«Deux années de pandémie laissent des traces»

23 juin 2022

Elle aussi marquée au fer du coronavirus, 2021 aura a été une nouvelle année de disette pour l’industrie graphique belge. Son chiffre d’affaires a ainsi reculé de 4,34% par rapport à 2020, relève-t-on dans les données Febelgra. Rapporté à 2019, le secteur graphique belge aura ainsi perdu un cinquième de chiffre d’affaires en deux ans.

  • Marc Vandenbroucke, le patron de Febelgra.

  • L'industrie graphique belge a réalisé en 2021 un chiffre d'affaires de 2,126 milliards d'euros. (*) Hors imprimeries de journaux © Source: Febelgra/SPF Economie

  • Le secteur a perdu 433 emplois en 2021. (*) Hors imprimeries de journaux © Source: Febelgra/ONSS (Chiffres par 30.09.2021)

22021 aura donc été une nouvelle année corona, avec toutes les conséquences négatives pour les résultats de l’industrie graphique. Son chiffre d’affaires a ainsi reculé de 4,34% par rapport à 2020, pointe Febelgra, exercice au cours duquel le secteur avait déjà encaissé une chute de 16,44%. L’industrie graphique belge a généré 2,126 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021. Si l’on compare avec l’année précorona 2019, on constate que la baisse sur deux ans atteint en fait 20%. Et pour les imprimeries commerciales, elle est même de 24%. «On oublie vite, mais jusqu’à l’été 2021, c’était le calme plat. Nous avions un couvre-feu, la fermeture de l’horeca et des commerces non essentiels, plus d’évènements ni de culture, etc. Nos carnets de commandes se sont de nouveau bien remplis à partir de septembre 2021, ce qui donné lieu à un bon quatrième trimestre, mais sans pouvoir compenser le premier semestre», dit Marc Vandenbroucke, patron de la fédération sectorielle Febelgra.

Hausse du chiffre d’affaires des entreprises de prépresse

En 2021, le secteur graphique de notre pays dénombrait encore 685 employeurs, contre 720 en 2020, soit une baisse de 5%. Ils se distribuent comme suit: 495 imprimeries (-5,17% par rapport à 2020), 159 entreprises de prépresse (-4,22%) et 31 de postpresse (-3,13%). Les imprimeries de journaux étaient encore au nombre de treize en 2021. Le secteur a perdu 433 emplois en 2021, environ autant qu’en 2020. L’industrie graphique emploie encore 8 164 personnes, dont 6 709 sont actives dans des imprimeries (-4,27% par rapport à 2020), 1 169 dans des entreprises de prépresse (-8,39%) et 286 de postpresse (-8,63%). «Les chiffres de l’emploi ne sont pas si dramatiques grâce aux mesures de soutien en matière de chômage temporaire. Cette mesure provisoire se termine toutefois fin juin», précise Vandenbroucke. Par rapport à 2019, le secteur graphique a perdu près de 10% de postes d’emploi.

Une analyse détaillée des chiffres d’affaires révèle que celui des entreprises de prépresse et de prémédia a progressé de 12,44%, à 424,69 millions d’euros, ce qui a permis à ce sous-secteur de faire aussi bien qu’en 2019. Les imprimeries, en revanche, ont vu leur chiffre d’affaires baisser de 7,86%, à 1,665 milliard d’euros. Du côté des ateliers de finition, la contraction a été de -3,85%. Leur chiffre d’affaires s’est établi à 36,25 millions d’euros. «Le positif est que le chiffre d’affaires des imprimeurs de journaux a augmenté de 9,4% en 2021. La première hausse depuis dix ans», observe Marc Vandenbroucke. Les imprimeries de journaux ont comptabilisé un chiffre d’affaires 2021 de 34,56 millions d’euros.

Une balance commerciale déficitaire pour la première fois

Le secteur graphique a investi quelque 84 millions d’euros au cours de la difficile année 2021, soit une modeste hausse de 4% par rapport à 2020. Cette timide progression est surtout due aux investissements des entreprises de prépresse et de prémédia, en progression de 45%, à 28 millions d’euros. Elles ont ainsi égalé l’année record de 2018 au cours de laquelle elles avaient dépensé 28,4 millions, le plus gros montant des sept dernières années. Le secteur a manifestement surtout misé sur l’automatisation car l’emploi s’effrite. Du côté des imprimeurs de journaux, des imprimeries commerciales et des entreprises de finition, les investissements ont touché leur plus-bas des sept dernières années.

La balance commerciale de l’industrie graphique belge s’inverse aussi pour la première fois en 2021. Les exportations ont bien crû de 2,30%, à 665 millions d’euros (31% du chiffre d’affaires sectoriel total), mais les importations ont bondi de 18,36%, à 767 millions d’euros. La balance commerciale est donc déficitaire de 102 millions d’euros. «La France contribue particulièrement à cette évolution», dit Febelgra. «Ce déficit commercial témoigne indéniablement du manque de compétitivité de nos entreprises belges. Le handicap salarial est encore aggravé et accéléré par la liaison à l’inflation de notre système d’indexation automatique des salaires.» Nos quatre principaux partenaires commerciaux sont la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Or nos importations dépassent nos exportations pour chacun des quatre.

Sensibiliser à l’importance de l’imprimé

Le secteur graphique se porte plutôt bien cette année, dit Marc Vandenbroucke, même si l’incertitude persiste. «La problématique des matières premières constitue une menace pour notre secteur. Nos adhérents nous disent pour la première fois que leurs clients commencent à annuler des commandes à cause de leur coût de revient. Les hausses des prix du papier se succèdent déjà depuis l’été 2021. Elles ont été facilement digérées, jusqu’à présent. Mais l’imprimé devient trop cher par rapport à d’autres formes de communication.» Vandenbroucke se pose aussi des questions sur les hausses de prix à répétition dans la chaîne d’approvisionnement. «Dans quelle mesure les augmentations des coûts de la pâte à papier, de l’énergie, du transport, etc., déterminent-elles les hausses de prix d’aujourd’hui? J’ai l’impression que les acteurs du secteur papetier – fabricants comme négociants – en profitent pour gonfler leurs marges. Ils sont dans une période faste.» Le secteur graphique a clairement basculé d’une crise momentanée (coronavirus) dans une autre plus structurelle (Ukraine, matières premières, etc.). «Deux années de pandémie laissent des traces», dit Marc Vandenbroucke. Le redressement dépendra de la conjonction de trois conditions, selon le numéro un de Febelgra. «Primo, les prix des matières premières doivent être de nouveau sous contrôle ; je ne parle pas encore d’une baisse. Secundo, le gouvernement et les partenaires sociaux doivent s’attaquer au problème du handicap salarial. Et tertio, nous devons faire en sorte que les consommateurs et les entreprises prennent conscience de l’importance de l’imprimé. Ce à quoi nous travaillons d’arrache-pied avec ces campagnes. Vous en entendrez encore parler cette année.»

Kurt De Cat