P4P optimise la produc- tion de boîtes pliantes comme celle des voitures

23 juin 2022

  • De gauche à droite: Peter Reynders et Mohamed Toual, les cofondateurs restants de Packaging4Professionals.

  • Packaging4Professionals applique le lean manufacturing à la fabrication d’emballages de luxe en carton, une méthode répandue dans le secteur de l’industrie automobile.

Établie à Fleurus, Packaging4Professionnals (P4P) a vu le jour en 2015 avec les cofondateurs Mohamed Toual (CEO), Peter Reynders (de la famille Reynders Label Printing) et Thierry Massagé. Ces anciens collègues issus du cartonnage avaient alors décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Pour ce faire, Mohamed Toual était parvenu à lever près de quatre millions d’euros d’investissement grâce à un business plan inspiré de l’industrie automobile. La spécialité de P4P: la fabrication de boîtes pliantes en carton basé sur les principes du lean manufacturing, tels que conçus par Toyota. Un système d’organisation dans laquelle le CEO a baigné pendant plus de 10 ans chez un équipementier automobile. En bref, le lean manufacturing vise à optimiser la performance industrielle centrée sur la valeur ajoutée, en respectant les exigences du client en matière de coût, de qualité et de délai. Ce qui implique un processus d’amélioration continue (méthode de gestion de la qualité Kaizen) et l’élimination de toute source de gaspillage (matières, déplacement inutile, attente, transport…). La standardisation des processus, la production ‘juste à temps’ et des travailleurs rigoureux et polyvalents sont d’autres valeurs fondamentales de l’approche ‘lean’. Objectifs: réduction des défauts, réduction des délais et augmentation de la satisfaction client.

Sept ans plus tard, l’entreprise est devenue un fleuron wallon de l’industrie de l’emballage et emploie environ 25 personnes. En mai dernier, elle a d’ailleurs été couronnée d’un prix Trends Gazelles Packaging en tant que PME belge à croissance rapide. Avec son modèle d’affaires ‘lean’ et ses 25% de croissance annuelle, P4P attire même le regard d’autres entreprises de grande envergure du secteur. Des offres de rachat, l’entreprise carolo en a d’ailleurs déjà refusé. «Nous préférons préserver notre autonomie et notre ADN, qui est basé sur l’agilité et la responsabilisation du personnel», dit le cofondateur Mohamed Toual.

Selon le CEO, l’année Covid n’a pratiquement pas eu d’impact sur la croissance de l’entreprise. Le manque de disponibilité et la flambée des prix de certaines matières ne perturbent pas non plus outre mesure l’entreprise. «Depuis le début, nous sommes dans le modèle lean qui nous contraint en permanence à faire attention aux ressources. Nous étions donc préparés. La crise Covid a permis de montrer aux clients la plus-value de notre modèle ainsi que notre capacité d’adaptation», dit Mohamed Toual. «Pour y parvenir, nous avons beaucoup standardisé. Même pour des clients du secteur du luxe, nous avons une sélection limitée de matière. Cependant, elles sont iso compatibles pour plusieurs applications sans générer beaucoup de déchets.»

Pari réussi donc aujourd’hui pour le CEO. «En 2021, nous avons atteint nos objectifs et notre modèle est à présent mature. Nous sommes parvenus à mettre en place une unité de production agile et autonome qui permet d’arriver au meilleur résultat qu’on puisse attendre dans le domaine du cartonnage plat. Pour être autonome dans notre modèle, il faut trois choses: le bon layout, les bons équipements et technologies et un personnel réellement impliqué dans les décisions du management».

75% d’offset, 25% de numérique

Chez P4P, le choix des technologies de production a aussi suivi la philosophie ‘lean’. Le parc de machines se compose d’une presse jet d’encre de Fujifilm, la Jet Press 720 S (première européenne à l’époque). L’entreprise est aussi équipée pour le façonnage et l’ennoblissement, notamment avec des machines Bobst: vernis/sérigraphie, dorure à chaud, pose fenêtre, contrecollage, découpe et pliage-collage…

Pour l’impression, P4P privilégie deux couloirs: l’impression offset ou numérique. Le spécialiste de l’emballage a d’emblée investi dans une presse jet d’encre numérique afin de produire efficacement des tirages courts. La JetPress 720 S de Fujifilm imprime sur des feuilles de maximum 532 x 750 mm et jusqu’à 600 microns d’épaisseur pour le carton. Au-delà de 5.000 feuilles, l’impression passe en offset, via «des ateliers décentralisés», pour reprendre les mots du CEO. Pour Mohamed Toual, c’est une question d’utilisation optimale des ressources disponibles: «Le secteur de l’impression offset est en surcapacité, nous n’avons donc pas intérêt à avoir un équipement propre à ce stade. Nous imprimons environ 700.000 feuilles par mois en offset», dit-il. P4P fait appel à un réseau d’imprimeurs belges et européens. Pour Mohamed Toual, il s’agit plutôt de location de machines que de sous-traitance. «Nous ne fournissons pas de cahier des charges aux imprimeurs offset. Nous fournissons le carton et les consommables et nous accompagnons la production pour tout bon à tirer. Nous maîtrisons ainsi la qualité, le processus, la matière… C’est une forme d’ubérisation.» P4P travaille régulièrement avec sept imprimeurs commerciaux européens, dont trois en Belgique. Le plus souvent, les imprimeurs sont équipés de presses Heidelberg, mais d’autres possèdent aussi une Komori ou une Koenig & Bauer. L’intérêt d’un tel réseau? «Ne jamais être confronté à un problème de capacité. Quoi qu’il arrive, nous devons être capables de livrer une commande en 15 à 20 jours ouvrables.» 80% de la production offset passe sur des Heidelberg. «C’est une question de standardisation. Nous pouvons obtenir le même résultat d’impression en utilisant les mêmes cartons, les mêmes encres et les mêmes paramètres, quel que soit l’imprimeur. Mais dans la philosophie lean, nous devons aussi éviter d’être dépendant d’une seule technologie. C’est pourquoi nous référençons également des imprimeurs qui sont équipés chez d’autres fabricants de presse. Si un problème se présente, nous avons ainsi d’autres ressources. On ne veut être dépendant à aucune machine, aucun segment d’activités, aucun pays… Cela s’applique aussi à notre chiffre d’affaires qui ne dépend pas d’un seul secteur, mais de plusieurs: cosmétiques et soins, pharmaceutique, alimentaire, chocolaterie, automobile...», explique Mohamed Toual. Chez P4P, 75% de la production d’impression est réalisée en offset et 25% en numérique. «Un nouvel investissement dans l’impression numérique n’est pas exclu afin d’augmenter la capacité de production», souffle Mohamed Toual.

Déploiement international en vue

À présent que le modèle est arrivé à maturation en tant qu’unité autonome de production, un déménagement et un plan de déploiement international sont au programme chez P4P afin d’augmenter l’offre. Dans un premier temps, un nouveau bâtiment va être construit. En 2024, l’entreprise prévoit de quitter le bâtiment actuel qui est en location. «Ensuite, des filiales suivront», annonce le CEO. «Le site de Fleurus étant très autonome, nous voulons maintenant multiplier des unités de production identiques dans plusieurs pays, à commencer par l’Europe. Dans la philosophie lean, ces nouvelles unités pourront augmenter la capacité de production tout en réduisant l’empreinte carbone. Nous voulons aussi augmenter l’offre pour répondre à la demande croissante du marché. Quelle que soit l’implantation, le client devra pouvoir reconnaître l’identité P4P». Le CEO cite en premier lieu la France, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. «Un certain nombre de pays invite à substituer le plastique. Cela crée énormément de demandes. Par exemple, les clients ne veulent plus de fenêtres en PET dans un emballage.» P4P étant déjà très actif à l’international, la multiplication des sites de production est une suite logique dans une optique d’optimisation des zones de chalandise.

Aurelia Ricciardi