2018, année sans salon graphique

25 janvier 2018

Il faudra aller loin pour visiter un grand salon graphique cette année. Rien d’intéressant n’est en effet organisé dans les environs immédiats. Dommage à première vue, mais il y a un bon côté. Celui de laisser le temps de respirer, pour se concentrer sur le cap à insuffler à l’entreprise.

Le calendrier événementiel de cette année est étonnement vide. Que ce soit chez nous ou dans les pays limitrophes, peu de choses seront à découvrir sur le front des salons dans le domaine graphique. Voici une bonne année et demie, nous pouvions encore puiser l’inspiration auprès de Get Smart in Printmedia Business, qui avait su titiller l’intérêt des visiteurs avec autre chose que des machines. La prochaine édition est hélas pour 2019.

La Drupa, c’est en 2020 et l’Ipex ne rouvrira ses portes qu’en 2019. Le pèlerinage quadriennal à Düsseldorf est déjà inscrit à l’agenda de beaucoup, mais le rendez-vous de Birmingham attirera bien moins de monde. Comme l’on s’y attendait, Ipex 2017 a définitivement été dégradé au rang de foire régionale. L’organisation ne fait d’ailleurs pas grand-chose pour sauver les apparences. La prochaine édition n’est même pas encore annoncée sur le site Web du salon britannique. Quant à la rétrospective 2017, elle laisse sur sa faim. À peine une courte vidéo de la première journée. Ipex n’est même pas arrivé à rendre compte des autres jours.

Bref, l’offre est chiche, même dans les marchés de niches. Le Labelexpo de Bruxelles, en septembre dernier, valait certainement la visite, mais l’événement ne revient qu’en 2019. Pour un grand salon graphique, il vous faudra prendre un ticket d’avion et traverser l’océan. Mais vous avez encore tout le temps d’y réfléchir : le Graph Expo de Chicago n’ouvre ses portes que le 30 septembre. All in Print China commence le 24 octobre, mais ce n’est pas tout près non plus.

FOMO

Si les salons et événements graphiques sont souvent une source d’inspiration, commencer une nouvelle année avec un agenda vierge a aussi quelque chose de rafraîchissant. 2018 sans salon, c’est toute une période qui s’ouvre, emplie de possibilités et d’occasions de prendre l’initiative. Une année entière sans être distrait par des démonstrations de machines rutilantes et leur cortège de superlatifs ronflants.

Les moments-champagne sur les stands des fournisseurs vont peut-être vous manquer. Les exposants créent ainsi l’impression que leurs clients viennent de faire l’acquisition sur place d’une presse ou d’une chaîne de brochage. Mais en réalité, de tels deals sont l’aboutissement de longs mois de négociations. Signer le contrat pendant un salon est peut-être bon pour la publicité, mais il ne s’agit en aucun cas d’achats d’impulsion.

La bonne nouvelle est que cette année ne vous laissera pas pour autant le loisir de vous ennuyer. Toutes sortes d’invitations à des rencontre-réseaux vous parviendront sans nul doute dans les semaines qui viennent. La question est de savoir si vous devez vous y rendre. On peut facilement se passer un temps de séminaires animés par des vedettes de la télévision, des gourous du management ou des sportifs venus prêcher en chaire une vague rhétorique de gestion. Combien de citations d’Albert Einstein, Winston Churchill ou Steve Jobs un individu se doit-il de supporter ? Tout bien considéré, aucune ne vous fera avancer d’un pouce.

Et les raisons d’éviter temporairement de telles réunions ne manquent pas. Lors d’un événementréseau graphique, vous parlez surtout à des collègues-concurrents et à des fournisseurs de machines, de papier et autres consommables. Ceux-ci font de leur mieux pour ne pas laisser paraître le fond de leur pensée, et probablement essaient-ils de vous vendre quelque chose.

Le réseautage au sein de la branche peut naturellement être important pour vos affaires. Nouer des contacts n’a d’ailleurs souvent rien de désagréable. Une autre raison qui nous pousse à nous réunir sans cesse entre gens du même monde a été bien décrite sous l’acronyme anglais FOMO (fear of missing out). Cette peur infondée de manquer quelque chose d’important est le secret du succès des médias sociaux, des onéreuses invitations VIP au golf, et cerise sur le gâteau, de ces fameux événements réseaux. Ce qui n’a rien de répréhensible en soi, si ce n’est que toute l’attention que vous accordez à vos pairs n’est pas consacrée à de nouvelles opportunités d’affaires.

Nouveaux contacts

Le phénomène FOMO est de nos jours surtout considéré comme un problème chez les plus jeunes indécrochables de leur smartphone. Instagram, WhatsApp, Snapchat et Facebook accaparent toute leur attention. Mais s’agissant de vos clients, la crainte de passer à côté de quelque chose peut être un ressort positif. Prenez le pli cette année d’aller réseauter en dehors de l’industrie graphique. Par exemple, dans des endroits fréquentés par des clients potentiels.

Vous saurez mieux ainsi comment le monde tourne. Peut-être le connaissez-vous comme votre poche, mais si ce n’est pas le cas, googlez des expressions comme « creative event » ou « marketing event », par exemple. Ou rendez-vous à des événements dont vous pensez que vos clients actuels vont y participer. Si votre donneur d’ordre s’intéresse à l’imprimé, c’est probablement aussi le cas de ses concurrents.

Peut-être serez-vous un peu mal à l’aise au début. Un événement en dehors de la branche graphique, vous ne risquez pas d’y croiser beaucoup de connaissances. Mais vous découvrirez vite que les professionnels du design, du marketing et de la communication sont aussi des gens comme les autres. Quoi qu’il en soit, vous n’avez rien à perdre. Même une banale ouverture comme « vous venez souvent ici ? » peut être l’amorce d’une discussion intéressante. Et si la conversation tourne court, il ne vous reste qu’à saluer votre interlocuteur et à prendre congé. On ne sait jamais où chaque nouveau contact peut nous mener.

Ne vous laissez pas intimider si le thème de la rencontre tourne autour du « digital » ou du « online ». Ces sujets sont devenus monnaie courante. Les professionnels qui utilisent les canaux numériques ont eux aussi tôt ou tard besoin de l’imprimé. Ils sont même souvent sans le savoir à la recherche de solutions que vous pourriez leur offrir. C’est simplement qu’ils ignorent tout ce qui est possible.

Visiter un salon d’un secteur avec lequel vous n’avez absolument aucune affinité n’est peut-être pas non plus une mauvaise idée. Histoire de prendre le pouls des évolutions en cours. Les défis rencontrés dans les différentes branches d’activité sont souvent similaires. Mais peut-être pas les solutions imaginées pour y répondre. Voilà une belle façon d’aller littéralement réfléchir « hors du cadre ».

Reality check

La période est propice aux questions de fond. Qu’est-il ressorti de toutes les promesses faites au fil des salons de l’année écoulée ? Les fournisseurs étaient-ils dans le vrai lorsqu’ils parlaient des développements du marché ? Les moyens de production hypermodernes répondent-ils vraiment aux attentes ? Toutes les nouvelles machines annoncées ont-elles réellement vu le jour ? 2018 est l’année du retour sur terre.

Une année sans salon est une belle occasion de vérifier si votre parc de machines donne bien tout ce qu’il a dans le ventre. La question cette année n’est pas de savoir ce que votre concurrent obtient de son équipement, mais ce que vous faites du vôtre. Votre offre colle-t-elle encore suffisamment aux besoins du marché que vous desservez ? Peut-être devez-vous investir dans du matériel ou logiciel qui soit mieux adapté à un nouveau modèle économique, ou qui vous permette simplement de tenir le niveau. En participant à des événements que vos clients trouvent intéressants, vous vous faites une image plus claire de la situation.

Et une fois celle-ci bien cernée, un autre avantage d’une année sans salon pointe : les fournisseurs de l’industrie graphique conservent du budget pour organiser quelque chose de leur côté. Une journée portes ouvertes est souvent une bonne occasion de se plonger plus profondément dans le sujet que lors d’un salon professionnel. Les événements organisés par les fournisseurs présentent l’avantage de permettre une approche plus ciblée, débarrassée de toutes les manœuvres de diversion inhérentes aux grandes expos.

Travail d’équipe

Le moment est venu de faire une mise au point sur votre entreprise. Vous avez le loisir toute une année durant d’observer les évolutions à distance. La tentation de dépenser des sommes considérables est plus faible que jamais. Plutôt que de vous focaliser sur tel nouveau développement ou sur la énième innovation révolutionnaire, vous avez l’occasion de vous pencher sur votre production propre et d’y réfléchir avec vos collaborateurs. Un personnel bien formé et motivé est encore et toujours une condition de succès. Il a lui aussi souvent d’excellentes idées sur des moyens d’améliorer la production, et pour cause, il est tous les jours plongé dedans. Même si la collaboration est bonne, il y a toujours une manière de rendre une équipe plus efficace. Si l’expression peut paraître bizarre, un processus « d’innovation sociale » peut faire gagner de l’argent tout en rendant le travail plus agréable.

Enfin, la période qui s’annonce est propice à réflexion sur le style de management et la manière dont l’organisation est conçue. Un sujet sur lequel il est rare de trouver de bonnes informations dans les salons. Peut-être est-ce le moment de bien étudier ce que le « lean management » implique réellement et s’il peut apporter quelque chose pour vous. Ou de se renseigner sur le modèle méthodologique de recherche-design (Design-based Research), un concept qui fait fureur dans les grosses boîtes.

Voilà donc de quoi amplement noircir les plages vides de votre agenda. Avec un peu de chance, vous en aurez appris davantage d’ici fin 2018 sur votre entreprise et les nouvelles opportunités de marché qu’au cours d’une année remplie de salons et d’événements-réseaux. Gageons que votre bloc-notes débordera alors de nouvelles questions. Que vous pourrez poser à loisir lors des expos visitées en 2019.

Alex Kunst