Apprendre, partager et croître

13 septembre 2018

Prokom est le nom de la communauté des utilisateurs Konica Minolta (KM). Ceux-ci se sont réunis à Budapest, en Hongrie, pour leur deuxième séminaire et événement-réseau en autant d’années. Prokom met l’accent sur l’acquisition des connaissances, le partage du savoir, la croissance et le développement des réseaux. Avec au centre, l’utilisateur Konica Minolta.

  • Kevin Gaskell : “assurez-vous que votre entreprise ait toujours l’air d’une entreprise de classe mondiale, même si vous comptez cinq collaborateurs.”

  • À gauche, François Martin à côté de Joelle Chen. Joelle Chen : “Maman s’est mise à pleurer ; nous étions dans nos petits souliers. Mais notre transformation a réussi.”

Prokom, communauté internationale des utilisateurs KM, compte environ 875 membres. Tout utilisateur KM a accès gratuitement au site Web Prokom et à son flot continu de nouveaux contenus publiés. La plateforme proposait ainsi 29 cours en e-learning début juin, et quelque 14 nouveaux blogs ont été lancés en deux mois de temps. Les derniers « sujets sensibles » étaient alors le web-to-print et la finition, avec des livres blancs sur le façonnage et l’ennoblissement intégrés, ainsi qu’un guide pratique avec outil de planification pour le W2P. Le congrès de Budapest affichait entièrement complet. Une brochette de motivational speakers, de spécialistes de l’industrie et d’utilisateurs ont pris la parole, aussi bien sur la scène que dans les sessions parallèles.

Chief Energy Officer

L’un de ces « conférenciers motivateurs » était Kevin Gaskell, qui a gagné ses galons notamment auprès des constructeurs automobiles Porsche et BMW. Il s’est investi dans la société sud-africaine delvv.io, un forum mondial de professionnels de la création, qui peuvent donner très rapidement un feedback sur des concepts créatifs, des produits de marques, des idées, des schémas et attentes de consommation, etc. La société a été désignée par Fast Company comme la 7e entreprise la plus créative au monde. « Nous sommes le plus grand prestataire de services marketing, et nous n’avons pas de personnel. » La comparaison avec Uber ou Airbnb est vite faite.

De sa fructueuse carrière, Gaskell dit avoir tiré les préceptes suivants : concentrez-vous sur le service-clientèle et surtout partagez votre passion avec vos clients ; on ne va pas assez vite quand tout est sous contrôle ; éliminez les obstacles au changement ; visez votre part d’opportunité plutôt que votre part de marché ; faites le saut, de sorte à ne plus pouvoir revenir en arrière ; trouvez du plaisir au changement ; surmontez votre peur et allez de l’avant, même avec vent contraire ; veillez à toujours renvoyer l’apparence d’une entreprise de classe mondiale, même si vous n’êtes que 5. « L’emballage » y fait malgré tout ; ménagez un cadre de temps créatif pour vos collaborateurs et demandez-leur de venir au bureau avec leur cerveau ; créez des leaders pour chaque fonction au sein de l’entreprise ; travaillez avec un plan à 1 000 jours (plutôt que sur un horizon trisannuel) et tronçonnez-le en petites périodes tangibles dans lesquelles des objectifs doivent être réalisés ; la nostalgie est la plus grande ennemie du changement.

Kevin Gaskell est CEO de son entreprise : « Chief Energy Officer », ainsi qu’il se définit. « Mon job est celui d’un créateur d’idées. Mes collaborateurs sont mes champions. À moi de veiller à ce que nous effectuions ensemble un parcours fructueux. » Le fil rouge dans l’histoire de Gaskell, preneur de risques oui, mais calculés, est l’acceptation résolue du changement : apprendre à vivre avec l’incertitude et oser faire le saut. Ce qui, en traduction libre pour les utilisateurs Konica Minolta présents dans la salle, signifie ceci : ne craignez pas d’investir dans les nouvelles technologies et lancez-vous avec un partenaire fiable, qui voit le partage du savoir comme un levier important.

Persistance de l’émotion dans le monde en ligne

5 ans et 7 mois durant, le Français François Martin a été Head of Global Marketing de la division Graphic Solutions d’HP et évangéliste numérique du constructeur américain. Consultant indépendant et stratège de l’innovation depuis un an, Martin est régulièrement invité en tant qu’orateur pour des conférences. Il y répète inlassablement ce que nul n’ignore désormais : à savoir que l’utilisation du média imprimé est en recul structurel. Et ce face à un numérique omniprésent. « Que cela plaise ou non, le papier est perçu comme un déchet, à une époque où la dimension durable prend de plus en plus d’importance », dit Martin. Il poursuit : « Dans l’esprit de Darwin et de l’évolution des espèces, certaines catégories d’imprimés ne vont plus se développer. Ou bien elles vont disparaître et être remplacées par d’autres types d’imprimés ou de canaux médias. Mais la vraie vie n’est pas online. Voilà pourquoi le print reste un canal de communication efficace lorsqu’il s’adresse à l’émotion : aux espèces émotionnelles pour continuer à broder sur la réflexion de Darwin (l’exposé de François Martin a pour thème la puissance de l’ennoblissement). Des géants technologiques tels qu’Amazon et Facebook comprennent que l’imprimé a de la valeur et ils l’utilisent à des fins de marketing direct. Nous sommes paresseux de nature et enclins à préférer la facilité et le confort. Les clients aussi. Vous possédez les relations-clients. Déchargez-les de leurs soucis et offrez-leur de nouvelles applications et de nouveaux services. Résolvez leurs problèmes et expliquezleur comment l’imprimé fait partie intégrante de leur campagne de communication. Ne considérez pas le online comme l’ennemi. Dites toujours oui et collaborez avec d’autres si vous ne pouvez pas le faire vousmême, ou que vous n’en avez pas les capacités en interne. Et si vous n’avez pas suffisamment de besogne pour justifier l’acquisition d’une machine d’ennoblissement sophistiquée ou d’un stock de supports, pourquoi ne pas les partager avec d’autres ? Pourquoi ne pas exploiter en commun un équipement ou une plate-forme en ligne ?

François Martin dispense encore quelques tuyaux : montrez des échantillons à vos clients et prospects pour qu’ils voient ce que vous pouvez réaliser avec l’ennoblissement ; organisez des journées portes ouvertes et des rendez-vous créatifs. Pas une fois, mais 2, 3, 4 fois sur l’année. Jamais moins d’une fois ; implémentez les idées de manière structurelle car des idées, tout le monde en a ; l’ennoblissement est une bonne voie mais la machine seule ne suffit pas. Il faut davantage. Comme une base de données des clients et prospects auprès desquels promouvoir les possibilités de l’ennoblissement, un opérateur prépresse spécialisé qui peut y consacrer du temps, et surtout la volonté de le faire et d’en faire quelque chose.

Bon pied bon œil à 145 ans

Toshi Uemura, General Manager de Konica Minolta et président du conseil d’administration de Prokom, où siègent par ailleurs 4 utilisateurs, raconte comment Konica Minolta a survécu à 145 ans d’histoire dans le domaine de l’impression et de l’imagerie, pour continuer à grandir aujourd’hui. Elle a pourtant vu disparaître son cœur de business à trois reprises au cours de son existence. Le secret derrière la stratégie de survie : l’orientation client et la prédisposition au changement. Konica Minolta possède aujourd’hui une participation importante dans le constructeur de machines d’ennoblissement MGI. Elle développe ses propres têtes inkjet mais a annoncé le 1er juin de cette année avoir racheté la division de Panasonic active dans le jet d’encre industriel. Une acquisition qui lui permet de viser de nouvelles applications, notamment avec des encres conductrices. À côté de ses systèmes d’impression à toner, Konica Minolta propose aussi la KM1, presse jet d’encre de format B2. « Nous investissons beaucoup en R&D (8 % du chiffre d’affaires, selon l’entreprise), ce qui nous ouvre la voie de nouvelles applications, mais nous sommes également dépendants de nos clients. ». S’ils ne prospèrent pas, nous non plus. » Alors, toner ou jet d’encre, demande une personne dans le public. Uemura : « Il n’y a pas de réponse toute faite. Tout dépend de l’application. L’offset évolue en général vers le jet d’encre. Ce qui ne veut pas dire que ce procédé va disparaître. Et pour ce qui est du toner, je renvoie volontiers à nos presses à étiquettes à toner bobinebobine d’entrée de gamme. Nous en avons vendu plus de 200 exemplaires à ce jour. Nous sommes arrivés tardivement dans le segment de l’étiquette, mais preuve est ainsi faite qu’il existe bel et bien un marché pour cette technologie de presse. Il en va de même pour d’autres systèmes d’impression à toner d’applications documentaires. »

Premier utilisateur de la KM-1 en Australie

La première KM1, presse jet d’encre B2 de Konica Minolta, a été acquise par Jossimo Print, à Melbourne. « Un investissement lourd pour une entreprise de 14 personnes au chiffre d’affaires de 3 millions de dollars », dit son propriétaire Simon Crabtree. La machine a été achetée pour son centre d’impression (Jossimo), qui dessert ses trois boutiques en franchise Minuteman Press. Crabtree : « Nous n’avons jamais eu de presses offset ; uniquement des imprimantes à toner. Ce qui nous en fait à présent six au total. Nos clients et nous voulons une qualité supérieure, une vitesse plus élevée et la possibilité d’imprimer sur un plus grand nombre de supports. Le toner est physiquement limité en termes de cadence, et la chaleur dégagée par la machine impose des restrictions quant aux types de substrats. Pourquoi dès lors ne pas oser le jet d’encre ? Nous avons acheté la presse sans savoir si nous aurions suffisamment de volume pour l’alimenter. Le jet d’encre UV nous permet d’obtenir des imprimés insensibles à la rayure sur un large éventail de supports. Et ce sans traitement préalable ; d’où notre choix. De plus, nous ne payons pas de prix au clic, ce qui a également fait pencher la balance. Nous ne voulions pas non plus être la énième imprimerie à installer une HP Indigo de plus en Australie. Une machine plus exclusive rend un prestataire unique. D’un point de vue mécanique, une presse jet d’encre est plus simple qu’une imprimante à toner, car elle contient moins de pièces mobiles. Ce qui n’est pas négligeable sur le plan de la maintenance. L’opérateur de la KM1 chez Jossimo Print est l’un de nos anciens designers. Au bout de 6 semaines, nous étions opérationnels (septembre 2017). Nous avons cessé de vouloir comparer ou aligner les sorties de la KM1 sur celles des HP Indigo. Nous le faisions au début, mais à la longue, nous perdions le contrôle de nos activités. Aujourd’hui, nous faisons la promotion de Jossimo et pas de la KM1. Comment nous procédons et ce que nous faisons pour recruter de nouveaux clients ? En leur téléphonant et en leur disant que nous avons quelque chose de beau à leur vendre. Regardez ce que nous pouvons faire ; voici notre qualité et voilà nos prix. La qualité d’impression est super. Cela nous a valu pas mal de nouveaux clients pour commencer. » (Ndlr : Crabtree a l’expérience de la vente téléphonique ; il était jusque-là propriétaire d’un call center). Le parcours d’apprentissage de la KM 1 a toutefois pris un certain temps : « Il nous a fallu entre 6 et 9 mois pour être vraiment à l’aise avec le produit. Au début, nous avons donc surtout essayé de vendre la technique, mais cette approche n’était pas la bonne.

Gamut élargi en CMJN plutôt que tons directs

La presse feuille à jet d’encre monopasse Konica Minolta Accurio-Jet KM-1 est une machine CMJN. N’est-ce pas problématique pour les couleurs spéciales, souhaite savoir un autre utilisateur KM dans l’assemblée. Crabtree : « Plus de 99 % de notre travail est en quadrichromie. Nous n’avons donc pas besoin d’une cinquième couleur. » Toshi Uemura, de Konica Minolta, reviendra par après sur le sujet : « Une étude indépendante d’un cabinet renommé a montré que les clients n’étaient pas tellement demandeurs de couleurs spéciales supplémentaires. À quoi bon ajouter des têtes d’impression à grand frais pour des couleurs d’appoint, si celles-ci restent inutilisées dans la machine ? Nous avons choisi de plutôt créer un gamut étendu à partir des quatre couleurs de base. » La KM-1 à 1 200 x 1 200 dpi utilise un nouveau jeu d’encres UV, qui couvre l’espace chromatique Japancolor.

La transformation stratégique de Superskill

Joelle Chen est à la tête de l’entreprise familiale Superskill, à Singapour. Elle explique comment elle s’y est prise pour mener à bien la transformation de la société et prendre pied sur de nouveaux marchés.

Chen est architecte de formation. Elle a repris Superskill, atelier de copie et d’impression, des mains de ses parents. Constatant l’état de santé précaire de l’entreprise, Chen comprit qu’il y avait urgence. Au cours de son processus de transformation, elle a pu compter sur l’aide de l’Anglais Neil Falconer, de Print Future.

Chen : « Le monde était en train de changer et Superskill restait à faire du surplace : empreinte numérique minimale, pas de site Web interactif, aucune présence sur les médias sociaux, pas de stratégie digitale, logiciel de comptabilité sous MS-DOS, gestion de la relationclient inexistante, impossible de savoir sur quels jobs nous gagnions de l’argent, aucun nouveau client depuis des années, une équipe créative très, très, basique, pas de prise de décision basée sur les données… Nous avions juste prolongé les contrats de leasing pour 5 ans ! Un premier exercice important a été de déterminer quelles activités nous voulions commencer à déployer, comment nous pensions réaliser cela et comment faire pour positionner Superskill en ce sens. Nous avons alors convenu qu’il fallait recruter de nouvelles compétences dans les catégories suivantes : Concept (design/marketing/photographie/branding/copywriting) ; Social (marketing sur les médias sociaux) ; Web (webdesign/interface utilisateur) ; Digital Publishing (plate-forme d’édition/content marketing). Pour la catégorie Publish (création de contenus pour le B2B et le B2C), nous continuerions momentanément à collaborer avec un partenaire. Sortir du déni a représenté en soi une bonne part du processus. Nous avons confronté le personnel aux faits et comparé leurs compétences aux attentes du marché. Nous voulions savoir comment l’on travaillait chez Superskill. Un exercice difficile quand on sait à quel point la communication ouverte est malaisée en Asie. Maman s’est mise à pleurer ; nous étions dans nos petits souliers. La transformation de l’entreprise a finalement eu un sérieux impact sur les travailleurs. Superskill emploie 25 personnes. L’âge moyen avant les changements était de 48 ans. Aujourd’hui, c’est plutôt le milieu de la vingtaine. Mais notre transformation a réussi. » Superskill se décrit comme un prestataire de services marketing à guichet unique. Voir son site Web www.superskill. com. Chen a encore quelques conseils importants pour les participants à Prokom : n’ayez pas peur d’essayer et d’expérimenter ; scindez le processus de changement en parties plus petites et visez des « quick wins » ; travaillez ensemble et pensez en termes de plates-formes en ligne. Conclusion de Chen : « Chez Superskill, nous n’avons pas changé la technologie mais bien la stratégie. »

Le message de Prokom aux participants est clair : la nostalgie est le plus grand ennemi du changement. Le secteur graphique d’hier n’existe plus. Et sur un marché en déclin, il s’agit de dénicher et de reconnaître de nouveaux terrains de chasse et de nouvelles applications. Ce que Joelle Chen, de Superskill à Singapour, a elle-même pensé de l’événement ? « J’ai trouvé que Prokom était équilibré et orienté action et exécution. J’en ai retenu des choses concrètes, que j’ai pu m’approprier et appliquer à ma propre situation. Et aussi des best practices à recommander, avec des entreprises comme Nettl en Print Panther comme sources d’inspiration. Les conférences ont tendance à en abuser en général, mais là, on a pu tout à loisir étoffer son réseau et apprendre des autres. Et même, s’accorder du temps pour y réfléchir.

Alain Vermeire