Paré pour la deuxième vague
19 avril 2018
« La première vague dans le mouvement de transition du conventionnel au numérique est terminée », pense Charles Lissenburg. L’homme est à la barre de la division Professional Print de Konica Minolta en Europe, qui a vu le jour vers le milieu de l’année dernière. « Nous devons à présent préparer la deuxième vague. Pour qu’il puisse se fabriquer encore davantage d’imprimés sur des presses numériques. »
Konica Minolta travaille depuis 2006 à se constituer un portefeuille de produits pour l’industrie graphique. Depuis la Drupa 2016 – où il était le sixième plus gros exposant – le constructeur commercialise ses presses, aussi bien à toner qu’à jet d’encre, sous le nom « Accurio ». Et ce afin de les distinguer des produits « bizhub », davantage destinés à un environnement bureautique. Avec sa division Professional Print, Konica Minolta opte pour une approche stratégique du marché, explique Lissenburg : « Un marché à maturité, où la croissance se ralentit. Nous devons donc nous y prendre autrement. Par exemple, en nous concentrant davantage sur tout ce qui tourne autour de la presse numérique, comme le flux de production, le façonnage et l’ennoblissement. »
Jalon
Lissenburg a de quoi être satisfait de la période écoulée. Une petite année après avoir clôturé avec succès le bêtatest européen de la presse jet d’encre feuille AccurioJet KM-1 de format B2, Konica Minolta annonce avoir finalisé 30 installations de ce système dans le monde. Elle a entre-temps aussi passé la barre des 100 exemplaires placés (dont la moitié en Europe) de l’Accurio-Label 190, « modèle d’entrée » d’une presse à étiquette petite laize. À contre-courant de la tendance actuelle au jet d’encre perceptible dans ce segment, cette machine utilise une technologie à toner. Et il y a à cela une bonne raison, explique Edoardo Cotichini, au nom de Konica Minolta.
Un marché de l’étiquette intéressant
Konica Minolta compte en effet sur l’AccurioLabel 190 pour se positionner dans le segment intermédiaire du marché de l’étiquette. Un marché intéressant, qui pesait presque 30 milliards d’euros dans le monde en 2017 – dont plus de 7,5 milliards réalisés en Europe. Près de 90 % de ce volume est imprimé sur des presses conventionnelles. Quelque 2 000 presses à étiquettes numériques sont actuellement recensées en Europe : 76 % utilisent du toner, et 24 % du jet d’encre. Selon les prévisions, le toner devrait rester de loin la technique d’impression numérique favorite sur ce marché pour les années à venir, pense Cotichini : « Les machines sont relativement compactes et elles nous permettent d’imprimer sur un large éventail de supports. » Environ 80 % des AccurioLabel 190 sont en service chez des fabricants d’étiquettes, mais les 20 autres pour cent le sont dans des imprimeries commerciales désireuses de se développer ainsi en direction du marché de l’étiquette.
Large champ d’applications
Pour ces imprimeries commerciales, il y a aussi l’AccurioJet KM-1, la presse feuille à jet d’encre UV mise au point en collaboration avec Komori. Un exemplaire en a été installé en Pologne en début d’année et annonce a été faite récemment d’un premier placement en France, chez realisaprint.com, imprimerie en ligne pour revendeurs. Le compteur devrait indiquer un total de 50 de ces machines avant la fin de l’année, considère Mark Hinder. Ce dernier est responsable de la KM-1 et en charge du développement de marché chez Konica Minolta. Selon lui, la KM-1 est mise en œuvre dans un champ assez large : 40 % du travail produit concerne des imprimés publicitaires (dépliants promotionnels, brochures, etc.) et 30 %, des mailings. Les livres et couvertures (15 %), les cartes de visite (10 %) et les étuis cartonnés et matériaux spéciaux (5 %) font également partie des applications. « Et nous avons un certain nombre d’imprimeurs Internet qui affectent la KM-1 à la production d’amalgames. »
« Print Experience 2018 »
Aucun exemplaire de la KM-1 n’est actuellement en service en Belgique ou aux Pays-Bas. (Komori, qui commercialise sa propre version de la machine sous le nom Impremia IS-29, a une installation à son actif dans les deux pays). Raison pour laquelle Konica Minolta a invité une trentaine d’imprimeurs des deux pays en début d’année à se rendre chez Rehms Druck, dans la ville allemande de Borken, dans le cadre de l’événement « Print Experience 2018 ». Cette imprimerie a rentré la KM-1 en avril dernier et a elle produit – au-delà de ses propres attentes – plus de 1,5 million de feuilles d’impression en neuf mois.
Ultime presse offset ?
Imprimerie polyvalente, Rehms Druck génère un chiffre d’affaires de 18,5 millions d’euros avec 115 salariés. L’entreprise dispose de trois Heidelberg Speedmaster : une XL106 huit couleurs, une CX102 cinq couleurs et une CX102 six couleurs (configurée pour imprimer sur carton). Les presses fonctionnent en trois équipes, du dimanche soir au samedi matin. Rehms a pris pour habitude de remplacer une presse existante par une neuve tous les 7 ou 8 ans, explique Alexander Brand, chef de projet : « Le moment venu en 2014, nous avons pensé qu’il s’agissait peut-être de notre ultime achat en offset. Nous avons malgré tout encore installé la XL106 en 2016, et nous sommes de nouveau sur le point de remplacer une presse. Mais ce sera probablement vraiment la dernière. »
Entre toner et offset
Rehms possède déjà 12 ans d’expérience de l’impression numérique sur des systèmes à toner. En ayant opté pour la KM-1 à jet d’encre, l’entreprise dispose à présent d’une machine qui fait le lien entre le toner et l’offset, dit Brand. Ce qui se vérifie d’ailleurs presque littéralement dans la pratique : la machine se trouve dans l’espace occupé par les systèmes à toner, mais elle est desservie par deux conducteurs offset chevronnés.
La KM-1 est sortie favorite d’une étude comparative approfondie avec d’autres systèmes B2, poursuit Brand. La JetPress de Fujifilm a, par exemple, été écartée parce qu’elle ne fait pas le recto verso en un seul passage, et la HP Indigo à cause de sa structure de coûts. Avec les encres UV de la KM-1, il est possible d’imprimer sur tous les types de papier standard, ainsi que sur des supports à surfaces structurées et des matières synthétiques.
Impression variable
Rehms Druck voit de belles opportunités, notamment dans l’impression variable de cartes téléphoniques ou de cartes cadeaux sur plastique. La KM-1 est aussi affectée à la personnalisation polychrome de numéros de magazines préimprimés en offset, avec un logo et les coordonnées du destinataire par exemple. Brand : « Nous réalisons de cette manière, pour le compte d’une grande chaîne, un périodique tiré à 100 000 exemplaires avec 8 000 versions locales de la couverture. » La KM-1 offre toutes sortes de nouvelles possibilités à Rehms. Les encres UV sont directement sèches après l’impression, ce qui permet de livrer encore plus vite les petits tirages. Konica Minolta a en outre développé, en collaboration avec le Britannique Rollem, une sorte de pont de transfert, qui prend les feuilles en sortie de la KM-1 pour les acheminer directement vers un équipement de façonnage. Renseignements pris, Brand n’y voit qu’un seul inconvénient : « On ne peut pas appliquer un vernis UV sur des encres UV, et donc pas non plus sur les imprimés de la KM-1. Comme beaucoup d’emballages demandent un vernis UV, nous n’utilisons pas la KM-1 pour ce type de production. »
Personnalisation en vernis et dorure
Les participants à l’événement « Print Experience 2018 » ont également poussé une pointe jusque chez Druckpartner, à Essen (Allemagne). La JetVarnish 3D Evolution de MGI (filiale de Konica Minolta) permet depuis un an à cet imprimeur d’offrir de nouvelles possibilités dans le domaine de l’ennoblissement numérique et variable, en vernis et dorure. Druckpartner emploie 150 personnes et dispose d’un parc de trois Heidelberg Speedmaster huit couleurs plus une cinq couleurs de format B1. L’entreprise compte sur la machine de MGI - la première de cette version en Europe - pour développer un « nouveau business ».
La JetVarnish 3D applique du vernis UV en différentes épaisseurs de couche (jusqu’à max. 100 µ), avec des têtes jet d’encre. Elle analyse chaque feuille préimprimée, reconnaît l’image via la base de données et applique la forme vernie souhaitée. La machine traite entre 1 000 et 1 500 feuilles par heure en fonction de la forme de vernissage. Dans le second groupe, le vernis appliqué peut aussi faire office de forme adhésive, sur laquelle le film de dorure sera apposé. Druckpartner utilise la machine à raison de 16 heures par jour. Elle sert notamment à ennoblir des couvertures de magazines, mais aussi un mailing hebdomadaire : environ 5 000 feuilles de bons-anniversaires personnalisés en vernis et dorure pour les plus de 840 000 titulaires de cartes d’une chaîne de grands magasins ( voir illustration ) : « Un tel travail n’est réalisable que sur cette machine. »
Prochaine vague
Avec l’AccurioLabel 190, l’AccurioJet KM-1 et la MGI JetVarnish, Konica Minolta se prépare pour la « deuxième vague en impression numérique », prophétisée par Charles Lissenburg. Mais le meilleur reste à venir : « L’offset aussi a connu un développement rapide ces dernières années. Le numérique se positionne de ce fait surtout dans le segment de volume jusqu’à 3 000 feuilles. Les tirages d’imprimés commerciaux étant toutefois souvent compris entre 3 000 et 10 000 feuilles, nous devons aussi veiller à bien cibler cette fourchette. Ce qui est par exemple possible en construisant des machines plus rapides, et en passant du format B2 au B1. » À la Drupa 2016, on a pu voir un prototype de la KM-C, une presse B1 pour cartons d’emballage. Le projet est toujours en cours de développement, selon Mark Hinder : « Nous étudions en permanence ce que sont les spécifications dans les différents marchés : le format est-il suffisant ? n’avons-nous pas besoin d’autres encres ? notamment pour les emballages alimentaires ? Il est possible que notre stratégie doive être adaptée en conséquence. » Les questions sur une éventuelle « KM-2 » sont en tout cas prématurées : « Contentons-nous déjà de mettre la KM-1 sur les rails. Mais le format B1 est certainement sur notre radar. Peut-être en saurons-nous davantage à la prochaine Drupa. »
Ed Boogaard