Les presses jet d’encre feuilles et les opportunités de marché

25 octobre 2018

Des systèmes d’impression toner feuille à feuille aux systèmes jet d’encre en bobine, un creux technologique était encore à combler dix ans auparavant. Les spécialistes en parlent comme étant une « zone de disruption ». Technologie jeune, mais prometteuse, l’impression numérique jet d’encre feuilles ouvre à présent la voie à de nouvelles opportunités dans les arts graphiques et le packaging.

  • L’Océ VarioPrint i300 de Canon.

  • L’impression jet d’encre feuilles crée de nouvelles opportunités d’affaires, principalement dans l’impression commerciale et l’emballage en carton.

  • La Brenva HD de Xerox

  • La T2 de Riso

  • La fujifilm Jet Press 720S.

  • Le prototype Voyager de Canon.

  • La Primefire 106 de Heidelberg.

  • La VariJET 106 de Koenig&Bauer.

  • La HP PageWide C500 pour carton ondulé.

  • La EFI Nozomi C18000 pour carton ondulé.

  • La Komori Impremia IS29.

  • Le procédé d’impression nanographique de Landa.

  • La presse nano Landa S10.

  • L’AccurioJet KM-1.

  • La Komori Impremia NS40.

La révolution de la technologie jet d’encre couleur feuille à feuille de production a commencé il y a une dizaine d’années. Précisément en 2008, lorsque Fujifilm présenta pour la première fois la première presse de ce genre, la JetPress 720 (format B2), à la Drupa. Cependant, elle ne fut commercialisée qu’à partir de la Drupa 2012. Trois ans plus tard, une deuxième presse fit son apparition sur le marché du jet d’encre feuille à feuille : l’Océ VarioPrint i300 de Canon (B3). Ces types de presses ont connu leurs premiers succès avec des applications telles que catalogues, brochures, direct mail à données variables, livres… mais aussi dans le transactionnel pour des presses jet d’encre feuilles B3. Depuis, une dizaine de constructeurs de presse développent leur propre solution d’impression jet d’encre feuilles pour combler le fossé entre la production numérique laser et jet d’encre en continu. Pour les presses de cette même technologie, mais d’un niveau de productivité supérieur en format B1, on dit aussi qu’elles allient le meilleur des mondes numérique et offset. Lors de la dernière Drupa 2016, les nouveaux développements de tous ces fabricants ont véritablement pu se faire connaître, avec un démarrage des premières ventes en 2017 et 2018 (après Fujifilm et Canon). Aujourd’hui, Fujifilm en est à sa deuxième version améliorée de la presse rebaptisée JetPress 720S en 2014 et Canon parle maintenant d’i-Series avec l’introduction de l’Océ VarioPrint i200 en avril 2017, une version moins productive que l’i300. Canon, Heidelberg, Komori, Konica Minolta, Xerox, Koenig & Bauer, Landa, Riso, HP et EFI sont les fabricants qui offrent des solutions dans la technologie jet d’encre feuille à feuille couleur. Il y avait aussi eu par le passé le fabricant Screen avec la Truepress Jet SX pour le carton, mais celui-ci a préféré abandonner ce segment au profit des solutions jet d’encre bobine, comme la Truepress Jet 520 HD. Le fabricant juge en effet cette technologie plus prometteuse pour le marché du papier.

Pour se faire une idée du marché aujourd’hui, on compte actuellement près de 118 installations de presses jet d’encre feuille à feuille en Europe. Parmi elles, une trentaine de JetPress et 64 Océ VarioPrint (qui représentent en moyenne 1,8 million d’impressions A4 par mois). Dans le reste du monde, ce sont plus de 156 autres presses qui ont été installées ou qui sont prochainement en cours d’installation. Il s’agit d’une estimation qui ne comprend pas les installations de Xerox, Komori hors Europe et Konica Minolta, préférant garder les chiffres sous silence. Konica Minolta avait néanmoins annoncé en début d’année 30 installations mondiales, voire 50 d’ici fin 2018. Tandis que Koenig & Bauer est encore en cours de développement de la presse VariJet 106 (B1) et prévoit sa commercialisation d’ici la Drupa 2020 avec un premier site bêta en 2019, probablement en Europe de l’Est. La VariJET 106 était à l’origine développée en partenariat avec Xerox, mais Koenig & Bauer a décidé d’y mettre fin début 2018, après trois ans de collaboration, pour se concentrer sur le segment du carton, qui représente 50 % de ses ventes. « Koenig & Bauer et Xerox étaient à la recherche de partenaires. Le but de Xerox était de rentrer sur le marché du carton pliant et Koenig & Bauer d’acquérir des compétences dans le jet d’encre. Mais à présent, les deux fabricants poursuivent des intérêts de marché différents », explique Maik Laubin, directeur des ventes des solutions numériques de Koenig & Bauer. Quant à Heidelberg, celui-ci annonce un carnet de commandes de la Primefire 106 (B1) rempli jusqu’en 2020 et six sites bêta dispersés en Allemagne (3), en Suisse, aux États-Unis et en Chine.

En Belgique, seules trois imprimeries connues et renseignées ont investi dans la technologie jet d’encre feuilles. Packaging4Professionals (Charleroi) a fait le choix de la Fujifilm JetPress 720S en 2015 pour la production à la demande d’emballages sur carton plat de haute qualité en faible volume. Cette entreprise base son modèle d’affaires sur le Lean Management avec une production juste-à-temps. Spécialisée dans la production de livres à données variables ou non et d’autres produits reliés, l’imprimerie numérique Provo (Gierle) a investi dans une Océ VarioPrint i300 en 2017. Enfin, le service web-to-print ZwartOpWit.be de l’imprimerie Bulckens (Herenthout) possède depuis mars 2018 une Komori Impremia IS29 à jet d’encre UV pour la production d’imprimés commerciaux.

Avec leur propre technologie jet d’encre feuilles, les constructeurs partagent le même objectif : atteindre une qualité d’impression aussi bonne, voire meilleure, que celle de l’offset. Avec la baisse des hauts volumes de production, les délais toujours plus courts et l’impression à données variables en croissance, la technologie jet d’encre feuilles est vue comme la solution idéale pour une production efficace et rentable. C’est en effet grâce à sa flexibilité que le jet d’encre feuille à feuille ouvre un monde d’opportunités dans la zone de disruption entre les imprimantes électrophotographiques à feuilles et le jet d’encre en continu. Dans le toner, la technologie arrive à maturité avec des vitesses plafonnant à environ 150 ppm, tandis que le jet d’encre en bobine, bien que très productif, offre une production moins flexible et une qualité d’impression inférieure à l’offset. Avec le jet d’encre feuilles, les imprimeurs peuvent produire plus qu’avec des systèmes toner, sans compromis sur la qualité tout en privilégiant la production à contenu variable. Tout l’enjeu des constructeurs est d’offrir un système d’impression jet d’encre qui offre un bon équilibre entre les différents critères de base suivants : niveau de qualité, productivité, format, gamme de supports, flux et coût d’utilisation. Technologie destinée aux applications graphiques de haute qualité, les solutions jet d’encre feuilles se partagent entre les segments de marché suivants : d’un côté l’impression commerciale (brochures, direct mail, etc.), l’édition et le transactionnel et de l’autre le packaging (carton plat et carton ondulé).

Impression commerciale et édition

Le secteur de l’impression commerciale et de l’édition étant déjà familiarisé aux technologies d’impression numérique, le jet d’encre feuilles n’a pas trop de mal à approcher ce secteur. La plupart des fabricants visent d’ailleurs directement le segment des imprimés commerciaux, transactionnels et de l’édition. Exemples d’applications : publipostage, catalogues, livres, magazines, affiches, calendriers, etc. Le plus souvent, les systèmes d’impression jet d’encre feuilles utilisent des encres pigmentées à base d’eau et impriment en recto-verso. On retrouve ainsi les presses de Xerox et de Canon – qui a déjà une longue expérience dans le domaine du jet d’encre et du feuille à feuille. Ces systèmes impriment jusqu’au format B3 à une résolution de 600 x 600 dpi avec des têtes Kyocera. Les VarioPrint i300 et i200 ont respectivement une vitesse de 300 et 200 images A4 par minute et impriment jusqu’à 488 x 320 mm. Quant à la Brenva HD de Xerox, une seconde version a été lancée en septembre dernier et affiche une productivité augmentée de 297 images A4/minute (364 x 520 mm) au lieu de 197 auparavant. La Brenva HD ressemble à une Xerox iGen (toner) avec le même trajet papier. Chez Canon, la presse supporte des papiers allant de 60 à 300 g/m2 et chez Xerox, de 60 à 270 g/m2 (auparavant max 220 g/m2). En parlant de production flexible, tous deux vantent la possibilité de pouvoir combiner différents supports dans un même job grâce à leurs systèmes jet d’encre feuilles. Ces types de presse visent les imprimeurs qui souhaitent aller plus loin que ce qui était possible avec l’impression toner. Marc Laruelle, Product & Application Business Developer de Canon, parle ainsi de quatre types d’utilisateurs de presse jet d’encre feuilles : « Il peut s’agir d’imprimeurs qui veulent reprendre des volumes du monde de l’impression toner feuille à feuille. Une VarioPrint peut ainsi remplacer jusqu’à quatre plus petites imprimantes toner. Une presse jet d’encre feuilles peut aussi être placée en complément à une presse jet d’encre en continu pour reprendre une partie des petits volumes. Elle peut aussi permettre de transférer les plus petits tirages du monde offset. Ce qui offre deux atouts aux imprimeurs : pouvoir répondre aux demandes qui n’auraient pas été rentables en offset et optimaliser la production offset en libérant les machines des petits tirages. Enfin, le jet d’encre feuilles permet de réaliser de nouvelles applications qui n’existaient pas auparavant en offset. Il faut ici compter sur l’audace et l’imagination des imprimeurs en termes de développement commercial. Par exemple : l’impression à données variables et les applications personnalisées basées sur le Big Data. » Bien que l’investissement dans le jet d’encre feuilles est supérieur à celui des systèmes utilisant des toners, le coût de fonctionnement s’avère être par contre plus faible.

Avec sa nouvelle imprimante jet d’encre feuilles T2 à deux moteurs, Riso offre une autre solution qui imprime jusqu’à 320 ppm pour un format de papier de 340 x 550 mm et un grammage maximum de 210 g/m2 à une résolution de 300 dpi en CMJN (600 dpi pour le noir). Riso utilise ses propres têtes jet d’encre qui projettent des encres pigmentées à l’huile et sèchent rapidement à froid. Aux Pays-Bas, l’agence de marketing direct DM+ est la première au monde à s’équiper de l’imprimante T2 et vise les applications de documents transactionnels et de mailings. Auparavant, Riso commercialisait déjà les systèmes similaires ComColor de la série GD, mais celles-ci sont au moins deux fois moins rapides. Selon une porte-parole de Riso, la technologie Riso offre une solution à faible investissement pour la production de documents de communication qui ne nécessite pas nécessairement une qualité graphique maximale. Le coût d’entrée du jet d’encre feuilles B3 avoisine le million d’euros, pour les ComColor de Riso c’est deux fois moins.

Toujours pour les applications commerciales, mais au format B2, on retrouve la Jet Press 720S de Fujifilm. Celle-ci est souvent présentée dans les médias comme une presse pour carton plat, mais seule une poignée d’utilisateurs (4 en Europe) sont actifs dans le domaine de l’emballage, selon Fujifilm. Récemment, une Jet Press 720S a été installée en Allemagne chez Ebro Color pour la production d’emballages et de présentoirs en carton. Mais Mark Stephenson, Product Manager des systèmes d’impression numériques chez Fujifilm, confirme que la Jet-Press 720S vise avant tout les applications commerciales de haute qualité (catalogues, brochures, livres photo, DM à données variables, couvertures de livre, etc.). « Au moment de lancer la Jet Press, Fujifilm ne pouvait imaginer comment le marché accepterait la technologie jet d’encre feuilles. Nous savions que les petits tirages seraient populaires. Fujifilm s’attendait plutôt à rivaliser avec les imprimantes numériques toner comme Ricoh, HP, Xerox et Konica Minolta, mais au lieu de cela Fujifilm a vu la demande venir des offsettistes gérant des petites séries. Les imprimeurs qui souhaitaient investir dans une presse offset UV, LED ou HUV étaient souvent à la recherche de ce que la Jet Press pouvait fournir, c’est-à-dire une production et une rotation rapides », explique Mark Stephenson. Équipée de têtes Fujifilm Samba (1200 x 1200 dpi), la Jet Press 720S imprime 2700 f/h jusqu’à 750 x 532 mm, uniquement en mode simplex et accepte des papiers couchés (mats, brillants ou satinés) de 127 à 340 g/m2. La technologie d’impression en CMJN permet de couvrir un spectre de couleurs Pantone jusqu’à 85 % pour les papiers couchés. À la question de savoir pourquoi la Jet Press imprime uniquement en recto, Mark Stephenson ne fait pas directement référence au secteur de l’emballage, mais parle plutôt de qualité : « Il est plus compliqué d’imprimer en duplex avec des encres aqueuses, cela est plus facile avec des encres UV grâce au séchage instantané, mais la qualité n’est pas optimale pour nous. Et puis, les encres UV excluent la production d’emballage alimentaire. » La presse utilise des encres aqueuses qui sont séchées à l’air chaud et l’IR. Par ailleurs, Fujifilm manifeste son intérêt dans l’emballage alimentaire primaire avec le lancement récent d’une encre aqueuse à faible migration qui satisfait différentes réglementations, dont l’Ordonnance suisse. L’encre adaptée au contact alimentaire a été spécialement formulée pour fonctionner avec un vernis aqueux ou UV déposé en ligne ou quasi en ligne.

Une autre presse qui est encore à l’état de prototype mérite d’être mentionnée dans cette catégorie. Lors de la Drupa 2016, Canon avait dévoilé le prototype Voyager, une presse jet d’encre de production au format B2+ (765 x 580 mm) destinée aux applications photo (2400 x 1200 dpi). La presse est dotée de 4 ou 7 couleurs et d’un optimiseur de brillance et devrait produire environ 3000 f/h en mode duplex. Les médias supportés vont de 60 à 450 microns en mode duplex et jusqu’à 600 microns en mode simplex, que ce soit des papiers couchés ou non ou brillants. La Voyager a en outre la particularité d’être équipée d’une entrée et d’une sortie papier offset. Canon vise avec cette presse spécifiquement la production d’applications photo à forte valeur ajoutée telles que les catalogues, brochures et autres publications marketing pour des marques de luxe, l’immobilier, agences de voyage, produits alimentaires, etc. Mais aussi la production photographique classique (livres photo, etc.). La Voyager pourrait être commercialisée à partir du second semestre 2019.

Packaging

Le secteur du packaging n’a pas encore entamé sa transition vers le numérique et se trouve aujourd’hui confronté à la problématique des courts tirages, du versioning et de la personnalisation. Le secteur se trouve encore au même stade que ce qu’a connu le monde de l’offset au moment de l’introduction de l’impression numérique. De ce fait, l’adoption numérique reste encore faible dans l’emballage. Cependant, la plupart des constructeurs de presse y voient un important potentiel de croissance. Ils sont en effet convaincus que le jet d’encre feuilles est la réponse aux difficultés que rencontre actuellement le secteur de l’impression d’emballages.

Parmi les presses jet d’encre feuilles principalement destinées à l’emballage, il faut distinguer deux types de segments : le carton plat et le carton ondulé. Deux presses jet d’encre feuilles sont exclusivement conçues pour les emballages sur carton plat : la Primefire 106 de Heidelberg, basée sur la presse offset Speedmaster XL 106, et la Vari-JET 106 de Koenig & Bauer qui est quant à elle basée sur la presse offset Rapida 106. Dans ce segment, les presses jet d’encre feuilles sont au format B1, impriment en simplex et utilisent des encres pigmentées à l’eau. Ces presses B1 s’adressent aussi directement aux imprimeurs offset industriels qui exploitent des unités au format 72 x 102 cm – y compris pour les presses Landa S10/S10P, les Komori Impremia IS29 et NS40 et l’AccurioJet KM-1 de Konica Minolta. Mais nous y reviendrons plus loin. Même si la productivité en jet d’encre B1 est encore plus importante dans ce segment de presses, elle reste néanmoins bien inférieure à celle de l’offset. Cependant, l’atout du jet d’encre feuilles est de permettre aux imprimeurs d’emballages d’accéder à l’impression à données variables pour des produits uniques ou en plusieurs variantes. D’autant plus quand on sait que les designs changent rapidement dans le monde de l’emballage pour tenir compte des promotions saisonnières ou ponctuelles ou de gamme de produits diversifiée. « Les clients dans l’emballage sont en demande de solutions pour des tirages courts, des délais rapides et des applications personnalisées. Le but est d’augmenter la flexibilité des transformateurs de carton pliant », dit Maik Laubin de Koenig & Bauer.

Équipée de têtes Samba, la Primefire 106 utilise la même technologie d’impression (1200 x 1200 dpi) que Fujifilm et des encres à l’eau de Heidelberg conforme à l’Ordonnance suisse pour les emballages alimentaires primaires. La Primefire 106 imprime 2500 f/h, soit 1,5 million de feuilles par mois, ou 4500 f/h en 1200 x 600 dpi. Elle est dotée de 7 couleurs (CMJN + orange + vert + violet) qui permettent de couvrir 95 % des couleurs Pantone. Un vernis total ou repéré est possible sur la presse, qui gère principalement des papiers couchés de 170 à 450 g/m2 et de 0,2 à 0,6 mm d’épaisseur. Il n’est pas impossible que la gamme de papiers couchés et non couchés, la gamme d’épaisseurs supportée ainsi que la résolution et la vitesse augmentent dans le futur, selon Geert Van Acker, Digital Print & Prinect Sales Consultant de Heidelberg Benelux. Des tests sont encore actuellement effectués sur des papiers couchés moins épais afin d’envisager des installations dans les imprimeries commerciales. En dehors du packaging, Heidelberg vise aussi un marché secondaire pour la production de calendriers, couvertures de livre, affiches, couvertures CD, livres photo, etc. Toujours en phase de test bêta, la Primefire devrait pouvoir atteindre 5000 f/h avec de nouveaux modes de productivité.

Pour la VariJET 106 de Koenig & Bauer, il s’agit d’une presse modulaire intégrant des solutions d’ennoblissement en ligne (vernis, dorure et pelliculage à froid et découpe en sortie) comme en offset. Dédiée à la production de produits en carton comme les boîtes et étuis pliants, la VariJET 106 (simplex) est équipée de 7 couleurs et d’encres aqueuses et imprime à une résolution de 1440 dpi. Le fabricant annonce une couverture du spectre de couleurs Pantone de 90 %. La vitesse peut atteindre 4500 f/h pour un format de feuille de 75 x 106 cm et de 0,2 à 0,6 mm d’épaisseur. La presse de Koenig & Bauer prévoit également des encres compatibles avec les emballages alimentaires. L’investissement pour des presses jet d’encre au format B1 se situe entre 3 à 4 millions d’euros. Dans le domaine du packaging, une prochaine solution d’impression reste à venir du côté de Konica Minolta. Le fabricant a en effet présenté lors de la dernière Drupa le prototype KM-C pour le marché du packaging.

En marge de la technologie jet d’encre feuilles, HP et EFI offrent chacun une solution très grand format qui est spécifiquement dédiée à l’impression de carton ondulé. Il s’agit des presses HP PageWide C500 et EFI Nozomi C18000 qui impriment toutes deux 75 mètres linéaires par minute. La Nozomi (format 1,8 x 3 m) imprime avec des encres UV (7 couleurs + blanc) à 360 x 720 dpi sur du carton ondulé max. triple épaisseur. Tandis que la Page Wide C500 (1,32 x 2,5 m) imprime avec des encres aqueuses compatibles avec la norme alimentaire à 1200 dpi sur du carton ondulé, de la cannelure F à double cannelure BC.

Segmentation mixte

Avec leurs solutions jet d’encre feuilles, les autres fabricants Landa, Komori et Konica Minolta se situent aussi bien sur le segment de l’impression commerciale que du packaging. À l’imprimeur de trouver les applications qui lui correspondent le mieux. Avec ses presses S10 et S10P (P pour Perfecting), Landa vante sa technologie aussi bien pour les imprimés commerciaux (S10P) que l’impression de carton et PLV (S10). Après des sites bêta en 2017 en Israël, Allemagne et aux USA, quatre installations européennes sont prévues en 2019 en Allemagne, France, Suisse et au Royaume-Uni. Par exemple, l’imprimerie britannique Route One Print a choisi la presse recto verso S10P pour accompagner sa transition vers un modèle d’impression à la demande. Elle prévoit de produire avec la presse nanographique des couvertures de livre ainsi que des flyers et des dépliants de petites et moyennes séries. En suisse, l’imprimerie Schelling AG, spécialisée dans l’emballage en carton pliant et la PLV, investit dans une Landa S10. Les presses S10/S10P de format B1 (75 x 105 cm) impriment 6500 f/h (3250 en recto verso) avec des encres à l’eau à 1200 dpi. La S10 (recto) imprime sur des supports de 60 à 800 microns et la S10P de 60 à 600 microns en mode duplex. Les presses nano de Landa couvrent jusqu’à 95 % des couleurs Pantone.

Komori offre deux presses jet d’encre feuilles de format différent pour les imprimeurs numériques traditionnels ou d’emballages. L’Impremia IS29 est une presse développée en partenariat avec Konica Minolta et est équipée des têtes jet d’encre de ce dernier. « L’objectif de l’IS29 est de convenir à un maximum de domaines d’activité. Elle est pertinente dans une imprimerie commerciale, mais reçoit aussi de plus en plus de demandes du secteur du packaging. Dans ce dernier cas, l’objectif est de produire des micro-séries et/ou de faire de la personnalisation », explique François Trollé, directeur commercial de Komori France. L’IS29 est inspirée de la presse offset Komori Lithrone GL29 et est dotée d’encres UV avec séchage LED UV. Elle imprime en CMJN 3000 feuilles B2 par heure en recto (recto verso aussi possible).

Dans le segment du format B1, Komori met en place une autre solution qui doit entrer en phase de tests et qui devrait être commercialisée d’ici la Drupa 2020. Cette phase permettra en outre d’affiner les cibles potentielles. Il s’agit de la Komori Impremia NS40 (75 x 105 cm) développée en partenariat avec Landa. La NS40 utilise le même mode d’impression nanographique et les mêmes encres à l’eau que Landa tout en intégrant la technologie de contrôle Komori. « Le film d’encre déposé sur le support via un blanchet ne fait que 500 nanomètres d’épaisseur, soit deux fois moins qu’une impression offset », dit François Trollé. La NS40 produit 6500 feuilles B1 par heure (3250 en recto verso) en CMJN ou 7 couleurs sur tous types de supports (couchés, non couchés, métalliques, carton, synthétique, etc.) de 60 à 800 microns. Un vernis flexo est possible. Le choix du recto verso sur les deux presses jet d’encre de Komori n’est pas anodin : « Cela permet d’être présent sur les segments de l’impression commerciale et de l’emballage, c’est aussi plus intéressant pour faire de la donnée variable. Le secteur de l’emballage peut aussi être intéressé par la personnalisation et d’imprimer à l’intérieur des emballages », dit François Trollé.

Enfin, il reste l’AccurioJet KM-1 de Konica Minolta développée pour les environnements offset et numérique. Il s’agit d’une presse jet d’encre UV avec séchage LED UV de format B2+ (585 x 750 mm) qui produit 3000 f/h (ou 1500 en mode duplex) avec des supports de 60 à 600 microns ou max. 450 microns en recto verso. « Ce qui ouvre des opportunités dans le direct mail et l’emballage léger et les supports spéciaux comme le plastique pelliculé pour des cartes de fidélité, mais aussi la production de livres qui est un important secteur de croissance. L’encre UV a la capacité d’imprimer sur une quantité de substrats différents, permettant d’étendre la gamme d’applications », dit Peter Veldhuysen, Manager Sales & Marketing Professional Printing de Konica Minolta. Selon le fabricant, la presse qui est dépourvue de prétraitement papier permet d’utiliser les stocks de papier offset standard. Les têtes d’impression piézo-électriques sont montées en paire pour une résolution de 1200 dpi.

Qualité offset, encre, papier

Après ce tour d’horizon des différents systèmes d’impression jet d’encre feuilles et des segments d’applications, faisons le point sur le niveau de qualité d’impression, le traitement du papier et le type d’encre utilisé. Le gamut des encres jet d’encre feuilles est très large : il permet de reproduire 75 à 95 % des couleurs Pantone. Comme nous l’avons déjà dit, tous les fabricants de presses jet d’encre feuilles visent la qualité offset. « La technique d’impression, la chimie de l’encre et les médias font la qualité d’impression d’une machine », dit Marc Laruelle de Canon. Seul Xerox estime que la technologie d’encre pour le jet d’encre n’est pas encore à la hauteur du niveau atteint avec des presses toner. C’est peut-être encore le cas pour le segment de presses inférieur au format B2, qui rivalise davantage avec l’impression laser plutôt qu’offset. « Nous voyons qu’il y a encore une différence de qualité par rapport au toner et à la flexibilité des médias », dit Frank Blomme, Manager commercial chez Xerox. « Si on regarde les différentes technologies jet d’encre sur le marché, certaines sont plus limitées que d’autres en termes de qualité en fonction du domaine d’applications ou du marché. Cependant, il existe aussi des systèmes de haute qualité où la technologie jet d’encre a dépassé celle de l’offset. Tout dépend des besoins technologiques et applicatifs des clients », précise et reconnait Nico Sleeckx, Spécialiste de l’impression jet d’encre chez Xerox.

Pour les VarioPrint iSeries, Canon a sorti en 2018 la troisième itération d’encres à l’eau. L’imprimeur a maintenant le choix entre deux types d’encres : les encres iQuarius MP (pour MultiPurpose, soit tout usage) ou les encres iQuarius MX (Media Extended). Les nouvelles encres MX ont été conçues pour élargir les possibilités d’applications à très haut niveau d’exigence ainsi que la gamme de papiers compatibles. L’encre contient deux composés polymères : le premier fond et sert de liant et le second sert de protection. « Il s’agit toujours d’encres pigmentées à l’eau, mais plus concentrées. En fonction des supports utilisés, le gamut peut dépasser celui de l’offset. L’encre est un sujet permanent de développement pour augmenter la couverture des papiers offset », dit Marc Laruelle. Le challenge se trouve surtout du côté des papiers couchés non traités.

La question du primer peut diviser certains fabricants. Le prétraitement du papier est à ce jour la solution qui reste la plus utilisée en impression jet d’encre feuilles. Ce procédé a pour but d’empêcher que le papier absorbe l’eau présente dans les encres. Et de permettre à l’imprimeur d’utiliser son stock de papier offset au lieu de se limiter aux supports traités pour le jet d’encre. Les fabricants qui ont fait le choix d’utiliser des encres UV n’ont pas besoin d’unité de primer. L’encre UV qui est instantanément durcie sous les rayons UV s’applique en effet sur une grande variété de supports, du papier au synthétique. Mais la grande majorité des fabricants de presses feuilles jet d’encre utilisent des encres pigmentées à base d’eau. Parmi eux, seuls quelques-uns arrivent à faire l’impasse du primer avec des encres à l’eau comme Xerox, Landa et Komori avec l’Impremia NS40 qui utilise la technologie nano de Landa. Dans ce dernier cas, le procédé d’impression jet d’encre est indirect alors que c’est habituellement le contraire. Des milliards de gouttelettes sont projetées sur un blanchet chauffant qui fait rapidement évaporer l’eau. L’encre sur le blanchet devient ainsi un film polymère ultra-mince et sec qui est transféré sur le papier. De cette façon, l’encre adhère fortement et sans pénétrer le support. Pour Xerox, l’abstraction du primer vise à ne pas modifier la nature du papier. « Ce qui peut entrainer des soucis au niveau de la finition », dit Frank Blomme. Nico Sleeckx : « Le primer ne facilite pas le séchage du papier et demande un four imposant. Sur notre Brenva HD, nous avons un petit four comparable au système toner iGen. Cela prend moins d’espace et il n’y a pas besoin d’air compressé. Par ailleurs, chaque constructeur réfléchit à comment il pourrait éviter ce primer. » Xerox comme Komori ne recommandent pas de papiers spécifiques pour leur système sans primer. À l’imprimeur de tester quels papiers fonctionnent en fonction de l’application à produire. Koenig&Bauer a lui aussi un temps envisagé de construire la VariJET106 sans primer, mais il s’est rendu compte que le primer restait la meilleure solution pour assurer la flexibilité des supports. Il en va de même pour Heidelberg : « Sans primer, il y a moins de contrôle des gouttes d’encre et la quantité est énorme : plus de 12 milliards par feuille. Le primer est donc utile. »

Pour les presses équipées d’une unité de primer, la substance est la plupart du temps ajoutée sur l’intégralité de la surface de la feuille. Chez Canon, seules les zones d’impression sont recouvertes d’un primer. « L’utilisation du primer n’est pas systématique pour toutes les applications. La qualité est par exemple suffisante sans primer pour les applications transactionnelles. Le prétraitement sera pertinent pour les supports de petit ou très haut grammage, couchés ou non couchés, et les applications de haute qualité. L’avantage d’appliquer un primer uniquement sur la zone d’impression est double. Cela permet d’une part d’utiliser moins de produit et donc de réduire le coût d’utilisation, mais facilite surtout le séchage et le conditionnement du papier pour un second passage en machine en mode duplex. Comme la feuille doit retrouver son état d’origine, toute la quantité d’eau déposée sur la feuille doit être rapidement éliminée. C’est aussi pour cette raison que notre système est aussi imposant et qu’il dispose d’un grand four. La vitesse nous oblige à procéder très rapidement, de l’ordre de quelques millisecondes ou secondes, pour éliminer l’eau. Le four fonctionne à l’air pulsé et l’infrarouge », explique Marc Laruelle.

Autre question : pourquoi privilégier des encres UV ou à l’eau ? L’encre à l’eau est d’une part plus respectueuse de l’environnement, moins coûteuse et permet de créer des encres pour emballage alimentaire. C’est le cas pour Heidelberg, HP, Koenig & Bauer, Landa et Fujifilm. Pour Komori, qui a une vaste expérience dans les techniques de séchage instantané, l’encre UV permet de s’accrocher sur n’importe quel type de support comme le synthétique. « Un autre avantage de l’encre UV est qu’elle ne bouche pas les buses. Avec les encres à l’eau, il y a des risques que cela arrive quand elles ne sont pas utilisées pendant un certain temps. Ce qui demandera un nettoyage », explique François Trollé. « La capacité à imprimer sur du papier texturé, qui représente une difficulté avec les systèmes d’impression offset ou électrophotographiques, est un des seuls mérites du jet d’encre UV », dit aussi Peter Veldhuysen de Konica Minolta. Le séchage instantané des encres UV après l’impression permet par ailleurs de faire l’économie du four et d’autres processus pour empêcher l’ondulation du papier, mais aussi d’augmenter la résistance de l’encre. Pour les encres à l’eau, les pigments sont encapsulés dans un polymère apportant une consistance proche de celle d’une encre offset. « Il y a un marché pour les deux technologies d’encre. Le choix de l’une ou l’autre technologie relève d’une analyse profonde des produits finaux. Les médias, la finition et le niveau de qualité exigé jouent tous un rôle », ajoute Peter Veldhuisen. Quant aux têtes jet d’encre, elles possèdent aujourd’hui une résolution de 1200 dpi dans les grands formats de presse, voire 1440 pour la VariJET 104 de Koenig & Bauer, et de 600 dpi pour les presses B3. Les têtes jet d’encre ont aussi la faculté de jouer avec la finesse des gouttelettes, souvent entre quatre tailles, ce qui affine encore plus la qualité d’impression.

La plupart des presses jet d’encre feuilles permettent d’imprimer en recto verso. Il y a dans ce cas un système de transport du papier qui permet de retourner les feuilles pour repasser une seconde fois sous les têtes d’impression. Ce procédé présente l’avantage d’automatiser le processus de production et donc de gagner du temps. Cela dit, il y a une limite dans l’épaisseur des papiers supportés. C’est sans doute la raison pour laquelle les presses dédiées au secteur de l’emballage, où l’on retrouve des épaisseurs plus élevées, impriment le plus souvent en recto. D’autres ajouteront aussi que le recto verso n’est pas pertinent pour imprimer des matériaux d’emballage.

Technologie en progression

Les fabricants de presses numériques le savent : seuls 3 % des volumes mondiaux d’impression sont produits en numérique. Le reste est encore réalisé avec des technologies analogiques. On peut donc s’imaginer la faible proportion du jet d’encre feuilles qui n’est encore qu’à ses débuts. Si le numérique ne semble être encore qu’une goutte d’eau dans l’océan, il progresse chaque année, tandis que les volumes offset ne cessent de diminuer. Selon Xerox, l’impression numérique augmente principalement dans la publication de livres, les catalogues, le packaging en carton pliant – qui connait la plus forte croissance – et le marché de la photo (livres et objets). L’adoption de la technologie jet d’encre feuilles est portée par la demande croissante vers plus de personnalisation et de variation, mais aussi par des tirages et des délais de plus en plus courts. Le jet d’encre feuilles trouvera surtout sa place dans les produits à forte valeur ajoutée. Cela dit, il y a encore des défis à relever et le développement technologique portera principalement sur les vitesses de production, le format et les supports papier. Il n’est pas non plus exclu que d’autres fabricants lancent encore de nouvelles machines jet d’encre feuilles pour le secteur du packaging et l’impression sur carton. Les prochains grands événements du secteur graphique nous le diront.

Aurelia Ricciardi