Pas de direct mail sans données…

24 mai 2018

Le direct mail, ou mailing, se maintient comme média « classique » à l’ère du numérique. Il est toutefois fortement lié au « digital », car piloté par les données. Le nouveau règlement général européen sur la protection des données (RGPD) entre en vigueur ce mois-ci. Va-t-il mettre un frein à la publicité adressée dans les boîtes aux lettres ?

  • Pascal De Greef

  • Dominique Pissoort

  • Daniëlle Vanwesenbeeck

Un coup d’œil sur le contenu de la boîte aux lettres confirme le constat de bpost dans son rapport annuel 2017 : il s’envoie de moins en moins de courrier. « Les revenus du Domestic Mail ont régressé de 61,0 millions EUR pour se chiffrer à 1 353,4 millions EUR en 2017, avec des baisses de volume publié et sous-jacent de respectivement -5,9 % et -5,8 %, partiellement compensées par une amélioration du prix et du mix. » Pour le dernier trimestre de 2017, bpost a également rapporté que le « transactional mail » (factures, extraits de compte, également appelé admin) a connu une baisse de volume «…influencée par une substitution électronique accélérée, essentiellement dans le secteur banque et télécom, en combinaison avec une acceptation accrue des documents électroniques par les utilisateurs finaux. » Le courrier transactionnel a ainsi reculé de 7,5 % en glissement annuel.

Cette baisse va se poursuivre. Proximus a prévenu ses clients en début d’année que leurs factures leur parviendraient dorénavant par e-mail. « Vous pouvez désormais recevoir vos factures Proximus sous forme électronique. Celles-ci présentent la même validité juridique que la version papier et sont bien plus pratiques… il suffit de transmettre les fichiers de facturation par e-mail à votre comptable », disait le message de l’opérateur. Celui qui préfère malgré tout recevoir une facture papier peut déclarer sa préférence de facturation en ligne… Sur un fichier clients de la taille de celui de Proximus, la facture électronique peut engendrer une économie considérable en frais de port. L’intérêt est en outre de pouvoir faire usage de son propre canal. Les grandes entreprises ne sont pas les seules à porter un regard critique sur leurs frais d’expédition. Les PME y sont tout aussi attentives. Petit exemple : un copyshop envoyait encore ses factures par la poste jusqu’en février dernier. Mais depuis l’augmentation de tarif annuelle, le client qui souhaite une facture la reçoit directement. Ce qui économise un timbre à chaque fois.

Bonnes nouvelles

Mais il y avait aussi de bonnes nouvelles chez bpost : l’Advertising Mail (mailings adressés et non adressés) a tenu bon et a même augmenté de 2 %, selon le rapport annuel de bpost. Cette tendance positive du publipostage adressé est également confirmée par l’institut de recherche Nielsen, qui calcule chaque année les dépenses de mailings du monde de l’entreprise d’après les données fournies par bpost (nombre de courriers envoyés et tarifs publiés pour l’expédition). Nielsen a noté que les dépenses sont passées de 271,3 millions d’euros en 2016 à 270,9 M€ en 2017, soit un quasi statu quo (-0,13 %). L’autre enseignement est que le direct mail reste une source de revenus importante pour bpost. La boîte aux lettres ne ment pas : si le courrier est journalier, grande est la probabilité d’y trouver des envois publicitaires, adressés ou non.

Ce qui n’empêche pas le mailing, tout comme le courrier transactionnel, d’être sous pression. Les entreprises aussi regardent le courrier électronique comme une alternative au mailing papier. Une société qui vend et loue des mobilhomes a fait dernièrement connaître dans un mailing son intention de passer à la vitesse supérieure «…pour que notre communication à votre encontre puisse circuler encore plus rapidement. Vous recevrez à l’avenir toutes les informations via notre bulletin en ligne. Attention : la présente lettre est notre ultime communication par courrier postal. »

Non adressé

La question est de savoir si les entreprises passent elles aussi du courrier adressé au non adressé, moins cher. Daniëlle Vanwesenbeeck, de Mastermail, confirme cette évolution. « Surtout dans le secteur de l’habillement », dit-elle. « On examine les adresses. S’il s’avère qu’on a déjà 75 % des adresses d’une région, on peut tout aussi bien passer au non-adressé et desservir 100 % des boîtes aux lettres. » (Du moins toutes celles qui n’ont pas l’autocollant « non merci ».) Vanwesenbeeck suggère le truc d’utiliser une enveloppe. « Une enveloppe a encore toujours quelque chose d’intrigant. Sinon, ce n’est qu’un vulgaire folder. » Certains annonceurs, grands et petits, travaillent aussi avec une enveloppe en non-adressé. Comme l’an dernier pour deux actions de Colgate-Palmolive offrant des bons de réductions. L’enveloppe ressemblait de prime abord à un envoi adressé, avec une fenêtre d’adresse fictive et un faux timbre.

Le non-adressé prend une part de plus en plus importante dans le courrier publicitaire, du moins si nous en croyons très subjectivement le contenu de notre propre boîte aux lettres. Pascal De Greef, managing director business clients mail chez bpost, confirme aussi que le « non-adressé » est pour une bonne part utilisé par les annonceurs locaux (surtout des commerçants). Mais on ne saura pas, pour des raisons de concurrence, quels revenus bpost tire du courrier non adressé et pour quels volumes. Belgique Diffusion est le plus gros concurrent avec la distribution des folders nationaux ; bpost ayant plutôt des clients locaux.

Exception belge

Le direct mail tient donc bon chez nous, ce qui fait plutôt de la Belgique une exception par rapport à ses pays voisins, dit De Greef. « La digitalisation est plus poussée aux Pays-Bas. On y est plus ouvert qu’ici aux moyens de communication numériques. La France fut un pays fortement axé sur la vente par correspondance, avec de grands noms de la VAD tels que La Redoute et les Trois Suisses. L’e-commerce y a entraîné une forte régression. Pas en Belgique. On note bien un recul, mais pas aussi marqué », poursuit De Greef.

Une explication à cette tendance positive du mailing postal ? L’un des principaux facteurs, selon De Greef, est le fait que bpost ait regroupé les envois publicitaires adressés et non adressés sous l’appellation « In Home Advertising » pour s’adresser au marché. « Vis-à-vis des annonceurs, nous occupons à présent la position d’un média. Un annonceur cherche la complémentarité dans son mix de médias, et avec l’In Home Advertising, nous répondons à cette demande », dit De Greef. « Ces trois ou quatre dernières années, tout le monde a un peu cherché sa voie. Beaucoup d’annonceurs ont déclaré que les médias de masse étaient morts et qu’ils passaient au numérique. Nous avons toutefois remarqué l’an dernier qu’une certaine stabilité s’installait. Les annonceurs ont compris que ce n’était pas l’un ou l’autre, mais qu’il fallait une complémentarité de médias. »

En outre, la rapidité et la dimension de masse de la distribution du courrier jouent en faveur de bpost. « Si un annonceur souhaite que sa communication soit demain dans toutes les boîtes aux lettres, nous sommes en mesure de le satisfaire. Ce qui nous a permis de décrocher de nombreux contrats. Car tout le monde n’est pas tous les soirs à regarder de la publicité devant sa télévision. En revanche, pratiquement chaque Belge relève sa boîte aux lettres tous les jours », assure De Greef.

Secteur de la distribution

Il ressort des chiffres 2017 que le secteur de la distribution prend lui aussi à son compte une très grande part des dépenses en direct mail : 62,9 %. Par rapport à 2016, celles-ci ont encore progressé de 1,4 % dans un marché stable par ailleurs. Si un retailer devait opter pour un autre mix sans mailing, bpost le sentirait. Pascal De Greef, pour bpost : « Le retail est un grand secteur pour nous, et je n’oserais nier que nous en sommes relativement dépendants. Mais il ne présente aucun signe de désaffection. Les retailers ont au contraire des ambitions de croissance et ils veulent encore ouvrir de nouveaux magasins. Le potentiel de progression est donc présent, d’autant que la population augmente toujours. »

Les 38 % restants des dépenses en direct mail sont le fait de quinze autres secteurs. La question est de savoir comment les intéresser davantage à la publicité adressée. Pascal De Greef y voit deux obstacles. Le premier est ce qu’il appelle le « contexte » de l’unité décisionnelle (DMU). « Nous voyons beaucoup de marketeurs qui ont une vingtaine d’années d’expérience. Ils ont été formés à une époque sans numérique. Cette génération est toutefois remplacée dans les DMU par des gens qui ont grandi avec le digital. Il s’agit maintenant de convaincre ceux-là d’utiliser le mailing. C’est de l’évangélisation. » D’où les programmes à destination des écoles mis en place par bpost, qui organise aussi des ateliers direct mail dans les entreprises. En second lieu, bpost doit démontrer la complémentarité d’une communication sur papier et via les médias numériques. Ce qui demande du temps », dit De Greef.

Davantage de courriers adressés

Les trois grandes chaînes de supermarchés actives dans notre pays, à savoir Colruyt Meilleurs prix, Delhaize et Carrefour, recourent fréquemment au mailing pour les besoins de leur système de fidélité. Au point même que Colruyt ne figure pratiquement jamais dans la liasse hebdomadaire de dépliants promotionnels de Belgique Diffusion. Carrefour est aussi occupé à réaménager son rapport adressé - non adressé. Les raisons ? Le retour sur investissement (ROI) des mailings est beaucoup plus élevé que celui des folders non adressés. Bart Van-denreijt, à la tête du département Customer Marketing Information de Carrefour Belgique, dit que le ROI des différents médias a été calculé avec des groupes de contrôle. En l’occurrence, un mailing a été envoyé à un groupe de consommateurs et pas à un autre. Le ROI a pu être calculé grâce à la carte de fidélité et au système informatique qui est derrière. Le ROI du « groupe direct mail » a été, pour reprendre la formule de Vandenreijt «…un multiple de celui du mailing non adressé. Celui qui souhaite diminuer son déchet en folders et qui réinvestit dans des mailings verra immédiatement le résultat. Nous sommes en train d’évoluer en ce sens. »

Moins de promo de masse

Carrefour serait-il en train de rationaliser son utilisation du toutes-boîtes pour basculer ses budgets vers le direct mail ? Van-denreijt : « En effet. Ce qui ne veut pas dire que nous allons totalement abandonner le toutes-boîtes, car il conserve son rôle. Mais une rationalisation est certainement nécessaire. » Baptiste van Outryve, porte-parole de Carrefour, ajoute : «…notre stratégie est très clairement de faire beaucoup moins de promo de masse, et beaucoup plus de promo personnalisée. Et l’une des manières de faire de la promo personnalisée est d’utiliser le direct mail. »

Vandenreijt dit que le mailing hy-perpersonnalisé devient de plus en plus important dans l’approche communicante du retai-ler. « Nous remarquons que le fol-der est occupé à perdre en puissance. Si l’on veut continuer de capter l’attention des gens, il faut le faire d’une manière personnalisée. Le nombre de lettres encore reçues dans la boîte aux lettres est aujourd’hui de trois ou quatre par semaine, et la plupart sont des factures. Quand un courrier présente bien, qu’il vous parle, qu’il s’adresse à vous par votre nom, et que ce qu’il propose vous intéresse, ou est encore à découvrir, nous voyons que l’impact est énorme. Beaucoup plus que tous les autres moyens de communication actuellement à notre disposition. »

Algorithmes

Chez Carrefour - tout comme chez Colruyt et Delhaize - il est question de grands volumes envoyés à une fréquence mensuelle. Chaque mailing renferme des tests qui visent à obtenir des résultats encore meilleurs à l’avenir. « Nous effectuons en permanence des tests A-B et A-B-C avec nos mailings et nos e-mailings », confirme Vandenreijt. « Nous envoyons ces mailings à un très grand volume de personnes. Pas 100 000 ou 200 000 clients, mais beaucoup plus. » Il qualifie la méthode de Carrefour de « bataille des algorithmes ». « Nous testons de nouveaux algorithmes sur les groupes de contrôle, et celui qui gagne est implémenté dans le mailing suivant. Cette manière de travailler nous a permis de faire passer le taux de participation à nos mailings avec offre personnalisée de 20 % à 34 % sur un an de temps. En d’autres termes : un client sur trois qui reçoit notre direct mail, personnalisé au nom de la carte de fidélité, se rend au magasin et profite de la proposition qui lui est faite de découvrir un nouveau produit, d’acheter quelque chose qu’il n’achèterait normalement pas, ou d’acheter quelque chose en plus. »

Unique

La lutte concurrentielle entre re-tailers se livre aujourd’hui aussi de plus en plus dans les boîtes aux lettres. Vandenreijt ne veut pas paraître prétentieux lorsqu’il dit que ce que Carrefour réalise sur le plan de la personnalisation est unique en Belgique. « Nous ne tenons pas uniquement compte du comportement d’achat historique. Cela, tout le monde le fait. Nous regardons également d’autres paramètres. À quelle distance du point de vente habitez-vous ? À quoi êtes-vous sensible en termes de promos ? Peut-être pas seulement le produit proposé, mais aussi la réduction à laquelle on a droit. Sur la foi des informations dont je dispose aujourd’hui, nous sommes de ce point de vue les seuls en Belgique. Cela existe depuis longtemps aux États-Unis, mais je suis plus à l’aise pour la Belgique. »

Vandenreijt va de temps en temps trouver les responsables des magasins avec une boîte de mailings et leur demande de trouver les similitudes dans les promotions. « Il n’existe pas chez nous deux pages d’un mailing dont les promos personnalisées sont exactement les mêmes », dit-il. « Et comme l’on parle de volumes de plus d’un million, nous avons donc plus d’un million de versions différentes. » Pour la production de ces mailings, on a recours à une combinaison d’imprimé « traditionnel » et d’impression numérique. C’est aussi le cas chez Colruyt (dans ses propres installations) et Delhaize.

Pression sur les prix

Les grands acteurs comme les retailers mettent également la pression sur les prix. Daniëlle Vanwesenbeeck, de Mastermail : « Ces entreprises jouent sciemment sur le prix. Pour celle qui envoie fréquemment des mailings, le choix du papier n’a guère d’importance. Ce qui compte, c’est la promo de la semaine, qui sera différente quinze jours plus tard. » À côté du retail, un autre secteur qui envoie aussi de grandes quantités de mailings est celui de la collecte de fonds. « Les fundraisers font jouer la concurrence entre les sociétés de mailings. Si c’est uniquement le prix le plus bas qu’ils veulent, ils peuvent aller voir ailleurs », dit Vanwesen-beeck.

D’après son expérience, les grands mailings sont de moins en moins nombreux. Vanwesen-beeck : « L’évolution dans le domaine du publipostage va dans le sens d’une augmentation de la personnalisation complexe. Ce qui peut aller jusqu’à ce que les lettres d’un même envoi n’aient pas toutes le même nombre de pages. Des paragraphes ou des photos peuvent être ajoutés en fonction du profil du client. » On parle alors de tirages entre 500 et 10 000. Mastermail travaille notamment pour ING. ING avait en son temps racheté Record Bank. En date du 1er avril, les clients de Record Bank sont devenus clients d’ING. Ce qui s’accompagne d’un vaste programme de mailings envoyés par vagues. « C’est très complexe », dit Daniëlle Vanwesenbeeck. « Certains reçoivent un étui pour le lecteur de carte et d’autres pas. Il y a des lettres pour les familles avec enfants… Là est la puissance de l’impression numérique et de la personnalisation. Finie la préimpression. Les mailings sont composés à la volée par le logiciel. »

RGPD

Daniëlle Vanwesenbeeck dit aussi que l’accent dans l’évolution sur le marché du publipostage est mis sur l’IT. Le direct mail a toujours été basé sur les données (des classiques nom et adresse jusqu’à la personnalisation très poussée comme chez Carrefour). Les data sont un sujet chaud depuis quelques semaines, certainement depuis la fuite des informations à caractère personnel chez Facebook, et juste en pleine période d’implémentation du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette réglementation européenne va entrer en vigueur le 25 mai et elle aura aussi des répercussions sur le marketing (direct) ainsi que sur les prestataires actifs dans ce secteur. Bart Vandenreijt, au nom de Carrefour, dit que les retailers étaient déjà assez stricts concernant l’application des règles de respect de la vie privée dans le traitement des données personnelles et comportementales. « Les équipes n’ont aucune manière d’identifier les personnes. On ne travaille qu’avec des numéros », dit-il. Les données personnelles n’arrivent dans le processus de traitement d’un mailing qu’au stade ultime des adresses.

« Nous avons dû définir les processus et les mettre sur papier pour pouvoir nous conformer au RGPD », poursuit Vandenreijt. La nouvelle réglementation n’empêche pas Carrefour de continuer à travailler avec des messages (hyper)personnalisés. Au contraire, presque. « Tout ce que le RGPD m’autorise à faire, c’est nettoyer la base de données de Carrefour et n’en retenir que les clients dont l’on est sûr qu’ils sont disposés à recevoir des mailings. Ce pour quoi ils ont expressément donné leur accord. On peut se vanter d’avoir plusieurs millions de ménages dans sa base de données. Mais le constat est amer s’ils ne sont qu’une fraction à vouloir faire usage des services proposés. Nous voyons aujourd’hui dans le RGPD une occasion de renouveler notre engagement vis-à-vis de nos clients et de revitaliser notre programme. »

Prospection

L’on a beaucoup parlé ces derniers mois du RGPD, et on le comprend. Dominique Pissoort, conseillère juridique du spécialiste en données Bisnode et de la Belgian Association of Marketing (fusion de l’Association belge du Marketing Direct, de l’agence de publicité Interactive et de STIMA - Fondation Marketing), prévoit de grandes possibilités pour l’utilisation des données par rapport à la réglementation actuelle. « Les obligations déjà d’application subsistent, comme la transparence pour qui collecte des données sur les individus dans un but de personnalisation. En revanche, les dispositions en matière de profilage à des fins de marketing (direct) sont nouvelles. Il existe un droit d’opposition du sujet des données à ce profilage. Le fait qu’une personne ne souhaite pas être profilée a une influence sur la personnalisation. Il devient ainsi plus difficile de personnaliser un mailing, et ce mailing restera de ce fait très général. »

La plus grande crainte des entreprises ne réside pas dans leurs fichiers propres, mais dans les fichiers de prospection fournis par des tiers. Le RGPD, insiste Dominique Pissoort, ne constitue en rien une interdiction du marketing direct. « Nous sentons les annonceurs quelque peu réticents. Ils ont peur d’utiliser des adresses de prospection. Ils ne savent pas bien ce qui est autorisé ou non, et craignent de recevoir des amendes après le 25 mai. Mais le président de la commission Vie privée a déclaré qu’aucune sanction ne suivrait la première année, et que l’on va édu-quer le marché sur la nature du RGPD et sur les obligations qu’il crée », dit Pissoort.

Intérêt légitime

Pour ce qui est de l’utilisation de fichiers de tiers (comme Bisnode) le secteur DM évoque « l’intérêt légitime ». BAM a clarifié la chose dans un communiqué de presse : « Cela signifie que, sur cette base, les sociétés peuvent continuer à traiter les données personnelles indispensables à leurs activités. Il va de soi que cet intérêt doit constamment être mis en adéquation avec les droits des personnes enregistrées dans le fichier. » Dominique Pissoort dit que Bisnode peut invoquer l’intérêt légitime pour la commercialisation d’adresses «…parce que nous respectons les obligations, nous sommes transparents, également à propos de nos sources. Nous avons pris toutes les mesures en ce sens. »

Aux yeux de Filip Champagne, director marketing & consul-tancy chez Bisnode, les « gagnants » seront ceux qui «…trouveront le bon équilibre entre le respect de la vie privée et la poursuite de leurs activités. Dans beaucoup d’entreprises, l’informatique a été mise d’abord en œuvre pour la sécurité, l’aspect légal venant après. Le juridique prend le contrôle, et tout ce qui est commercial se laisse conduire. Mais le juridique n’est pas toujours inspiré d’un point de vue commercial. »

Reste-t-il des entreprises qui font encore une dernière prospection à la va-vite ? Filip Champagne : « Non, nous n’observons pas de pic qui indiquerait un passage à l’action in extremis. Je pense que chaque entreprise voit les opportunités et sait pourquoi le RGPD existe : le respect du consommateur. Ce qui consiste aussi à veiller à ce que la pression du marketing ne devienne pas trop forte. » Champagne fait remarquer que tout marketing évolue vers le marketing direct, autrement dit, piloté par les données. « Les dernières technologies et les nouvelles possibilités n’ont pas été étudiées à fond dans les entreprises. Ce qui règne aujourd’hui, c’est surtout l’incertitude, mais pas la peur. Cela ralentit le marché. »

La prospection ne représente d’ailleurs qu’une petite partie du volume du direct mail, souligne Pascal De Greef, de bpost. « 75 % exploitent leurs propres bases de données et 25 % utilisent les données de tiers », dit-il. De Greef voit bien une augmentation de la ludification en ligne et des actions promo visant à glaner des adresses sur le marché (dans le respect de la vie privée) pour approcher ensuite leurs détenteurs par des mailings.

Transparent

Le RGPD a aussi un impact sur les transformateurs de données, comme les sociétés de publipostage, qui mettent les fichiers à la disposition de leurs donneurs d’ordres pour des mailings personnalisés. Dominique Pissoort (Bisnode) : « Un imprimeur est un transformateur aux yeux du RGPD et le RGPD dit que la chaîne des entreprises impliquées dans le traitement doit être transparente. Tout le monde doit pouvoir être identifié. L’annonceur doit envoyer une convention de traitement des données à tous les transformateurs. Si un transformateur a lui-même un sous-traitant, il doit y avoir une convention adossée. Un certain nombre de contrats devront être diffusés dans toutes les directions. » Ce qui est surtout important en cas de rupture. Pissoort : « S’il est question de rupture de contrat dans une imprimerie, le responsable du traitement doit être notifié à l’annonceur. Dans ce cas, l’imprimeur doit réagir rapidement (dans les 72 heures), et prendre les mesures nécessaires pour stopper cette rupture. Ce qui requiert la mise en œuvre d’un grand nombre de processus. »

Daniëlle Vanwesenbeeck, de Mastermail, confirme en effet avoir dû signer une foule de documents et fournir des explications sur sa manière de travailler. L’entreprise a également dû modifier ses procédures. « Pour donner une idée : il ne sera plus possible d’envoyer un fichier d’adresses Excel à notre service des ventes. Seul un nombre limité de personnes est désormais habilité à les recevoir », dit Van-wesenbeeck. « Nous avons examiné notre fichier clientèle ainsi que les contrats avec leurs clients. Le problème n’est pas là. Il est plutôt dans la prospection. Je n’exclus pas une baisse prochaine dans la prospection. Non seulement dans les mailings, mais aussi dans les e-mails et dans le remarketing sur les sites Web. Le RGPD va entraîner une certaine épuration dans le marketing. On assiste à une prise de conscience des entreprises sur l’utilisation des données à caractère personnel et beaucoup vont mettre en place des programmes de fidélisation. »

Le secteur graphique doit davantage penser marketing

Qu’en est-il du marché des sociétés de publipostage ? Daniëlle Vanwesenbeeck (MasterMail) : « J’entends deux sons de cloche :beaucoup se plaignent ; d’autresse disent satisfaits et gardentconfiance. Nous faisons partie dusecond groupe. Cela a à voir, jepense, avec la manière dont l’onse positionne sur le marché. J’aientendu lors d’un congrès que lesentreprises de production du secteur graphique doivent développer davantage un esprit marketeur. Il ne sert à rien de dire combien de machines on possède oucombien de plis on peut mettresous enveloppe en une heure.Cela n’intéresse pas les clients. Cequ’ils veulent savoir, c’est ce quecela leur apporte. Il faut leur expliquer à quel point il est important de composer un bon mailinget comment vous pouvez les y aider. Ce qui est une tout autre histoire à leur raconter. »

Du côté de ceux qui se plaignent, tout tourne autour du prix. Vanwesenbeeck : « Ce sont souvent des clients qui veulent toujours moins cher au point de pousser la société de publipostage à travailler à prix coûtant. C’est du nivellement par le bas. Ce type de clientèle n’est pas pour nous. N’importe qui peut remplir une enveloppe, mais tout le monde n’est pas capable d’écrire un bon mailing. »

Ad van Poppel

Le secteur de la distribution de loin le plus gros utilisateur de mailings

Le secteur de la distribution a été le plus gros utilisateur de direct mail en 2017, avec une part de près de 63 % des dépenses.

Le mailing devant les périodiques

L’analyse des données Nielsen sur les dépenses par type de média montre que le direct mail prend une part de 5,92 % du marché publicitaire.

Courrier publicitaire en hausse

bpost observe une baisse du « domestic mail » ; mais le segment « advertising mail » augmente à contre-courant.

Les cinq secteurs de bpost

Pour ce qui est des mailings, bpost se focalise sur cinq secteurs, comme l’explique Pascal De Greef, managing director business clients mail :

Retail

Le plus gros secteur, destiné à générer de l’affluence dans les magasins chaque semaine ou tous les quinze jours.

FMCG (fast moving consumer goods)

Les grandes marques ressentent l’influence du visionnage différé et de Netflix sur le rendement de leurs spots publicitaires. bpost y répond à travers notamment le ciblage pertinent et l’échantillonnage. Pascal de Greef : « Les dégustations de produits sont traditionnellement proposées dans les supermarchés ou aux carrefours. Nous le faisons à domicile. Notre message est que l’In-Home Advertising fait pénétrer les marques jusqu’au cœur des foyers. Nous les amenons même sur la table de la cuisine. »

Fashion

Les Belges aiment encore faire les boutiques, que ce soit au centre-ville ou le long des grands axes (avec des acteurs comme JBC, E5-Mode), et ce en dépit de la croissance du e-commerce. De Greef souligne aussi que de grands noms du e-commerce comme Zalando ont repris l’In-Home Advertising dans leur media-mix, et qu’ils ouvrent même des magasins physiques.

Automotive

Pascal De Greef : « La voiture reste le moyen de transport privilégié des Belges. L’annonceur aime jouer sur la pertinence, l’émotion et l’activation pour rallier les clients à sa marque. Autrement dit, les points forts du In-Home Advertising. »

Home

De Greef : « La confiance du consommateur est au plus haut. Les gens vont investir : ils ont du travail, et donc un revenu, et les taux d’intérêt sont bas. Les annonceurs eux aussi ont retrouvé toute confiance. »

Le secteur graphique doit davantage penser marketing

Qu’en est-il du marché des sociétés de publipostage ? Daniëlle Vanwesenbeeck (MasterMail) : « J’entends deux sons de cloche : beaucoup se plaignent ; d’autres se disent satisfaits et gardent confiance. Nous faisons partie du second groupe. Cela a à voir, je pense, avec la manière dont l’on se positionne sur le marché. J’ai entendu lors d’un congrès que les entreprises de production du secteur graphique doivent développer davantage un esprit marketeur. Il ne sert à rien de dire combien de machines on possède ou combien de plis on peut mettre sous enveloppe en une heure. Cela n’intéresse pas les clients. Ce qu’ils veulent savoir, c’est ce que cela leur apporte. Il faut leur expliquer à quel point il est important de composer un bon mailing et comment vous pouvez les y aider. Ce qui est une tout autre histoire à leur raconter. »

Du côté de ceux qui se plaignent, tout tourne autour du prix. Vanwesenbeeck : « Ce sont souvent des clients qui veulent toujours moins cher au point de pousser la société de publipostage à travailler à prix coûtant. C’est du nivellement par le bas. Ce type de clientèle n’est pas pour nous. N’importe qui peut remplir une enveloppe, mais tout le monde n’est pas capable d’écrire un bon mailing. »

Rectification

Dans l’article « Le print au service de la culture », paru dans la précédente édition de Nouvelles Graphiques (n°4, p. 47), une erreur s’est glissée. La finition du dépliant « Magritte, Broodthaers et l’art contemporain », des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, n’a pas toujours été sous-traitée à l’étranger, mais aussi en Belgique dernièrement. Spécialisée dans la finition des imprimés, c’est l’entreprise Den Afwerker, établie à Lokeren, qui s’est chargée du pliage des dépliants. Den Afwerker assure la découpe, le pliage et autres types de finition. Exemples: dépliants 2 plis fenêtre (ou tabernacle), brochures agrafées, reliure avec 2 ou 4 agrafes omega, agrafes colorées, pli postal…