Print4All : « Plus que la somme des parties »

28 juin 2018

Selon les dernières données d’Intergraf, l’industrie graphique italienne est la troisième d’Europe en chiffre d’affaires (après l’Allemagne et le Royaume-Uni). Elle vient même à la deuxième place en nombre d’entreprises (après la France). Les imprimeries de la Péninsule doivent malgré tout faire leur deuil de leur foire nationale Grafitalia depuis 2013. Du moins jusqu’à ce mois de mai. Le nouveau salon « Print4All » de Milan s’est en effet tenu dans le cadre d’un événement beaucoup plus vaste dédié à l’industrie manufacturière, lequel a attiré un total de 150 000 visiteurs.

En 2013, le « Grafitalia » drainait encore 18 000 visiteurs conjointement avec « Converflex », le salon professionnel de l’industrie de l’emballage. Mais en 2014, vu la mauvaise passe traversée par la branche et face à des perspectives incertaines, l’organisateur a décidé de rayer l’édition 2015 de l’agenda jusqu’en 2017, après l’année Drupa. Ce report a finalement débouché sur une nouvelle initiative : « The Innovation Alliance ». Celle-ci fédère 5 salons répartis sur les 17 salles des Foires de Milan afin de constituer « le plus grandiose événement d’Europe pour l’industrie manufacturière ». Deux halls sont réservés à « Print4All », résultant lui-même de l’union des forces des salons Grafitalia, Converflex et InPrinting sous le slogan « Plus que la somme des parties » (More than the sum of the parts).

Coup d’œil sur la chaîne

Print4All se déroule donc sous la bannière de The Innovation Alliance en compagnie des salons Plast (pour l’industrie des plastiques et du caoutchouc), Meat-Tech (transformation et conditionnement de la viande), Ipack- Ima (technologies de production et d’emballage) et Intralogistica Italia (systèmes de logistique et de gestion des stocks). Une combinaison singulière à première vue, mais dont l’organisation tient à souligner le focus commun. À savoir l’optimisation de la logistique et de la chaîne de production, qui est le fil rouge reliant les différents constituants. (Et en effet : le visiteur intéressé a pu tout à loisir découvrir dans un premier hall comment les spaghettis sont fabriqués et conditionnés de manière industrielle, dans un autre comment ces emballages sont imprimés, et dans un troisième encore comment des systèmes robotisés disposent intelligemment ces paquets sur des palettes qui sont ensuite fardelées sous plastique – prêtes pour le stockage ou le transport.)

L’industrie graphique en Italie

Tous ces secteurs d’activité pèsent lourd dans la balance italienne. La part des exportations y atteint en moyenne 70 % – avec l’Allemagne, l’Espagne et la France comme principaux pays destinataires. « L’Italie est le deuxième plus gros fabricant de machines industrielles au monde », dit l’organisateur. Selon la fédération professionnelle faîtière Federazione Carta e Grafica, les secteurs de la papeterie, des fabrications mécaniques, de l’imprimerie et de l’emballage ont réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires cumulé de 24,3 milliards d’euros. Au sein de ces quatre branches, les imprimeries sont de loin les plus nombreuses, avec plus de 14 000 entreprises (sur un peu plus de 18 000 au total) et 80 000 salariés (sur près de 170 000). Le chiffre d’affaires de cette industrie (6,6 milliards d’euros) ne la classe malgré tout qu’à la troisième place, après celles de l’emballage (7,5 milliards) et de la papeterie (7,4 milliards). En outre, le secteur de l’imprimerie est le seul de cette fédération à avoir tous les indicateurs au rouge : baisse de 3,5 % du chiffre d’affaires en 2017 par rapport à l’année antérieure ; recul de 7,1 % du volume de production ; et contraction des exportations de 9 % en volume et de 7 % en valeur.

La Federazione met tout en œuvre pour le soutenir. Par exemple, une loi adoptée en 2017 exonère d’impôts les campagnes publicitaires menées dans la presse papier italienne. Le « bonus culture » pour les 18 ans a aussi été prolongé en 2018. Ce règlement encourage notamment les jeunes à acheter des livres, et la Fédération aimerait l’étendre aux journaux et magazines. Toujours dans le but de stimuler la lecture, l’organisation faîtière plaide pour la déductibilité fiscale de l’achat de livres et la prise d’abonnements aux quotidiens et périodiques.

Analyse des tendances

À l’occasion de Print4All, Keypoint Intelligence/Infotrends a mené l’enquête sur les principales tendances à l’œuvre dans l’industrie graphique européenne, et surtout italienne. Ainsi que l’on pouvait s’y attendre, il en est ressorti que le principal moteur d’innovation était la demande changeante de courts tirages et de sur-mesure. La production de ces plus petits tirages constitue de loin le principal défi des imprimeries conventionnelles, à côté également de la maîtrise des changements de travaux sur la presse et de la diminution de la quantité de gâche. Pour les imprimeurs commerciaux, l’offset est toujours la principale source de revenus (44 % en moyenne), mais cette part devrait diminuer progressivement sur les deux prochaines années (jusqu’à 38 %), alors que l’impression numérique se porte de mieux en mieux (de 28 % du chiffre d’affaires actuel à 31 % en 2020).

Cette tendance se traduit aussi dans les plans d’investissement des imprimeries pour les douze prochains mois : en haut de la liste des souhaits, on trouve une presse couleur numérique (61 %), suivie d’une imprimante grand format (36 %). Le troisième achat envisagé est une nouvelle presse offset feuille (avec 30 %). Comme Bob Leahey, analyste chez Keypoint, l’expliquait à Milan : « La plupart des imprimeries souhaitent un mix d’offset et de digital. Avec les presses numériques, elles peuvent libérer de la capacité sur leurs machines offset, lesquelles peuvent alors être affectées aux plus longs tirages. » Le marché de l’imprimé d’emballage offre des perspectives, selon Leahey : « Les emballages sont partout et ce marché ne se contracte pas. » 99 % des imprimés d’emballages sortent encore de presses conventionnelles : « Ces presses se sont énormément améliorées ces dernières années, au point d’être désormais elles aussi en mesure d’imprimer de courts tirages. Inversement, les presses numériques excellent de plus en plus dans les tirages plus longs. Nous allons donc, dans cette industrie également, voir les deux techniques non seulement coexister, mais aussi être de plus en plus intégrées l’une dans l’autre. »

Presses numériques

Sur les emplacements des deux salles occupées par Print4All avec plus de 350 exposants, les presses numériques tenaient le haut du pavé. Aucune presse offset en vue – sauf à se contenter d’une version virtuelle, comme chez KBA, et aussi Komori, qui offrait la possibilité de faire le tour de son showroom européen d’Utrecht avec des lunettes RV. Pas d’offset à signaler non plus chez Heidelberg, qui alignait une Gallus Labelmaster avec unité de dorure, une Scodix Ultra Pro Foil2 (représentée dans sa gamme en Italie), une plieuse Stahlfolder, une machine de découpe Polar Digicut et la nouvelle Versafire EV cinq couleurs à toner. Cette dernière est basée sur la Pro C7200X de Ricoh, qui proposait aussi des démonstrations de ce système lancé dernièrement, à côté de la Pro C9210 pour gros volumes et de l’imprimante à plat grand format Pro T7210.

Kodak était absente et FujiFilm ne montrait aucun matériel. HP en revanche, avait installé une Indigo 12000 sur son stand. Konica Minolta était venue avec une MGI JetVarnisch 3D Evo, pour l’ennoblissement numérique, et une rotative à toner AccurioLabel 190, pour les étiquettes. Canon avait loué un endroit bien en vue pour la presse à jet d’encre feuille à feuille Océ i300, qui remporte un certain succès aux Pays-Bas et en Allemagne (avec 17 installations), mais doit encore percer en Italie. Xeikon montrait une presse 3500, équipée d’un système de vernissage en ligne et d’une coupeuse en feuilles. Après avoir exposé un parc de machines totalement virtuel à la Fespa de Berlin, Agfa était venue à Milan avec un système LED grand format Jeti Tauro H2500. Chez Uteco, la rotative jet d’encre « Gaia » introduite l’an dernier pendant Labelexpo, entrait en action plusieurs fois par jour pour une démonstration.

Primeurs

Print4All a en outre accueilli plusieurs premières. Xerox levait, par exemple, le voile sur l’Iridesse Production Press, annoncée juste avant le salon. Cette presse six couleurs utilise un toner argenté en plus des quadris, ainsi qu’un toner transparent pour produire des effets métalliques. Sur le même stand, on trouvait aussi l’offre intéressante du partenaire italien de Xerox, BiancoDigitale. Cette entreprise a mis au point un module à toner de remplacement, permettant d’adapter une imprimante Xerox C60 ou C70 pour qu’elle puisse imprimer aussi de l’argenté, du doré et du blanc. Au salon, elle montrait même un prototype d’une Xerox Versant, intégrant deux fois le doré, plus l’argenté et un toner transparent. Cette alternative intéressante (qui répond à toutes les normes Xerox) est déjà disponible dans quelques pays européens via les concessionnaires Xerox, mais pas encore en Belgique ou aux Pays-Bas.

Le constructeur italien Omet avait profité du salon milanais pour surprendre le public avec une primeur de la presse à étiquettes hybride Omet Xjet annoncée dernièrement – une combinaison en ligne d’une presse flexo X6 d’Omet et d’une unité jet d’encre Tau 330 RSC de Durst. La configuration bobinebobine exposée au Hall 18 comprenait deux groupes flexo, suivis d’une unité d’impression jet d’encre à huit couleurs, et d’encore deux unités de dorure. La première Xjet sera installée d’ici peu chez Italgrafica Sistemi, à Castelgomberto, où la nouvelle machine hybride remplacera deux lignes de flexographie (sur un total de dix-huit).

Succès pour la première édition

Les organisateurs du salon peuvent se retourner sur une première édition réussie. The Innovation Alliance, qui a offert un espace à un total de 3 500 exposants, est parvenue à attirer 150 000 visiteurs en quatre jours à Milan. Plus de 30 000 d’entre eux se sont aussi rendus à Print4All. 21 % de ces visiteurs graphiques venaient d’en dehors de l’Italie, et surtout de pays qui seront importants pour l’exportation dans les années qui viennent, comme l’Allemagne, l’Espagne, la France, la Turquie et la Russie. L’événement de l’Innovation Alliance figure d’ores et déjà à l’agenda pour 2021.

Ed Boogaard