont écoulés. Il conclut : « Ne tombez pas dans ce piège. Le marché du LP ne représente rien. » Conseil à méditer. Du moins si vous aviez l’intention de vous lancer corps et âme dans la production de pochettes de disques.

Mais voyons-le sous un autre angle : en cette époque où chacun a pris l’habitude d’écouter ses playlists personnelles en streaming, il se publie toujours plus de 33 tours. Et pas uniquement des rééditions nostalgiques d’albums légendaires, comme « Their Satanic Majesties Request », des Rolling Stones. Une version spéciale a été mise sur le marché l’an dernier à l’occasion du cinquantième anniversaire de la sortie de l’album. Celle-ci contient deux LP, deux CD, un livre-photo d’une vingtaine de pages, et sur la pochette (numérotée), une reproduction de la photo lenticulaire en relief de l’original. Un authentique collector proposé aux fans pour la modique somme de 90 euros.

Les artistes ne dédaignent pas non plus de produire leur dernier opus en microsillons – on pense, par exemple, à l’album tant attendu de U2 sorti l’an dernier en double LP sur vinyle bleu. Cette même musique peut alors coûter plus de deux fois plus cher que le CD. Conclusion évidente : il existe un public prêt à rétribuer la valeur ajoutée. Vous n’avez peut-être que peu, voire pas de donneurs d’ordres dans l’industrie du disque. Vous pourriez donc sereinement ignorer cette tendance – ou frénésie passagère, comme on veut. Mais ce serait potentiellement une occasion manquée. Pourquoi quelqu’un ne pourrait-il pas, par exemple, avoir l’envie de glisser un tel LP dans une pochette au design personnalisé ?

Plus fort encore : des entreprises comme Vinylify offrent la possibilité de transférer sa propre sélection de MP3 sur vinyle et de faire presser ce LP en tirage limité (et même à un seul exemplaire). Et ce disque unique mérite bien évidemment une pochette sortant de l’ordinaire. Idem pour l’étiquette. Et le livret.

Choisissez vos créneaux

Pas convaincu par le créneau du vinyle ? Vous avez sans doute raison. Reste que le principe sousjacent est applicable à de multiples marchés. Songez par exemple à la possibilité de fabriquer des étiquettes en quantités réduites. De quoi accompagner le succès des microbrasseries, avec leurs bières spéciales ou de saison. Ou tentez de reproduire le succès de l’éditeur Panini. La hausse de ses ventes d’autocollants et albums de footballeurs autour de l’Euro 2016 lui a valu de quadrupler son chiffre d’affaires. Une telle action n’est-elle pas réalisable par vous au niveau local ?

À la fin de l’année dernière, Trends Top Marketing signalait un regain remarquable du mailing. Les volumes d’envois publicitaires adressés par la poste recommencent à augmenter. Problème : l’expertise à ce niveau s’est évaporée. Que ce soit dans les agences de publicité et de communication ou chez les clients, on a tout misé ces dernières années sur le marketing digital. Mais voilà qu’aujourd’hui, la législation européenne sur la protection des données (RGPD) durcit les règles en matière de communication numérique pour les entreprises. Celles-ci devant au préalable obtenir l’autorisation expresse du destinataire (« opt-in »), l’imprimé adressé en est venu à occuper une position d’exception. Toutes les chances sont donc de votre côté pour profiter de la situation. Notre conseil : permettez aussi au petit détaillant de communiquer de manière très ciblée, personnalisée et efficace avec la clientèle de son commerce local.

Toucher un nouveau public

Vous ne disposez pas en interne de la presse nécessaire pour desservir ces marchés de niche ? Ou vous n’avez pas les bons commerciaux ? Ces nouveaux marchés vous sont totalement étrangers, ou vous ne savez pas comment vous y prendre pour atteindre ce public ? Recourez à une technologie déjà largement appliquée, mais qui reste à découvrir par bon nombre d’entreprises graphiques : la mise en place d’un canal de vente via une API.

Nous devenons peut-être un peu plus techniques. Mais poursuivez votre lecture ; elle en vaut vraiment la peine. Une API (Application Programming Interface ou interface de programmation) réalise l’interconnexion entre un programme informatique et un autre. De quoi faire en sorte, par exemple, que les commandes d’imprimés qui rentrent par un site Web soient automatiquement traitées dans le système d’information de gestion (MIS). L’API va en même temps extraire les prix précalculés du MIS, pour les afficher sur le site Web.

Très pratique pour une boutique en ligne, mais une pléthore d’autres applications sont aussi envisageables. Vous pouvez ainsi mettre une API à la disponibilité d’un illustrateur, afin que ses clients puissent commander des cartes-vues ou des posters via son site. Celles-ci seront ensuite imprimées à la demande par vos soins (ou par un spécialiste) et expédiées. Vous pouvez aussi proposer à vos clients d’établir une connexion via l’API avec leur propre appli. Ils pourront alors commander toutes sortes de produits dont vous pouvez prendre l’impression en charge, directement ou par un sous-traitant.

Canal de vente supplémentaire

Pour peu qu’un certain nombre de clients se mettent à utiliser de telles applications d’impression, votre chiffre d’affaires peut à la longue devenir confortable. Il ne manque pas de sites Web, youtubeurs et développeurs d’applis populaires qui seraient intéressés à vendre en marge des imprimés relatifs à leur cœur de métier. Et nul besoin de lancer un commercial sur les routes pour vendre du papier. Tout le travail est assuré par les sites Web et les applis de vos clients. À vous toutefois de veiller à automatiser votre production du mieux possible. Pour que le plus grand nombre de commandes puisse parvenir à votre presse (numérique) sans intervention humaine. Une bonne raison donc de vous lancer sans attendre dans l’optimisation de votre flux de production.

La condition sine qua non est bien sûr la préexistence d’une API susceptible d’être proposée à vos clients. Ce qui explique d’ailleurs la réticence de la plupart des entreprises graphiques à franchir le pas ; l’informatique leur donne trop souvent la migraine. Mais il n’est pas nécessaire de savoir programmer ni d’engager un informaticien. Vous pouvez parfaitement commencer avec des API existantes d’autres fournisseurs. Il en existe plusieurs sur le marché qui sont spécialisées dans l’imprimerie. Une fois le chiffre d’affaires devenu suffisant, il sera toujours temps d’en (faire) développer une vous-même.

Opportunités

Des opportunités se manifestent dès que le marché commence à s’intéresser à un nouveau développement, qu’il réagit tardivement à une tendance ou qu’il n’a simplement pas envie de l’approfondir lui-même. Ce qui est dommage, mais présente un avantage : rien ne vous empêche d’en faire vous-même un succès.

Ed Boogaard