Les axes de diversification pour les imprimeurs de labeur
25 janvier 2018
La conjoncture vous semble morose ? En tant qu’imprimeur de labeur, étendre son champ d’action et évoluer vers de nouveaux marchés peut être la clé du succès. Comment ? Voici quelques axes de diversification envisageables pour trouver de nouvelles opportunités de croissance.
“L’imprimé seul ne suffit plus », disait Thierry Paquit d’Identic dans le numéro 9 de Nouvelles Graphiques en 2017 (novembre). Identic expliquait alors sa stratégie fructueuse de développement en tant qu’imprimerie vers le web (création de webshops, campagnes sur les médias sociaux, entretien de blogs, etc.). Comme Identic, face à la dématérialisation de certains supports et la baisse des tirages, les petites imprimeries traditionnelles ont intérêt à imaginer leur futur en développant de nouveaux marchés hors du tout print ou dans les métiers connexes de l’impression.
Le web-to-print
Aujourd’hui, il existe sur le marché une multitude de solutions web-to-print pour les professionnels de l’industrie graphique qui permettent de vendre des produits imprimés aux clients professionnels ou particuliers. La vente en ligne permet d’atteindre des clients potentiels en dehors de sa zone géographique et d’élargir ainsi sa zone de chalandise. Dans cette optique, il convient d’établir une bonne stratégie marketing tournée vers le service B2B ou la vente grand public et de prévoir le capital humain nécessaire pour la vente en ligne. Le web-to-print simplifie d’une part l’acte d’achat des clients b-to-c et offre un confort pour les entreprises qui souhaitent rationaliser leurs impressions.
L’e-commerce belge, y compris mobile, ne cesse de croître. Plutôt que d’ignorer ce phénomène, le secteur de l’impression peut en tirer profit. 7,35 milliards d’euros, c’est le montant des dépenses en ligne des Belges durant la période de janvier à septembre 2017, soit 10 pour cent de plus par rapport à la même période en 2016. Et on s’attend à passer le cap des 10 milliards d’euros de dépenses avec les achats de fin d’année. Selon Be-Commerce, les achats en ligne au moyen du smartphone ou de la tablette restent populaires et continuent à gagner en importance. Un Belge sur cinq (22 %) a effectué au minimum un achat en ligne à l’aide d’un smartphone au troisième trimestre 2017 et 15 % au moyen d’une tablette. A la même période en 2016, les Belges étaient 16 % à avoir effectué un achat en ligne à l’aide d’un smartphone. Outre la possibilité de vendre des imprimés en ligne, ces chiffres montrent aussi à quel point les technologies marketing qui permettent de passer du print à l’online peuvent être utiles pour attirer les consommateurs. On pense ici aux outils comme les codes QR, toujours en vie, et la réalité augmentée. Les supports imprimés ont un véritable rôle à jouer dans la promotion des ventes en ligne.
Le grand format
Le marché de la communication visuelle et la signalétique est un domaine en expansion qui offre un fort potentiel de croissance aux imprimeurs commerciaux. Globalement, le marché de l’impression grand format devrait passer de 8,37 milliards de dollars en 2017 à 10,59 milliards de dollars en 2023, avec un taux de croissance annuel moyen de 4 % entre 2017 et 2023. Telles sont les prévisions mondiales d’ici 2023 pour le marché des imprimantes grand format d’après le rapport de Research and Markets. Le rapport se base notamment sur les ventes d’une vingtaine de fabricants comme Canon, HP, Epson, Mutoh ou encore Ricoh.
Les applications pour les points de vente est l’un des meilleurs moyens de pénétrer le marché de l’impression grand format. Cela comprend les affiches (éventuellement rétroéclairées), les bannières, la vitrophanie et les revêtements de sol ou muraux graphiques. Les tendances sont aussi à l’association d’affiches grand format intégrant des technologies numériques (interactivité, écran vidéo…).
Financièrement, les équipements de base pour se lancer dans le grand format nécessiteront des investissements plus faibles que dans le labeur. Il faudra alors savoir comment se positionner : traiter uniquement la partie impression d’une variété d’applications grand format ou proposer aussi un service de pose ?
La décoration
Le bureau d’études Smithers Pira souligne les opportunités qu’offre le secteur de la décoration d’intérieur pour les applications imprimées.
On parle ici de l’impression pour la décoration des meubles et des revêtements des sols et murs. Imprimer le même motif sur du papier en très long tirage se fait généralement en héliogravure. Le papier peut ensuite subir un traitement spécial pour créer des matériaux stratifiés. Cependant, l’impression jet d’encre se répand de plus en plus pour certains projets sur mesure. Une récente étude de Smithers Pira indique que la valeur du marché de la décoration et de l’impression des stratifiés augmentera d’un taux de croissance annuel moyen d’environ 4 % jusqu’en 2022 pour atteindre 19,6 milliards de dollars. Dans ce domaine d’applications, Smithers Pira pointe l’émergence d’opportunités de niche dans l’horeca. Avec l’utilisation généralisée des avis en ligne des clients (ex. TripAdvisor), les hôtels cherchent de plus en plus à proposer une expérience nouvelle. Les hôtels prétendent ainsi réduire le cycle de rénovation de sept à cinq ans, ce qui peut stimuler le marché de la décoration imprimée. La croissance constante du marché des décors et stratifiés reflète par ailleurs la demande de consommateurs plus aisés pour des intérieurs plus agréables. Il y a une croissance dans les bâtiments institutionnels et de bureaux (public/privé), où les organisations ont besoin d’une image de marque.
L’impression textile
Toujours selon Smithers Pira, le marché mondial des textiles imprimés est estimé à plus de 32 milliards de m2 de production par an. Dans le monde de la mode, on voit apparaître le phénomène de « fast-fashion » qui consiste à produire et diffuser le plus rapidement possible les nouvelles collections. Ce ne sont plus deux collections annuelles qui sont mises sur le marché, mais bien plus. Le but étant de traduire les tendances perçues de la mode à un instant précis, en proposant à la vente des produits représentatifs et accessibles pour inciter le renouvellement perpétuel de la garde-robe. Cela implique une réactivité maximale de la marque, une souplesse du processus de production et des logistiques à flux tendu. Parallèlement, l’impression jet d’encre devient de plus en plus importante, étant la seule technologie capable de rendre les chaînes d’approvisionnement plus flexibles. Une chaîne de prêt-à-porter comme Zara, qui possède en interne les ateliers d’impression numérique, fait bon usage de ces possibilités. On voit aussi apparaître sur le marché de plus en plus de services de création en ligne de t-shirts personnalisés. Depuis 2012, le marché des textiles imprimés en numérique a progressé de 351 % pour atteindre plus de 1,1 milliard de dollars en 2017. A l’horizon 2022, Smithers Pira prévoit encore un taux de croissance annuel de 14,3 %, soit 2,1 milliards. L’impression textile numérique permet de personnaliser des tissus, vêtements et t-shirts simples, rendant possible la production en petites quantités et à la demande.
L’impression 3D
Certains professionnels aux États-Unis, en France ou encore en Australie, actifs dans le monde des médias et de la publicité, commencent doucement à trouver un intérêt dans l’impression 3D. Le système Massivit 3D semble répondre le mieux aux besoins du secteur. Avec sa technologie, le fabricant israélien cible directement les marchés du Sign & Display, de la PLV, de l’événementiel et de l’affichage en mêlant éléments 2D et 3D. Il est ainsi possible de créer des vitrines attrayantes, des présentoirs sur le lieu de vente ou des points de vente sur mesure dans des formes autres que ce qui est possible avec la fabrication traditionnelle. Exemples : un panneau avec un personnage dont le bras sort du support ou des bras qui sortent d’un mur pour présenter un sac dans le cadre d’une vitrine de mode ou encore un présentoir en forme d’arbre. Les objets fabriqués en 3D peuvent atteindre un volume de trois mètres cubes. Le CEO Avne Israeli voit un potentiel inexploité dans le domaine de la PLV : « Le branding 3D est une approche qui allie design d’intérieur et positionnement de la marque. Le présentoir en carton ondulé sur le point de vente est souvent utilisé pour attirer l’attention des clients sur certaines marques. La 3D apporte une expérience multidimensionnelle qui engage les sens du consommateur de manière encore plus profonde que le support graphique seul ». Les applications concrètes peuvent se déployer en particulier dans l’aménagement commercial, la scénographie immobilière et la muséographie. Reste à faire connaître cette possibilité aux clients.
En bref, le rapport de Smithers Pira, intitulé The Future of functional and industrial print to 2022, montre que l’impression textile à jet d’encre et la 3D sont les segments de marché à la croissance la plus rapide. Dans ce rapport, le bureau d’études mentionne également le marché de l’impression électronique parmi les secteurs en croissance.
Les supports adhésifs
Le marché de l’étiquette adhésive en court et moyen tirage est un autre axe de diversification envisageable pour l’imprimeur de labeur. Grâce aux solutions numériques dédiées, l’étiquette adhésive n’est en effet plus exclusivement réservée aux spécialistes dotés de technologies complexes comme la flexo. Le développement de rotatives jet d’encre et de systèmes de finition en ligne pour l’impression d’étiquettes adhésives ouvre ce marché de croissance aux imprimeurs de labeur. Selon une récente étude de la Finat, association internationale de l’industrie de l’étiquette, sur les 2000 presses numériques d’étiquettes installées en Europe 76 % sont à toner. Les 24 % restants sont à jet d’encre/hybrides. La courbe de croissance à l’horizon 2022 montre un taux d’augmentation annuel des installations de presses jet d’encre plus élevé que celui des systèmes à toner.
L’électronique imprimée
Étiquettes RFID, NFC, circuits imprimés, éclairages oled, capteurs biomédicaux… Passer du labeur aux produits électroniques imprimés industriels est un véritable cap qui est assez rarement franchi. Pourtant, l’imprimeur en possède les compétences techniques. Cela suppose cependant de gérer pour un industriel la partie impression de leur processus de production. Smithers Pira voit des opportunités dans l’émergence d’applications imprimées dans la conception d’appareils et de composants design pour les produits électroniques. Selon ses prévisions, ce segment de marché pesait en 2017 28,8 milliards de dollars et atteindra plus de 47 milliards d’ici 2022. Le marché de l’électronique imprimée est principalement basé en Asie qui possède de grandes entreprises au Japon, Corée du Sud, Taiwan et en Chine. De nombreuses grandes entreprises électroniques innovantes qui fabriquent des smartphones, téléviseurs et écrans, panneaux solaires utilisent l’impression dans leur processus de production. Et puis, n’oublions pas le papier intelligent (connecté), doté d’une puce NFC. En France, Impressions Modernes a prouvé qu’il y avait de réelles opportunités de développement de marchés à forte valeur ajoutée (Nouvelles Graphiques, NG5 2017, p. 24). La Drupa voit quant à elle des opportunités dans l’électronique imprimée pour les emballages intelligents. « Avec l’apparition de l’électronique imprimée dans le monde de l’imprimerie, l’emballage intelligent deviendra la nouvelle référence en matière de solutions d’emballage pour les points de vente », affirme Drupa. La NFC sera par exemple utilisée pour garantir l’authentification des produits ou pour communiquer directement avec le client.
En conclusion, si l’usage du numérique a fragilisé le secteur de l’impression, il offre également des solutions pour revaloriser le print, améliorer la qualité des produits, doper la productivité et la compétitivité. De réelles opportunités stratégiques permettent aux imprimeurs de se diversifier, rebondir et conquérir de nouveaux marchés.
Aurelia Ricciardi
Quiz Nouvelles Graphiques
Réponses correctes:
1) c 2) b 3) b 4) a 5) c 6) c 7) a 8) b 9) b 10) c 11) a 12) c 13) c 14) a 15) b 16) c 17) c 18) a