C’était pourtant bien parti

28 mars 2024

Poursuivant le rattrapage post-covid entamé en 2021, l’année 2022 avait bien commencé. Mais dès le second semestre, l’insécurité, l’inflation ainsi que la flambée des prix de l’énergie se sont ligués pour briser cet élan.

  • Tony Coenjaerts, l’analyste de Trends Business Information, fait le point sur les entreprises graphiques.

  • Le groupe espagnol Saica a acquis une participation minoritaire dans Pacapime (Halle) afin d’augmenter sa visibilité dans les pays d’Europe du Nord.

  • La troisième génération de la famille Reynders a pris la direction de l’entreprise en main avec Bart Reynders (à gauche sur la photo) et Sebastian Reynders (à droite). Au milieu figure Marco Van Hooff, directeur des ventes chez Reynders Label Printing.

  • Cartamundi investit pour doubler sa capacité de production à Tunhout.

C’est en gardant ce contexte en mémoire qu’il convient d’apprécier les chiffres alignés dans nos différents tableaux. Par exemple, si le chiffre d’affaires d’Amcor Flexibles Transpac a augmenté de 11,5% en euros en 2022, année sur laquelle portent les données reprises dans différents classements, la croissance en volume par contre, n’atteint que 1,5%.

Notre premier classement porte sur le chiffre d’affaires. Amcor Flexibles Transpac et MCC Verstraete s’y sont des années durant disputés la première place. Et les voici l’un et l’autre coiffés par un nouveau venu auquel Agfa a apporté, en 2021, sa branche Offset Solutions. En août 2022, un accord est trouvé avec le fonds d’investissement paneuropéen Aurelius qui officialise l’acquisition d’Agfa Offset en rebaptisant l’entreprise, Eco3. Compte tenu des circonstances, le premier exercice social de cette dernière a été prolongé à 24 mois et se termine sur une perte de 10 millions d’euros imputable à l’amortissement immédiat du goodwill reçu lors de l’acquisition des activités offset d’Agfa. Autre nouveau venu dans nos classements, le producteur de carton ondulé Pacapime (CA 60 millions d’euros) basé à Hal et dans le capital duquel l’Espagnol Saica vient de prendre une participation minoritaire afin d’augmenter sa visibilité en Europe du Nord et ainsi se poser en concurrent de VPK Packaging qui franchit, pour la première fois, le cap des deux milliards de chiffre d’affaires. Derrière, Amcor Flexibles Transpac et MCC Verstraete se tiennent dans un mouchoir de poche.

MARGES BRUTES

Les chiffres d’affaires repris dans ce classement ne sont à vrai dire guère nombreux, une centaine tout au plus. Même si des groupes sont deci-delà en train de se constituer, le secteur graphique reste peuplé de PME qui peuvent utiliser un modèle de comptes annuels abrégé ou micro sur lequel la mention du chiffre d’affaires est facultative. C’est la raison pour laquelle notre classement général reprend depuis de nombreuses années déjà, à défaut du chiffre d’affaires, celui de la marge brute réalisée et visualise cette dernière par un astérisque placé à côté du montant auquel il se rapporte. Dans un souci de comparabilité, si une marge brute est affichée en 2022, le montant correspondant pour 2021 se trouve placé en regard même si cette année là, l’entreprise a publié un chiffre d’affaires.

La première marge brute de notre classement est celle de Van Genechten Packaging, en réalité un fournisseur de services aux autres sociétés de ce groupe qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires consolidé de 701 millions d’euros dans lequel les activités d’emballage, en progression de 29%, s’établissent à 390 millions d’euros. La suivante est celle de Beyaert Printing, une imprimerie de Waregem spécialisée dans le grand format dont le chiffre d’affaires peut être estimé à une douzaine de millions d’euros.

BÉNÉFICES NETS

Cumulés, les 200 plus grands bénéfices de l’année sous revue (216 millions d’euros) ont augmenté par rapport au même classement établi un an auparavant. Le total s’élevait alors à 190 millions d’euros. Même si globalement plus d’une entreprise sur deux (56%) a amélioré son résultat d’un exercice à l’autre, l’essentiel de cette progression est en réalité imputable à deux entreprises. Label Printing Europe Partners tout d’abord, dont le bénéfice net a bondi de 20,5 millions d’euros. Mais la performance est avant tout financière et acte une plus-value sur actifs immobilisés. Label Printing Europe occupe en effet une position intermédiaire entre Accent dans le giron duquel sont entrées en 2022 sept nouvelles sociétés et Packaging Printco, société faîtière du groupe Asteria. Financièrement soutenu par le fonds d’investissement Waterland, ce dernier multiplie en effet les acquisitions et affiche pour l’exercice 2022 un chiffre d’affaires (271 millions d’euros, dont 77 réalisés dans notre pays) plus que doublé par rapport à l’année précédente (134 millions d’euros). Basé à Gullegem, Asteria est spécialisé dans l’impression d’étiquettes et compte aujourd’hui 33 entreprises. La deuxième progression de taille - 8,3 millions d’euros – enregistrée par W.H. Brady, une entreprise spécialisée en signalétique et identification industrielle, traduit en réalité un retour à la normale dans la mesure où la quasi-totalité du résultat d’exploitation engrangé en 2021 a été mangée cette année-là par une réduction de valeur sur participations (Brady Midlle East FZE).

Ces deux exemples montrent qu’un bénéfice n’est finalement qu’un résultat comptable et que ce dernier demande parfois à être à être nuancé. C’est la raison pour laquelle nous publions également un classement selon le résultat d’exploitation, à nos yeux plus «vrai» dans la mesure où ce dernier traduit en chiffres l’activité courante et normale d’une entreprise sans prendre en compte des éléments financiers ou fiscaux. C’est la raison pour laquelle, Label Printing Europe, par exemple, ne s’y retrouve pas. Ce classement est emmené par MCC Verstraete et Amcor Flexibles Transpac qui, tous deux, survolent la mêlée.

RETURN ON EQUITY

Du bénéfice à la rentabilité, il n’y a qu’un pas que nous avons franchi en calculant pour les 200 premières entreprises de nos tableaux, selon les fonds propres, le rendement de ces derniers via le ROE ou Return on Equity, un ratio à considérer avec prudence, toute fraction tendant à devenir trompeuse au fur et à mesure que se réduit son dénominateur. Parmi les entreprises dont les fonds propres sont supérieurs à dix millions d’euros, la palme revient à Reynders Pharmaceutical Labels avec 39, 62%. En consolidé toutefois, ce ratio descend à 25,09%, ce qui reste confortable et nettement au-dessus de la moyenne des 200 entreprises de notre tableau – 13,54% ou 14,01% selon que l’on prend ou non en considération les résultats (exceptionnels) d’Eco3. Chez Reynders, 2022 a vu l’arrivée aux commandes de la troisième génération et l’année suivante, l’acquistion de l’Allemand Schäfer-etiketten qui devient ainsi la huitième unité de production du groupe. Cette même année, est entré en service à Boechout un nouveau hall de production dédié au secteur pharmaceutique qui permettra d’augmenter de 40% la production sur ce site, berceau du groupe. En 2022, Reynders a réalisé en consolidé un chiffre d’affaires de 151 millions d’euros.

Globalement, la valeur ajoutée des 200 entreprises de notre top progresse de 9,9%. Ce classement est, comme à l’accoutumée, emmené par le tandem MCC Verstraete - Amcor Flexibles Transpac auquel est venu s’ajouter Eco3. La valeur ajoutée est le supplément de valeur que donne, par son activité, l’entreprise aux biens et services en provenance de tiers. C’est une notion importante dans la mesure où, par la suite, cette valeur ajoutée sera répartie entre revenus du travail, revenus du capital et prélèvements publics. D’où l’importance du ratio dépenses en personnel/valeur ajoutée qui doit fonctionner comme un signal d’alarme dès qu’il s’élève de manière déraisonnable au-delà de la moyenne. Dans nos tableaux, ce ratio a été calculé deux fois: une première en ne prenant en compte que le personnel statutaire, une seconde en y ajoutant le personnel intérimaire.

D’un exercice à l’autre, le poids des dépenses en personnel dans la valeur ajoutée est restée quasi inchangée et s’élève à 63,7% ou 66% selon que l’on y inclut ou non les intérimaires. Tout comme l’année précédente, c’est Amcor Flexibles Transpac, qui a été en 2022 le plus grand utilisateur de ces derniers dont la rémunération a représenté 7,8% de l’ensemble des dépenses en personnel, soit près plus du double (3,6%) de la moyenne du secteur. Ce dernier pourcentage est toutefois légèrement sous-estimé dans la mesure où seules les entreprises qui établissent leurs comptes selon un schéma complet sont tenues de publier ce type d’information.

Notre avant-dernier classement examine la solidité financière des entreprises en fonction de leur degré d’indépendance financière, obtenu en divisant les fonds propres par le total du bilan. Pour les 200 entreprises de notre tableau, ce total s’établit à 41,3%.

INVESTISSEMENTS

Tourné vers l’avenir, notre dernier tableau reprend les investissements en immobilisations corporelles actés en cours d’exercice. Il est à prendre avec les réserves d’usage dans la mesure où il existe toujours un décalage dans le temps entre le moment où un investissement est annoncé et celui où le premier coup de pioche est donné. S’y ajoute que les montants cités à cette occasion, souvent impressionnants sont, dans la pratique, réparti sur plusieurs années. Brady, par exemple, a acquis en avril 2022 à Zele un terrain appelé à recevoir une unité de production, un magasin ainsi que des bureaux.

La société holding G3 Print a absorbé les sociétés d’exploitation imprimerie Bietlot Frères ainsi que l’Imprimerie Duculot-Califice et modifié sa raison sociale en Imprimerie Bietlot. Etabli à Gilly, près de Charleroi, Bietlot est une imprimerie de labeur et le nouvel ensemble ainsi constitué a réalisé pour l’année 2022 un chiffre d’affaires de 7,6 millions d’euros. «Imprimeur pour imprimeurs», Cartim Print relève du groupe Nanoprint dont fait également partie Daddy Kate qui a démarré l’année 2024 en force avec l’acquisition à Tournai de la société ICR spécialisée dans les mailings et à Miribel, près de Lyon, de la société Faurite, en redresssement judiciaire. Ces deux acquisitions devraient porter le chiffre d’affaires du groupe à 75 millions d’euros.

D’UN GROUPE À L’AUTRE

Relevons encore pour l’exercice sous revue, l’excellente prestation de Graphius qui a vu son chiffre d’affaires consolidé bondir de 72 à 124 millions d’euros, essentiellement par l’intégration d’Antilope De Bie. En cours d’exercice, Graphius Group a en effet porté de 33,37% à 100% sa participation dans Bie Invest, dont Antilope De Bie était filiale à part entière. Au printemps 2023, Cassochrome, une imprimerie de niche située en bordure de la frontière française à une vingtaine de minutes de Lille et spécialisée dans l’impression d’ouvrages d’art a rejoint le groupe. Un peu plus tard, Rembrandt et Remmicon Packaging, tous deux basés à Aarschot ont fait de même. En fin d’année s’y est ajouté Philenor, plus connu sous son appellation commerciale - Paperland - basé à Uccle et spécialisé dans l’impression de cartes de visites, faire-parts et brochures de qualité.

CartaMundi de son côté, détenu à parts égales avec Brepols Group, a réalisé un chiffre d’affaires de 648 millions d’euros mais doit s’adapter à la nouvelle donne. Depuis la fin du confinement, les jeux de société style Monoply ou Cluedo n’ont plus vraiment la cote de sorte qu’une usine – Waterford en Irlande – a dû être fermée l’année dernière. Parallèlement, le groupe annonce investir massivement dans la fabrication de cartes (Pokemon, etc.), ce qui se traduira pour Turnhout par un doublement de la capacité de production dès 2025.

TONY COENJAERTS