Stratégies face à l’évolution technique et aux tendances du marché

24 mai 2018

Les étiquettes et emballages constituent un marché de croissance attrayant – du moins pour les imprimeurs de production qui auront su rectifier à temps leurs plans stratégiques pour l’avenir. Les souhaits et exigences du marché évoluent en permanence, et la technologie d’impression numérique offre les possibilités d’y réagir rapidement. Xeikon a confronté offre et demande fin mars, dans le cadre de son quatrième Xeikon Café.

  • Xeikon Café à Lierre sur l’impression numérique d’étiquettes et d’emballages.

  • Johan Van de Velde d’AB-Inbev a présenté un cas réalisé en Angleterre où 10.000 petites bouteilles de Budweiser ont été imprimées avec différents drapeaux comme motif avec une machine Tonejet pour la promotion de Tomorrowland.

  • Un marché porteur est l’impression numérique de gobelets en carton pour l’auto-promotion ou la publicité.

L’échange survenu pendant la séance matinale du troisième jour de Xeikon Café fut des plus éloquents. « Ah, si je vous avais connu plus tôt », a soupiré Lisa Sohanpal (fondatrice de Nom Noms World Food) en réaction à la présentation de Giuseppe Prioriello (Packly). Des années durant, elle a cherché en vain un fabricant d’emballages spéciaux pour ses plats préparés exotiques. Lui, de son côté, a développé une application en ligne axée sur la conception dynamique, la commande et la fabrication d’emballages à partir d’un seul exemplaire. L’anecdote montre bien comment l’innovation, du côté des donneurs d’ordres et des fabricants respectivement, peut engendrer des opportunités inédites (et parfois insoupçonnées) pour l’industrie des étiquettes et des emballages.

Marché de croissance

Le marché européen des étiquettes et emballages imprimés représente quelque 82,4 milliards d’euros en 2018, selon une étude de Smithers Pira. L’avenir s’annonce radieux, avec un taux de progression estimé entre 2 et 4 % jusqu’en 2020. Mais le marché ne reste pas immuable. La législation européenne impose, par exemple, de nouvelles exigences aux étiquettes et emballages alimentaires. Les tendances du marché et les changements de profils des consommateurs nourrissent une demande croissante de tirages plus courts ou de matériaux différents. L’essor du commerce électronique enfin provoque de grands bouleversements dans le monde du retail.

Profiter de la croissance

Les fabricants d’étiquettes et d’emballages désireux de profiter de la croissance attendue du marché devront jouer sur cette évolution simultanée des attentes, exigences et circonstances. D’un point de vue technologique, l’impression numérique offre des possibilités intéressantes en complément ou en remplacement des presses conventionnelles. Plus de 2 000 presses à étiquettes numériques seraient déjà en service en Europe, si l’on en croit les chiffres présentés l’an dernier par la fédération professionnelle Finat. Elles prennent à leur compte 9,7 % de la valeur totale du marché des étiquettes imprimées. Trois quarts de ces presses numériques utilisent du toner ; les autres sont des machines à jet d’encre ou hybrides (associant l’impression numérique à un procédé conventionnel). Le nombre d’installations de presses à étiquettes jet d’encre devrait toutefois progresser plus rapidement que celui des machines à toner sur les cinq ans à venir, prévoit la Fi-nat. D’où l’intérêt marqué pour les presses numériques lors du La-belexpo de Bruxelles à la fin de l’année dernière. Et le mois passé encore, Xeikon Café a su attirer à Lierre plus de 800 visiteurs venus de 40 pays découvrir les possibilités des techniques de production numérique. Ils sont toujours plus nombreux, ainsi que Xeikon l’a démontré sur place en collaboration avec une quarantaine de partenaires, dont des spécialistes du logiciel, des fabricants de papier et des fournisseurs de matériel de finition.

Next big thing

Benoit Chatelard est le CEO de Xeikon depuis bientôt un an. Dans son allocution d’ouverture du Xeikon Café 2018 (devenu désormais un événement annuel), il est revenu sur cette première année stressante passée à la barre de l’entreprise. L’intérêt de Xeikon pour les presses à étiquettes à toner ne faiblit pas. On en recense actuellement environ 500 dans le monde. La technologie continue d’être développée. L’arrêt de la Trillium – le très prometteur projet de « toner liquide » qui exigerait toutefois encore des années de R&D et d’investis sements – laisse davantage les coudées franches pour miser sur le jet d’encre. Xeikon n’a embrassé cette technique que depuis l’an dernier, avec l’annonce d’une première presse à étiquettes à jet d’encre UV : la « Pan-ther PX3000 ». Filip Weymans, responsable du marketing de Xeikon, expliquait alors cette avancée comme suit : « La technologie du jet d’encre est prête ; et le marché est prêt. » Une étude de Xeikon arrivait par ailleurs à cette conclusion : il n’existe pas de technologie numérique universelle, pouvant convenir pour toutes les possibilités techniques et applications dans l’industrie de l’étiquette.

La « Panther PX3000 » promise a été montrée au grand public au Labelexpo 2017. Un modèle d’entrée y a aussi été directement annoncé : la Panther PX2000. Peu de temps après, Chatelard avait fait savoir que Xeikon reprenait à EFI les activités de vente et de SAV des presses à étiquettes jet d’encre Jetrion. Il devient donc évident, qu’à côté du toner, Xeikon mise aussi résolument sur le jet d’encre. La moitié de son budget R&D y est désormais consacrée. Chatelard ne le présente pas comme un mouvement de rattrapage, mais y voit plutôt un grand bond en avant : en investissant dans le savoir et l’expertise (et en combinant le tout avec l’expérience de la maison mère Flint), Xeikon entend pouvoir rapidement jouer un rôle dans le peloton de tête du jet d’encre. La reprise des activités Jetrion s’inscrit aussi dans cette perspective : avec plus de 200 installations (surtout aux États-Unis), l’entreprise s’approprie non seulement une solide part de marché, mais elle acquiert d’un coup beaucoup d’expérience pratique. Les développements propres en jet d’encre visent surtout les segments du marché de l’étiquette actuellement hors d’atteinte du toner. Chatelard a par ailleurs d’autres plans dans ses cartons : le jet d’encre à l’eau pour les emballages en carton ondulé est présenté comme « the next big thing ».

État des lieux

Un programme d’orateurs particulièrement étoffé attendait les visiteurs de Xeikon Café. Plus de 40 démonstrations pratiques y ont mis en avant les applications les plus diverses – des étiquettes moulées (IML) aux gobelets en papier – sur différentes lignes de production numériques. Parmi celles-ci, un exemplaire d’une presse jet d’encre PX3000 (qui entamera bientôt une seconde phase de tests « dans les environs de Bruxelles ») fabriquait notamment des étiquettes de sécurité. La nouvelle CX500 à toner y était aussi à l’œuvre : elle imprimait des étiquettes variables pour la brasserie Duvel. Cette machine de 52 cm de laize a elle aussi été introduite l’an dernier pendant La-belexpo et elle est depuis janvier en bêtatest chez Altrif Labels, à Rosendael. À Lierre, Niko Dhondt, directeur de l’imprimerie d’emballages St-Luc Labels & Packaging (propriétaire d’Altrif depuis deux ans), s’en disait très satisfait : « En ce qui nous concerne, ce n’est plus une machine bêta ; elle produit chez nous à plein régime. » Dans son exposé au Xeikon Café, il a également confié que la part de l’impression numérique au sein de l’entreprise augmentait rapidement, au détriment des techniques conventionnelles : « Nous avons acquis cinq machines neuves sur les cinq dernières années ; une seule était conventionnelle. »

Carsten Stahl Hansen, de la société danoise Limo Labels, a également confié dans son intervention que le numérique a définitivement conquis droit de cité, à côté de la sérigraphie et de la flexo : « Nous avons deux presses jet d’encre Jetrion d’EFI et deux Xeikon 3300 à toner. Jet d’encre ou toner, on ne peut pas dire qu’un procédé soit meilleur que l’autre. Le choix dépend de l’application et du résultat final souhaité. »

Tendances, opportunités et stratégies

La grande diversité de possibilités, techniques et applications a forcé les fabricants d’étiquettes et d’emballages à mûrement réfléchir à une stratégie d’avenir. Les presses numériques (et aussi les équipements digitaux de façonnage et d’ennoblissement) font de plus en plus partie prenante de cette stratégie visant à réagir le plus souplement possible aux changements du marché. Xeikon a demandé à Sean Smyth, observateur éclairé du secteur et consultant, de récapituler les tendances et opportunités au Xeikon Café, mais aussi et surtout d’analyser les stratégies que les entreprises peuvent suivre pour concrétiser leurs plans d’affaires. Son rapport identifie quatre itinéraires de succès possibles, chacun avec son propre niveau d’investissements, ses changements organisationnels et ses effets sur le modèle économique. « Aucune stratégie n’est absolument bonne ou mauvaise », pose Smyth : « L’acquisition d’une presse numérique fait partie du plan, mais il en faut davantage pour parvenir à une stratégie complète. » Il conseille malgré tout à chacun de définir un plan : « N’attendez pas que les changements imminents se produisent sur le marché pour passer à l’action. »

Soulager les presses conventionnelles

La première stratégie esquissée par Smyth autour de l’implémentation d’une presse numérique découle de l’augmentation du nombre de commandes portant sur de plus petites quantités. Les produire sur une presse numérique est non seulement plus efficace – pas de plaques à exposer ; calages plus courts – mais laisse également la possibilité d’affecter les presse flexo et offset conventionnelles de manière optimale pour les longs tirages. De quoi donc encore mieux desservir les clients existants. En même temps, la presse numérique rend possible le démarchage d’une clientèle nouvelle : la quantité minimale à commander souvent exigée pour la flexo n’a plus lieu d’être, ce qui permet de servir aussi des petites entreprises ou des start-ups, par exemple.

Exploiter au maximum la capacité de production

La deuxième stratégie envisagée dans le rapport mise sur les principes du lean manufacturing et s’efforce d’exploiter au maximum la capacité de production de la ou des presses numériques. Un grand rôle est alors dévolu à l’automatisation et à la standardisation à toutes les étapes du processus de production. La mise en place d’un flux de production efficient rend possible la réalisation d’un volume d’impression conséquent, ce qui met de plus longs tirages également à la portée des presses numériques. Des avantages concurrentiels comme des prix affûtés et des délais de livraison serrés par rapport aux techniques conventionnelles sont alors des facteurs de réussite déterminants.

Différence par les données variables

Les presses numériques permettent de doter directement les étiquettes et les emballages de numéros ou de codes uniques. La troisième stratégie met en avant la possibilité pour l’imprimerie de se distinguer avec les données variables. Ce qui ne se limite pas à du numérotage ou du codage, utilisé par exemple en tant qu’élément de sécurité ou pour le traçage des emballages. Il est également possible de travailler avec des images entièrement variables, et d’ainsi mieux viser des groupes-cibles voire des consommateurs individuels.

Un investissement dans un équipement de post-impression (comme une machine de découpe au laser) donne naissance à un flux de production très flexible, capable précisément de traiter des commandes complexes.

Offrir davantage de valeur ajoutée

L’idée à la base de la quatrième stratégie est de fournir des services et produits impossibles avec les méthodes et machines conventionnelles. Cette voie est en fait la stratégie précédente élevée à la puissance supérieure. Elle mise à fond sur les données variables, en y ajoutant des possibilités supplémentaires. Celles-ci concernent surtout l’apport de services annexes, comme la simplification du processus de commande à travers la mise en liaison du flux de production avec le MIS du client. Celui-ci peut ainsi réduire son stock à un minimum en faisant produire uniquement à la demande et à flux tendu. Ce qui lui permet en outre de réagir plus rapidement aux circonstances du marché avec des actions de marketing ponctuelles : en adaptant sans délai le design d’une étiquette ou d’un emballage, qui se retrouvera très vite dans les linéaires.

Outre des investissements techniques, ce modèle exige une organisation très souple. Il suppose en même temps un changement de mentalité de la part, par exemple, des commerciaux : l’étiquette ou l’emballage constitue en effet une facette d’une solution globale qui justifie un prix premium.

Expériences pratiques

La théorie sous-jacente à ces stratégies a été étayée au Xeikon Café par des expériences tirées de lapratique. La présentation dugéant brassicole AB-InBev surl’impression jet d’encre de canettes pour une édition limitée« Tomorrowland », ou celle duconglomérat alimentaire américain Mondelez International àpropos d’emballages personnalisés pour des biscuits Oreo, ont fourni deux exemples d’une utilisation fructueuse des données variables àdes fins marketing.

Lisa Sohanpal évoquée en début d’article a créé Nom Noms World Food voici quelques années. Davantage que les recettes exotiques de ses plats préparés, le sourcing de leurs emballages a été son plus grand casse-tête. Comme elle l’ aassez vite compris, les fabricants bien établis s’adressent surtout aux grands donneurs d’ordres. Start-ups s’abstenir. Les volumes minimums à commander étaient eux aussi dissuasifs. En outre, ses desiderata d’origine (les boîtes devaient ressembler à de petites valises) se sont avérés difficiles à satisfaire, ne fût-ce que parce qu’elle souhaitait travailler avec des matières recyclables ou compostables. Un imprimeur engagé dans la bonne stratégie numérique aurait pu l’aider en cette période de démarrage, et éventuellement rester associé à la phase de succès actuelle de Nom Noms World Food.

Ed Boogaard

25 ans d’impression numérique

Les premières presses numériques polychromes professionnelles ont été lancées voici 25 ans. Elles ont depuis conquis leur place tant dans le secteur graphique que dans l’industrie des étiquettes et des emballages. Xeikon, qui fut une pionnière dans ce domaine, fête elle-même ses 30 ans d’existence cette année. Les deux anniversaires sont évoqués en long et en large sur le portail www.pastprintfuture.com.